« Entrer dans un livre, quel qu'il soit, c'est se résigner à cette dictature, à l'arbitraire d'un maître de maison qui s'arroge tous les droits, celui de dissimuler, de brouiller les pistes et les points de vue, selon une procédure qu'il choisit. »
Ce livre est un objet bizarre. On n'y comprend pas grand chose, et on s 'en fiche complètement, tant on partage le plaisir jouissif d'
Emmanuel Carrère , conteur qui se laisse embarquer dans des digressions, reprend le fil, raconte tout et n'importe quoi, pourvu qu'il ait le bonheur d'inventer et raconter.
A la base, c'est l'amour peu ordinaire de Victor et Marguerite, basé sur la fabulation, l'invention, le mensonge, la mystification dans un jeu de miroirs et d'illusions qui se mordent la queue. A l'arrivée un délire verbal absurde et joyeux, mi-feuilleton d'aventure, mi-roman policier, une blague gigantesque. Il faut abandonner sa petite logique, se laisser porter par les mots, jouir des coïncidences, rire de la damnée malice de l'auteur, laisser les noeuds se resserrer implacablement.
C'est le premier livre d'
Emmanuel Carrère, qui accumule « indices, rebondissements et déductions » et « tire[r] de tout cela un de ces rutilants chapitres finaux où la plus infime notation révèle sa fonction, son impérieuse nécessité » . D'une belle audace, d'un humour décapant , c'est une réflexion ô combien ludique sur l'absurdité de la vie, l'écriture et la fiction, le mensonge et la vérité.