AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782221055922
388 pages
Robert Laffont (23/06/1992)
3.57/5   7 notes
Résumé :
Choisir sa vie à l'âge où la plupart des hommes n'ont plus qu'à dresser leur bilan et à planter des roses présentait à coup sûr un danger; mais, paradoxalement, le danger, le risque mettent la vieillesse en fuite, et s'opposent à la mort lente ou à la dégradation qui guette les destins trop rondement menés.

Héritier d'une famille de grands viticulteurs,Gabriel Mancini connaît les enchantements d'une enfance dédiée à la nature, à la beauté et à l'art. ... >Voir plus
Que lire après L'indifférence des étoilesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Dans ce roman, Jean carrière met en scène son personnage, Gabriel, avec toute sa démarche métaphysiques, particulièrement autour du temps, qui le hante dans tous ses écrits.

Ainsi, il se préoccupe du fait que dans une cinquantaine d'années, d'autres seront assis à sa place, indifférents à son existence passée qu'ils méconnaissent, mais n'est-ce pas un peu le cas pour nous-mêmes, chaque jour, lorsque nous visitons des lieux anciens où ont vécu tant de personnes. Bien sûr, s'il s'agit d'un personnage célèbre, Victor Hugo à Paris, Mozart à Vienne, de gaulle à Colombey, on va les imaginer installés dans les lieux. Mais si ce sont des anonymes qui ont occupé ces vieux murs où nous vivons maintenant que reste-t-il d'eux ? Des arbres qu'ils ont plantés, des bords de rivière qu'ils ont fréquentés, des rochers où ils ont lu un livre, dormi, aimé...

Carrière sensibilise inévitablement son lecteur à cette mélancolie qui le hante, il la transfère au lecteur, particulièrement quand il évoque l'automne, cette saison dramatique où la nature s'habille d'ultimes splendeurs avant le pourrissement inéluctables. L'automne, il le porte en lui, en donne de sublimes descriptions, toujours chargées de cette nostalgie permanente et de la peur du froid de l'avenir qui arrive, du frois du tombeau.

Un aboutissement dans l'écriture de Carrière avec ce roman dans lequel il revisite tous les démons qui l'ont perturbé, fuite du temps, destinée, esthétique de la nature et de ses plantes, art, grandeur, décadence. Son écriture m'a paru plus riche que jamais, l'ordonnancement de ses idées magistral, dans un livre sublime.
Commenter  J’apprécie          731
« Comment le sens pourrait-il atteindre l'indicible ? » (p 179)

On retrouve un peu le Jean Carrière de « Retour à Uzès » avec ces flots intérieurs qui se déversent dans des tourbillons torturés. Mais le propos s'est décentré sur un personnage extérieur bien construit. le style, du reste, a changé. Il s'écoule, fluide, dansant, en phrases incroyablement longues, à lire au fil de l'onde…

« Peut-être faut-il avoir tout perdu et être démuni de tout ce qui donne un sens à la vie pour que l'écriture obtienne la force nécessaire à l'envie de tout repêcher dans les profondeurs de notre naufrage. » (176)

C'est un roman complexe, porté par ce questionnement sur le temps récurent dans le travail de l'auteur, mais nourri aussi de pages flamboyantes et transcendantes sur la plénitude, la création et la quête d'absolu.

« Il me fit part avec véhémence d'une théorie selon laquelle la littérature n'était qu'un art mineur, puisque contraint par la nécessité d'être accessible à une majorité de lecteurs. Selon lui, la seule façon d'échapper à ce carcan, était : premièrement de n'avoir aucune ambition sociale, deuxièmement de faire comme si l'on s'adressait au seul interlocuteur qui vaille, même si l'on n'était pas assuré que cet interlocuteur existât : Dieu en personne. » (179)

Jean Carrière n'épargne pas son public – Dieu a-t-il besoin d'être ménagé ? Il tourne autour du nombril de Gabriel et des « cloaques métaphysiques où il se complaisait » rageur, cherchant à défendre ses visions, avec des mots chargés d'idées, des paragraphes un tantinet larmoyant, des phrases étouffe-lecteur. Mais quand on survit à cette littérature, à « cette sublimation forcenée des êtres et des choses », on se trouve enlacé par un élan extraordinairement habité et vivant. On prend la mesure de ce qu'a dû vivre cet homme, dont les livres sont pour une grande part des déchirures autobiographiques.

