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Al Gore (Préfacier, etc.)Jean-François Gravrand (Traducteur)Baptiste Lanaspeze (Traducteur)
EAN : 9782918490005
288 pages
Wildproject (20/05/2009)
4.3/5   116 notes
Résumé :
Premier ouvrage sur le scandale des pesticides, Printemps silencieux a entraîné l'interdiction du DDT aux États-Unis.

Cette victoire historique d un individu contre les lobbies de l'industrie chimique a déclenché au début des années 1960 la naissance du mouvement écologiste.

Printemps silencieux est aussi l'essai d'une écologue et d'une vulgarisatrice hors pair. En étudiant l'impact des pesticides sur le monde vivant, du sol aux riviè... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (31) Voir plus Ajouter une critique
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Une couverture magnifique, fleurs, papillons, oiseaux qui attire mon regard. Et ce titre "Printemps silencieux" qui fait tilt dans mon esprit. J'emprunte ce livre avec néanmoins, une légère appréhension, un essai, ça peut être rébarbatif non ?
En fait ce livre est passionnant, ambitieux, mais terriblement effarant.... Rachel Carson a écrit ce livre en 1962 (il y a tout pile 60 ans !), elle va y recenser les études menées sur les produits chimiques utilisés pour détruire les insectes et autres "mauvaises" herbes dans le milieu agricole et forestier. Elle va y faire le bilan des dommages irrémédiables constatés sur la flore, la faune, l'être humain sachant qu'en 1962 ça faisait à peine 12 ans qu'on utilisait ces produits avec "vigueur" (et que ce n'était rien face à l'usage actuel !). Ce qui est effarant, c'est qu'en fait on ne peut pas dire qu'on ne savait pas. Tout est dit dans ce livre de ce que nous vivons aujourd'hui. Tout est dit mais rien n'a été fait.
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Petit point sémantique.
Ce livre est une édition toute jolie, toute nouvelle mais qui utilise la traduction de l'époque. Donc dans ce livre est utilisée la notion de "poison chimique".
C'est vrai qu'on dit "pesticide" (qui tue la vermine), "produit phytosanitaire" (qui soigne la plante) voire "produit phytopharmaceutique" (produit qui soigne et guérit la plante - no comment). Ah le politiquement correct, le glissement sémantique pour faire accepter les choses. Ca me rappelle les "dommages collatéraux" de la guerre contre l'Irak....
C'est sûr que "le paysan a déversé des phytos sur son champ" c'est plus classe que "le paysan a déversé des poisons chimiques sur son champ". Là on risque de m'accuser d'agribashing et je risque de voir la cellule Déméter me tomber dessus !
L'avantage c'est que je peux le dire, c'est le terme de l'auteure qui n'hésite pas à multiplier les "empoisonnements" et termes dérivés.
.
Fin de ma parenthèse sémantique.
Dans ce livre Rachel Carson pointe toutes les dérives de ces "poisons chimiques" et ses effets désastreux sur l'environnement mais aussi sur l'homme. Elle démonte les mécanismes, explique, et rend concrètes des données pas toujours évidentes à saisir. Elle a un réel talent de vulgarisation. Ce livre est difficile à lâcher.
Ajoutez un regard de "60 ans après" et là ça devient déprimant.... Tout est dit, la disparition des abeilles et les problèmes de pollinisation, la multiplication des cancers, les problèmes de stérilité, la ruine inéluctable de notre environnement. Et les batailles juridiques sans fin pour continuer à utiliser un produit dangereux.....
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Rachel Carson s'étonne de la peur presque animale du nucléaire (dont elle reconnaît les dangers) alors que les "poisons chimiques" le sont tout autant mais sont utilisés par tous sans aucune réflexion....
Rachel Carson est morte deux ans après la sortie de son livre. Heureusement, elle n'a pas vu que, certes son livre aura permis l'interdiction du DDT et des POP, mais au profit d'autres substances peut-être pires encore et utilisant des technologies inouïes (les nanoplastiques utilisés en agriculture qui diffusent lentement les "poisons chimiques" et laissent l'enveloppe de nanoplastique dans le sol)....
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Un livre nécessaire, mais effrayant quand on le lit 60 ans après, car on s'aperçoit que rien ou presque n'a changé et qu'on a accepté le principe même d'être empoisonné(s)....
En un mot : glaçant.....
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Soixante ans ! Ce livre a soixante ans !
En 1962, on ne parlait pas encore de la "6ème extinction de masse", mais Rachel Carson utilise la métaphore du printemps silencieux pour constater, en biologiste qu'elle est, les ravages exercés par les pesticides sur les insectes, et par voie de conséquence sur les oiseaux qui s'en nourrissent.
"La pluie de désherbant qui s'abat sur les forêts et les champs, les marais et les cultures amenuise et même détruit tout de bon l'habitat des bêtes sauvages. Peut-être serait-il moins cruel de massacrer ces créatures que de leur supprimer la nourriture et l'abri."
Rachel Carson décrit les effets du DDT et autres toxiques sur les différentes espèces (notamment l'effet cocktail encore mal connu), mais aussi sur les sols, les eaux et l'air, et puis bien sûr sur la santé humaine.
"Dans les circonstances présentes, notre sort n'est guère plus enviable que celui des invités des Borgia."
Elle évoque également les phénomènes qui favorisent les insectes les plus résistants, démontrant ainsi l'inanité de cette course aux pesticides, et propose des solutions différentes comme la lutte biologique. Par contre elle est très évasive sur les enjeux économiques, en clair le système industriel capitaliste à l'origine des épandages massifs. Pas un mot non plus sur les décisions politiques.
(Rappelons que la chlordécone, interdite en 1976 aux États-Unis, a été utilisée jusqu'en 1993 aux Antilles françaises, contaminant durablement le milieu et provoquant de multiples cancers... pour que la métropole puisse manger des bananes. Et que le glyphosate, classé "probablement cancérogène" lui aussi, reste l'herbicide le plus vendu dans le monde.)
Ce livre a curieusement vieilli. Par rapport aux publications scientifiques du 21ème siècle, il manque singulièrement de références, de sources, de bibliographie. Des chiffres apparaissent de-ci de-là, mais disons-le, bien qu'appuyé sur des travaux solides sans aucun doute, c'est clairement plus romanesque que scientifique. Voire poétique : "...ces farfadets de la forêt que sont les roitelets, huppés et rubis, les petits gobe-mouches, et les mille chanteurs dont les vols migrateurs passent à travers nos arbres à la saison du renouveau, comme un fleuve multicolore..."
C'est aussi ce qui fait son charme.

