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Critique de Olivia-A


J'en ai encore les poils qui se hérissent et des frissons dans les dos. Par souci d'objectivité, Emmanuel Carrère a restitué les faits, tous les faits dont il avait connaissance, sans juger, sans prendre parti. Et ça n'en est que plus horrible finalement. Parce qu'il nous pousse à réfléchir pour nous-mêmes à toute cette histoire, à ce qu'on peut ou pas croire, à ce qu'on pense être la vérité mais qui finalement ne l'est peut-être pas. Après avoir pris connaissance de l'imposture de Jean-Claude Romand, on en vient à douter de tout et de tout le monde, ça nous entraîne dans une paranoïa incontrôlable.

Jean-Claude Romand a trompé son monde, a trompé tout le monde, pendant 18 ans. Sa femme, ses parents, ses amis, ses enfants, sa maîtresse, tous le prenaient pour ce qu'il n'était pas, ce qu'il n'avait même jamais été. Tout ça à cause de quoi? Un examen manqué à cause d'un chagrin d'amour (ou du suicide d'une amoureuse éconduite, on ne saura jamais vraiment). Une simple petite erreur de parcours, aisément rectifiable a entraîné cet homme dans un monde d'illusions et de mensonges, jusqu'au massacre final, poussé par la peur de décevoir les siens.

Le compte-rendu d'Emmanuel Carrère est admirable, même si son intérêt premier, celui qui l'a poussé à prendre contact avec l'assassin, m'a semblé franchement dérangeant. Son regard objectif pourtant le pardonne de cet élan morbide, puisqu'il cherche à comprendre, plus que les faits, comment un homme peut en arriver à de telles extrémités. Et finalement, même s'il énonce des raisons, tout cela reste quand même incompréhensible. La seule explication plausible, qui ne pardonne absolument rien et n'apaisera jamais les esprits de ceux qui ont souffert de cette tragédie et des mensonges, c'est que Jean-Claude Romand est psychologiquement instable, qu'il s'est installé tellement durablement dans le mensonge qu'il ne sait plus comment reprendre contact avec la réalité.

Plus que la tragédie elle-même, l'assassinat de toute sa famille pour nommer les choses par leur nom, c'est le mensonge qui m'a laissée bouche bée. Et c'est aussi là-dessus qu'insiste Emmanuel Carrère. On ne peut pas justifier la folie meurtrière d'un homme qui se ment à lui-même, en revanche on peut essayer de comprendre comment il en est arrivé à se mentir à lui-même au point d'être capable d'une telle chose. Tout au long du livre, on voudrait croire que c'est de la fiction, mais l'auteur veille à citer suffisamment de sources et de faits précis pour nous ôter toute possibilité de croire que l'homme est un être censé. C'est complètement fou, et c'est pourtant la réalité. Fou est encore trop positif. C'est insensé. Et je trouve Emmanuel Carrère admirable d'avoir restitué cette histoire dans toutes ses contradictions, avec un regard qui n'est certes pas détaché mais qui se veut objectif, tout en nous faisant part de ses propres scrupules.
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