« Il n'y avait sans doute pas deux personnes au monde aussi riches que lui : il possédait tout et tout le possédait. Il n'avait besoin que de respirer, de voir, d'entendre, et de goûter la saveur alerte et épicée de l'air qui touchait son visage et lui apportait toujours des nouvelles fraîches des quatre coins de son univers. » (82)

J'ai eu du mal à m'en extirper…
Lien : http://versautrechose.fr/blo..
Commenter  J’apprécie          60

Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Dans le soleil déclinant qui dorait la pelouse, des myriades d'insectes dérivaient lentement, brillants comme de minuscules particules d'argent, et l'idée furtive me traversa que, dans cinquante ans, des étrangers seraient assis à notre place, parlant de tout et de rien, et qu'il n'y aurait peut-être personne pour se souvenir de nous. Nous ouvririons nos mâchoires démesurément dans l'obscurité d'un caveau, car tous les morts bâillent d'ennui d'un bout à l'autre de la terre, tandis qu'une espèce finalement sans lendemain continuerait à se perpétuer dans un présent éternel qui était déjà le notre puisque j'y pensais, persuadée qu'elle a quelque chose à dire ou à faire, qu'elle choisit d'être ceci ou cela, de pratiquer la médecine ou de mettre un pays à feu et à sang, de prendre fait et cause pour une idée plutôt qu'une autre, de tuer ses semblables ou de les aider à survivre, alors qu'elle ne dispose en fait que d'une alternative: jouer le jeu ou se tirer une balle dans la tête. Mais à bien y réfléchir, cela revenait au même, et le suicide était une duperie, la pire de toutes sans aucun doute, car encore eût-il fallu pouvoir profiter du fait de s'être débarrassé de la vie, fléau coriace, et divertissement encore plus opiniâtre, en étant conscient d'être mort. Oui, le suicide était une duperie puisque, jusqu'au dernier moment, on continuait à supporter le poids insupportable de l'existence, et une fois mort, on n'avait même pas le bénéfice, jusqu'à preuve du contraire, de savoir qu'on l'était, en sorte que la fatalité avait le dernier mot quoi qu'on fît.
Commenter  J’apprécie          40
Le temps continuait à passer, imperturbable, partout et nulle part, présent et toujours absent, invisible, muet comme une tombe dont il était le fournisseur exclusif, monstre tapi dans le moindre grain de poussière, les bourgeons innocents, une note de musique, les astres disparus dont on recevait encore la lumière, laminoir sournois, menteur et hypocrite, parfois aussi doux qu'une caresse qui dissimulait ses griffes meurtrières, les étés se faisaient de plus en plus courts, il suffisait que deux ou trois orages éclatent ou que des nuages inopportuns naviguent dans le ciel en cachant le soleil par intermittence pour qu'ils parussent déjà liés à l'automne avant que juillet n'ait eu le temps de s'épanouir dans sa gloire éphémère, les automnes paraissaient de plus en plus interminables et le printemps n'était que le prolongement imprudent de l'hiver.
Commenter  J’apprécie          30
S'il avait lu l'Evangile comme on lit le compte rendu des nouvelles dans un journal, il aurait fait une dépression nerveuse. Les principes religieux dans lesquels il avait été élevé avait vidé de son contenu l'essentiel du message évangélique, et à l'exigence d'agir sur le monde s'étaient substitués la prière du soir, la messe dominicale, la communion le jour de Pâques et le respect du credo catholique.
Commenter  J’apprécie          20
Il n'avait pas encore l'âge de redouter l'automne et ses pluies éternelles, ses tapis de feuilles pourries, ses relents mortifères, comme si son esprit affamé de chaleur et de lumière filtrait les saisons pour ne laisser la place qu'à un été sans fin.
Commenter  J’apprécie          20
Mais son instinct lui disait que ces affranchis, si bien rompus aux ruses de la vie sociale dont le collège était un microcosme, ne connaîtraient jamais le goût naturel de l'existence. (35)
Commenter  J’apprécie          20

Video de Jean Carrière (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean Carrière
Jean Giono, du côté de Manosque. entretiens avec Jean Carrière
autres livres classés : troubles mentauxVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (13) Voir plus




{* *}