Traduction de Jean-François Gravrand révisée par Baptiste Lanaspeze.
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"Les générations à venir nous reprocherons probablement de ne pas nous être souciés davantage du sort futur du monde naturel, duquel dépend toute vie." (p.38)

En lisant l'ouvrage de Rachel Carson, je n'ai pu m'empêcher de penser à cette génération, celle de mes parents, celle de ces hommes politiques, qui se dédouane de l'enjeu climatique que nous vivons aujourd'hui en disant "Mais euh! Faut pas nous faire de reproches, on n'était pas au courant!" Et bien si... ils étaient au courant... depuis près de 60 ans, depuis 1962, depuis cette recherche, si bien documentée et qui fait froid dans le dos...

C'est toute l'histoire de la biodiversité en péril que nous raconte Rachel Carson dans "Printemps silencieux" : eaux polluées qui deviennent meurtrières pour la faune qui s'y développe, disparition d'espèces animales et végétales, conséquence directe de l'empoissonnement aux pesticides mais aussi par destruction de leur habitat naturel ou de leur nourriture. Et que dire des cas de mutations génétiques, de cancers et leucémies, qui augmentent depuis que les pesticides sont utilisés ?
Dans ce texte, très abordable même pour un non-scientifique, Rachel Carson accumule les exemples, les cas, les études, les points de vue et on ne peut rester insensible aux catastrophes écologiques qu'elle étale sous nos yeux. Elle nous rappelle que les insectes, les oiseaux, la flore sont des parties d'un tout, d'un cycle que l'homme et son désir de contrôle de la nature viennent perturber alors que l'homme lui aussi fait partie de ce cycle...
Les solutions biologiques pour lutter contre ce que l'homme juge "indésirable" existent, Rachel Carson en donne de nombreux exemples dans son ouvrage. Nul besoin de produits chimiques : le respect de chaque être vivant, l'observation et la compréhension de la nature offrent tout un tas de possibilités de trouver des solutions autre que la destruction d'une espèce pour le confort d'une autre...

Si "Printemps silencieux" a suscité une réelle prise de conscience dans les années 60, interdisant l'emploi du DDT et provoquant la naissance du mouvement écologiste, où en est-on aujourd'hui ? L'homme continue à utiliser des produits chimiques dangereux, en agriculture intensive, dans les jardins... Les populations d'insectes, d'oiseaux continuent de régresser, les abeilles sont en danger, de nombreuses espèces sont en disparues ou en voie d'extinction...

