Les filles au chocolat est depuis quelques mois une valeur sûre. Je sais pertinemment que je vais adorer cette saga jusqu'à la fin, car les thèmes abordés par l'auteur me touchent énormément. Je suis sensible à sa plume et à son adresse quand il s'agit de parler des préoccupations de l'adolescence.
Quand on voit cette nouvelle couverture gourmande aux couleurs de l'été, on est tenté de croire que le contenu du livre sera rayonnant et plein de joie. Il n'en est rien, bien au contraire. Dans les tomes précédents, on entrapercevait Summer sous les traits d'une jeune fille solaire et populaire. Elle eclipse souvent sa jumelle Skye sans le savoir et fait office de modèle.
Mais dans Coeur mandarine, on gratte la croûte de vernis qui fait de Summer une jeune fille pétillante, pour découvrir une adolescente morcelée et dévorée par ses rêves. Lorsque son professeur de danse lui propose de passer une audition pour intégrer une prestigieuse école de danse classique, Summer se dit que c'est la chance de sa vie. Rongée par une ambition sans limites, la jeune fille pousse son corps dans ses derniers retranchements. Sauf qu'à force de chercher la perfection dans chacun de ses pas, Summer s'enfonce progressivement dans un trouble du comportement alimentaire : l'anorexie.
Elle est également hantée par quelques démons : le divorce de ses parents, une précédente audition complètement ratée… Tout cela a consolidé son besoin de tout contrôler, quitte à mettre sa santé en péril. Contrairement à Cherry ou Skye dans les tomes précédents, on a ici affaire à une adolescente très tourmentée, qui érige sa passion au rang de religion. Est-ce que c'est seulement une passion ? Ou simplement un besoin viscéral de tenir à l'écart ses vieilles blessures ?
On minimise bien souvent la pression que peut encaisser un enfant. Summer, sous des dehors inébranlables, est tout aussi fragile que ses soeurs. Et la sélection de danseuses à venir n'est pas pour faciliter les choses. Je suis restée bouche bée face à l'intransigeance de son professeur de danse qui ne voit même pas à quel point elle sombre petit à petit. Et même lorsqu'elle s'en aperçoit, elle ne prend pas les mesures qui s'imposent. Ça reste la danse avant tout. C'est honteux. Les adultes semblent sourds face à son absence d'entrain. Ils ne voient pas à quel point elle est malheureuse. Et plus ça va, plus Summer s'éteint, au point de devenir l'ombre d'elle-même.
Elle se sent également peinée que sa soeur jumelle et ses amies ne remarquent rien. Mais lorsque les gens font mine de s'inquiéter pour elle, elle prend cette sollicitude pour de la trahison et de la malveillance. Ça tourne même à la paranoïa, elle s'imagine être la victime d'un complot qui consiste à saboter ses chances d'entrer dans l'école de ses rêves. Elle a l'impression que tous ceux qui cherchent à l'aider souhaitent lui nuire en secret. Son poids est devenu un sujet extrêmement sensible et elle se braque dès qu'on évoque ses restrictions alimentaires.
Ce livre est un appel à l'aide, avant tout.
Cathy Cassidy a, encore une fois, abordé un sujet sensible qui touche bon nombre d'adolescents. La télévision, les publicités et les médias nous donnent une image de la perfection erronée. L'âge de l'adolescence (ou même de la préadolescence) est critique car les enfants ont besoin d'un modèle, avec cette envie d'être acceptés et admirés. Summer est à un tournant de sa vie où elle ne souhaite qu'une chose : être la plus mince, la plus légère, mais aussi la plus douée. Avec cette obsession de ne pas grandir, de rester figée dans cette période où on n'a pas encore de formes et où le corps n'est pas régi par une poussée d'hormones. Car si dans Coeur guimauve on découvrait une Skye terrifiée par l'idée que les gens autour d'elle grandissent, on s'aperçoit que Summer souffre des mêmes tourments, mais s'ils ne s'expriment pas de la même façon.
J'ai trouvé tous ces éléments très bien amenés et criants de réalisme. J'ai également bien aimé qu'à travers les yeux des soeurs Tanglewood, l'histoire continue. Nous avions abandonné Cherry avec Shay dans le tome 1, Skye avec Finn dans le 2, et ici, on suit tout les protagonistes dans leur évolution, et c'est agréable. Même si suivre Summer, c'est assister, impuissant, à sa montée sur l'échafaud. Je l'ai trouvée très égoïste et complètement aveuglée par ses ambitions. À la longue, elle en oubliait même ses motivations, elle les poursuit sans même savoir pourquoi. Mais une chose persiste : il faut qu'elle se prive, qu'elle cesse complètement de manger afin de chasser l'image horrible que lui renvoie le miroir.
Encore une fois,
Cathy Cassidy dépeint l'adolescence avec beaucoup de justesse et chaque fois de façon unique. Elle nous montre que sortir de l'anorexie ne dépend pas seulement de la volonté, c'est aussi un combat perpétuel contre son propre corps. C'est plus profond qu'une simple lubie, plus néfaste qu'un simple caprice. C'est une véritable maladie qui rend la vie invivable. le pire, c'est qu'on s'aperçoit que Summer a une vision déformée d'elle-même, mais elle voit le corps des autres de façon tout à fait normale. C'est tout en contradiction, car elle rosit de plaisir lorsqu'on lui dit qu'elle est mince, mais elle ne souhaite à personne de vivre ce cauchemar. Et pour ça, bravo à l'auteur, et peut-être que certains adolescents se retrouveront dans cette histoire.
Il y a aussi cette relation père/fille inexistante qui pèse sur le quotidien des soeurs. Ce vide qu'a laissé leur père en quittant la maison. Et je pense que même si Honey le vit très mal, c'est Summer qui en souffle le plus.
On retrouve les personnages qu'on a appris à apprécier au fil de la saga. Et j'ai été totalement conquise par Tommy. Il est prévenant, trouve toujours les bons mots et parvient gentiment à apprivoiser Summer. J'aime la façon dont leur relation se tisse.
En résumé, c'est une nouvelle réussite pour l'auteur. Un roman plus tendu, placé sous le signe d'un combat parfois trop minimisé. Mais comme toujours,
Cathy Cassidy a très bien su mener sa barque et m'a conquise jusqu'à la toute dernière phrase.
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