Incompréhension, tristesse, révolte, colère et dégoût pour la race humaine qui se croit supérieure à la nature sont les sentiments qui m'ont accompagnée tout au long de ma lecture et je me dis une fois encore qu'il y a beaucoup de travail à faire pour que l'homme moderne cesse de se croire le maître d'un monde dont il n'est qu'une infime partie et encore plus de travail pour qu'il comprenne qu'il provoque lui-même à sa propre autodestruction...

"Deux routes s'offrent à nous (...). Celle qui prolonge la voie que nous avons suivie est facile, trompeusement aisée ; c'est une autoroute, où toutes les vitesses sont permises, mais qui mène droit au désastre. L'autre, "le chemin moins battu", nous offre notre dernière, notre unique chance d'atteindre une destination qui garantit la préservation de notre terre." (p.258)
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J'ai lu "Le Printemps silencieux" un an après sa sortie en France en 1968. J'avais un douzaine d'années et cet ouvrage m'a profondément marqué.

J'ai toujours respecté la nature et l'environnement. J'ai planté des centaines d'arbres, arbustes, plantes, évité autant que faire se peut de polluer. Peu après cette lecture, je suis très vite devenu un fervent défenseur de l'écologie. J'étais pour cela moqué par ma prof de Sciences naturelles à qui j'avais osé prétendre que l'écologie serait le problème majeur de notre avenir et que je ne comprenais pas qu'elle ne sensibilise pas ses classes à ce respect de la nature. Elle me traitait ironiquement "d'écologiste", j'étais le seul à rouler en vélo alors que mes copains et copines avait une mob !

J'avais immédiatement apprécié ce livre et en faisais la promotion dans mon entourage dédaigneux.
Mais je savais déjà qu'il était bien trop tard.
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Paru en 1962, Printemps silencieux marque la naissance du mouvement écologique. En dénonçant les dangers invisibles des pesticides et autres produits chimiques, Rachel Carson provoqua alors l'interdiction du DDT aux États-Unis.
(...)
Ouvrage d'une prodigieuse limpidité. S'il permit en son temps, par son succès public, une prise de conscience massive et l'interdiction du DDT aux États-Unis, l'usage des insecticides n'en demeure pas moins prédominant, soixante ans plus tard. Comme pour NOTRE ENVIRONNEMENT SYNTHÉTIQUE - La Naissance de l'écologie politique de Murray Bookchin, paru six mois plus tôt, ou le Rapport Meadows en 1972, il semble que ces alertes lointaines soient restées lettre morte. Que de temps perdu !

Article complet sur le blog :
Lien : https://bibliothequefahrenhe..
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critiques presse (4)
Telerama
21 décembre 2022
En 1962 paraissait aux États-Unis Silent Spring, de Rachel Carson, best-seller dès sa sortie. Pour la première fois, la biologiste démontrait les ravages des pesticides sur l'environnement. Et l'industrie chimique vacillait...
Lire la critique sur le site : Telerama
Bibliobs
22 juin 2022
C’était il y a soixante ans. Alors que les substances chimiques commencent à se répandre en masse dans les champs, Rachel Carson publie un livre devenu un « classique » de l’écologie : « Pintemps silencieux ». La biologiste américaine y documente de façon minutieuse les ravages des pesticides, et s’inquiète en particulier de la chute (déjà) saisissante de la population d’oiseaux dans les campagnes américaines.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LesInrocks
25 juin 2021
Trop méconnu en France, le livre de la biologiste américaine Rachel Carson lança, dans les années 1970, la lutte pour la préservation de l’environnement. À découvrir d’urgence, en version poche.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
LaPresse
16 octobre 2018
Classique, publié en 1962, dont on dit souvent qu'il a lancé sérieusement le mouvement écologiste en Amérique. Ce livre a carrément changé des choses, puisque son succès a mené à l'interdiction de pesticides comme le DTT.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Citations et extraits (62) Voir plus Ajouter une citation
La nature n'est plus équilibrée de la même façon qu'à la période pléistocène, mais elle est toujours harmonieuse, elle rassemble toujours les êtres vivants dans un système hautement organisé, complexe mais précis ; il serait aussi grave de l'ignorer que de négliger la loi de la pesanteur lorsqu'on suit le bord d'une falaise. L'équilibre de la nature n'est pas statique, mais fluide, changeant, toujours en cours d'adaptation. L'homme appartient à la nature ; parfois cet équilibre le favorise ; parfois aussi - et trop souvent par sa propre faute -, l'évolution se fait contre ses intérêts.
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Nous manquerions de réalisme en imaginant que tous les carcinogènes chimiques peuvent être éliminés du monde, et le seront; cependant, beaucoup d'entre eux n'ont qu'un intérêt secondaire, et pourraient être aisément supprimés, ce qui atténuerait la terrible menace pesant sur 25 % des hommes. Nous ne devrions reculer devant aucun effort pour faire disparaître les carcinogènes qui contaminent les aliments, l'eau et l'atmosphère : ce sont les plus dangereux, parce que leurs contacts infimes se répètent chaque jour de l'année et chaque année de la vie. Mais répétons-le : s'il est nécessaire de guérir les cancéreux actuels, il n'est pas moins impératif de protéger la santé des gens qui sont comme indemnes, et des générations à venir.
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Notre grand sujet d'inquiétude est l'effet différé produit sur l'ensemble de la population par les absorptions répétées de petites quantités de ces pesticides invisibles qui contaminent notre globe.
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La rapidité actuelle des changements, la vitesse à laquelle se créent des situations nouvelles correspondent plus au pas de l’homme, impétueux et irréfléchi, qu’à l’allure pondérée de la nature. La radioactivité ne provient plus simplement des émissions des roches naturelles et des bombardements de la Terre par les rayons cosmiques ou les ultraviolets du soleil, phénomènes antérieurs à la vie elle-même ; désormais, elle résulte aussi des créations artificielles de l’homme, qui joue avec les atomes. Les produits chimiques auxquels la vie doit s’adapter ne sont plus seulement le calcium, la silice, le cuivre, les minéraux arrachés aux roches par les eaux et transportés par les fleuves jusqu’à la mer ; ce sont aussi les produits de synthèse imaginés par l’esprit inventif de l’homme, fabriqués dans ses laboratoires, et sans équivalent naturel.
Pour s’adapter à ces éléments inconnus, la vie aurait besoin de temps à l’échelle de la nature : c’est-à-dire de siècles. Si d’ailleurs, par quelque miracle, cette adaptation devenait possible, elle serait inutile, car un flot continuel de produits chimiques nouveaux sort des laboratoires : près de 500 par an aux États-Unis. Ce chiffre est effrayant, et ses implications difficiles à saisir : 500 nouveaux produits totalement étrangers à l’expérience biologique, auxquels l’homme et l’animal doivent s’adapter tant bien que mal chaque année !
Parmi ces produits, bon nombre sont utilisés par l’homme dans sa guerre contre la nature. Depuis le milieu des années 1940, plus de 200 produits – sans parler de leurs dérivés – ont été créés pour tuer les insectes, les mauvaises herbes, les rongeurs, tout ce que le jargon moderne appelle les « nuisibles ». Ces substances sont vendues sous plusieurs milliers de noms de marque différents.
Sprays, poudres, aérosols sont utilisés presque universellement dans les fermes, les jardins, les forêts, les maisons d’habitation ; ce sont des produits non sélectifs, qui tient aussi bien les « bons » insectes que les « mauvais », qui éteignent le chant des oiseaux, coupent l’élan des poissons dans les rivières, enduisent les feuilles d’une pellicule mortelle, et demeurent à l’affût dans le sol ; tout cela pour détruire une poignée d’herbes folles ou une malheureuse fourmilière.
Est-il réellement possible de tendre pareils barrages de poison sur la terre sans rendre notre planète impropre à toute vie ? Ces produits ne devraient pas être étiquetés « insecticides », mais « biocides ».
Cette démarche de pulvérisation semble nous entraîner dans une spirale sans fin. Depuis que le DDT a été homologué pour l’usage civil, un processus de surenchère s’est mis en place, qui nous a contraints à trouver des substances toujours plus toxiques. Les insectes, en effet, dans une splendide confirmation darwinienne de la « survie du plus adapté » ont évolué vers des super-races immunisées contre l’insecticide utilisé ; il faut donc toujours en trouver un nouveau plus meurtrier – et un autre, plus meurtrier encore. Cette obligation a engendré aussi des contre-attaques lancées par la nature : au lieu de tuer les insectes, les pulvérisations entraînent souvent leur multiplication, pour des raisons que nous expliquerons plus loin. La guerre chimique n’est donc jamais gagnée, et toutes les vies sont exposées à ces violents feux croisés.
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Fable pour demain
Il était une fois une petite ville au cœur de l’Amérique où toute vie semblait vivre en harmonie avec ce qui l’entourait. Cette ville était au centre d’un damier de fermes prospères, avec des champs de céréales et des coteaux de vergers où, au printemps, des nuages blancs de fleurs flottaient au-dessus des champs verts. À l’automne, érables, chênes et bouleaux formaient un incendie de couleurs qui brûlait et tremblait sur fond de pins. Les renards glapissaient dans les collines et les cerfs traversaient silencieusement les champs, à demi visibles dans les brumes matinales de novembre.
Le long des routes, les lauriers, les viornes, les aulnes, les hautes fougères et les fleurs sauvages enchantaient l’œil du voyageur presque toute l’année. Même en hiver, les bords des routes étaient beaux ; d’innombrables oiseaux venaient y picorer les baies et les graines que les herbes sèches laissaient pointer au-dessus de la neige. La campagne était d’ailleurs réputée pour l’abondance et la variété de ses oiseaux, et lorsque les flots de migrateurs déferlaient au printemps et à l’automne, les gens accouraient de très loin pour les observer. Des pêcheurs venaient aussi, attirés par les ruisseaux dont l’eau claire et fraîche descendait des collines, cherchant les trous ombreux affectionnés par les truites. Ainsi allaient les choses depuis les jours lointains où les premiers pionniers avaient édifié leurs maisons, creusé leurs puits et construit leurs granges.
Et puis un mal étrange s’insinua dans le pays, et tout commença à changer. Un mauvais sort s’était installé dans la communauté, de mystérieuses maladies décimèrent les basses-cours ; le gros bétail et les moutons dépérirent et moururent. Partout s’étendit l’ombre de la mort. Les fermiers déplorèrent de nombreux malades dans leurs familles. En ville, les médecins étaient de plus en plus déconcertés par de nouvelles sortes de dégénérescences qui apparaissaient chez leurs patients. Il survint plusieurs morts soudaines et inexpliquées, pas seulement chez les adultes, mais aussi chez les enfants, frappés alors qu’ils étaient en train de jouer, et qui mouraient en quelques heures.
Il y avait un étrange silence dans l’air. Les oiseaux par exemple – où étaient-ils passés ? On se le demandait, avec surprise et inquiétude. Ils ne venaient plus picorer dans les cours. Les quelques survivants paraissaient moribonds ; ils tremblaient, sans plus pouvoir voler. Ce fut un printemps sans voix. À l’aube, qui résonnait naguère du chœur des grives, des colombes, des geais, des roitelets et de cent autres chanteurs, plus un son ne se faisait désormais entendre ; le silence régnait sur les champs, les bois et les marais.
Dans les fermes, les poules couvaient, mais les poussins cessaient d’éclore. Les fermiers se plaignirent de ne plus pouvoir élever de porcs : les portées étaient faibles, et les petits mouraient au bout de quelques jours. Les pommiers fleurirent, mais aucune abeille n’y venait butiner, et sans pollinisation, il n’y avait plus de fruits.
Les bords des chemins, naguère si charmants, n’offrirent plus au regard qu’une végétation rousse et flétrie, comme si le feu y était passé. Eux aussi étaient silencieux, désertés de tout être vivant. Même les ruisseaux étaient sans vie, les poissons morts, et les pêcheurs partis.
Dans les gouttières, entre les bardeaux des toits, des paillettes de poudre blanche demeuraient visibles ; quelques semaines plus tôt, c’était tombé comme de la neige sur les toits et les pelouses, sur les champs et les ruisseaux.
Aucune sorcellerie, aucune guerre n’avait étouffé la renaissance de la vie dans ce monde sinistré. Les gens l’avaient fait eux-mêmes.
Cette ville n’existe pas, mais elle aurait facilement un millier d’équivalents aux États-Unis ou n’importe où dans le monde. Je ne connais aucun endroit qui a fait l’expérience de tous les malheurs que je décris. Et pourtant, chacun de ces désastres a réellement eu lieu quelque part, et de nombreuses communautés bien réelles ont déjà souffert d’un certain nombre d’entre eux. Un effroyable spectre s’est insinué parmi nous sans que nous nous en rendions compte, et cette tragédie imaginaire pourrait aisément devenir une réalité brutale que nous connaîtrons tous.
Qu’est-ce qui a déjà réduit au silence les voix du printemps dans d’innombrables villes américaines ? Ce livre essaie de l’expliquer.
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Vidéo de Rachel Carson
Rachel Carson, figure majeure de la pensée écologiste du XXe siècle, est plutôt méconnue du grand public, bien que ses travaux aient une résonance particulière face aux enjeux environnement actuels. Pour en parler, le Book Club reçoit la romancière Isabelle Collombat et l'essayiste Thierry Paquot.
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