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Blaise Cendrars - Denoël 2001/2006 tome 6 sur 15

Michèle Touret (Éditeur scientifique)
EAN : 9782207253427
361 pages
Denoël (13/11/2002)
4/5   3 notes
Résumé :

La Main coupée est un monument aux morts de la Grande Guerre, comme ceux sur lesquels on a inscrit, année par année, les noms des disparus, morts identifiés mais morts obscurs, sans gloire. Blaise Cendrars a prélevé dans sa mémoire les bribes de la vie et de la mort de ses compagnons de combat, des hommes ordinaires, tragiques ou cocasses, échappant à toute vision héroïque ou édifiante. Lorsqu'elle... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Lisez le avant 2014 !!!! ( commémoration de la grande boucherie 14/18)
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Je lui parlais allemand.
- Debout, lui dis-je, et tâche de marcher droit ! On les met.
- Je ne peux pas bouger, me fit-il. Je dois avoir la jambe cassée.
- Cela ne m’étonne pas, lui répondis-je en regardant en l’air pour mesurer la hauteur d’où il était tombé. Tu as fait un beau plané. Il ne fallait pas y aller, mon vieux.
Merde, voilà que je devais maintenant trimbaler monsieur sur mon dos. Je le chargeai tant bien que mal. Et nous voici partis l’un portant l’autre, la monture ployée en deux, le blessé lourd comme un mort qui se laisse aller, un drôle d’équipage, ahanant2, sacrant, jurant, chutant, tombant sur les genoux, se prenant les pieds dans les taupinières, se relevant. Jamais je n’oublierai cette équipée avec ce Boche qui me pissait dans le cou un sang chaud, douceâtre, gluant et écoeurant. Cette fois-ci j’eus beaucoup de mal à traverser les barbelés car je m’y étais mal engagé. Je dus décharger mon blessé et me frayer une nouvelle voie à coups de cisaille, puis revenir sur mes pas, rechercher le pauvre type et repartir à la sauvette car j’avais fait beaucoup de bruit et je n’en revenais pas qu’avec toutes ces allées et venues, personne dans aucun camp ne nous eût encore remarqués. Enfin je le balançai dans notre trou d’obus. J’avais eu chaud. C’était un dur. Durant tout le trajet, il n’avait pas poussé un gémissement.
- Qui est-ce ? me demanda Ségouâna en se penchant sur le blessé allongé au fond du trou et qui serrait les dents.
- Tu pourras le lui demander toi-même.En tout cas, c’est ton homme. Il a ta balle dans le ventre. D’abord on va le panser et puis on l’emportera dès qu’il fera nuit. Arrange un brancard avec nos fusils, moi je vais voir ce qu'il a.
La blessure du ventre n’était pas belle, j’y mis un tampon. Puis je lui pansai l’épaule.
- Ne t’en fais pas, pauvre vieux, ça n’est rien. On sera bientôt rendus et tu fileras à l’hôpital, veinard. Je ne te fais pas mal, non ? Comment t’appelles-tu ?
Il s’appelait Schwanenlaut. J’ai oublié son prénom. Il était de Hambourg. Il travaillait dans une banque. Il avait fait un stage en Angleterre pour apprendre l’anglais. La suite de notre conversation eut lieu en anglais. […] Le pansement était terminé. Nous installâmes notre homme sur la civière improvisée, prenant grand soin de soutenir sa patte cassée, une fracture de la cuisse gauche, pour ne pas le faire souffrir inutilement.
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Être un homme. Et découvrir la solitude. Voilà ce que je dois à la Légion et aux vieux lascars d’Afrique, soldats, sous-offs, officiers, qui vinrent nous encadrer et se mêler à nous en camarades, des desperados, les survivants de Dieu sait quelles épopées coloniales, mais qui étaient des hommes, tous. Et cela valait bien la peine de risquer la mort pour les rencontrer, ces damnés, qui sentaient la chiourme et portaient des tatouages. Aucun d’eux ne nous a jamais plaqués et chacun d’eux était prêt à payer de sa personne, pour rien, par gloriole, par ivrognerie, par défi, pour rigoler, pour en mettre un sacré coup, nom de Dieu, et que ça barde, et que ça bande, chacun ayant subi des avatars, un choc en retour, un coups de bambou, ou sous l’emprise de la drogue, de l’alcool, du cafard ou de l’amour avait déjà été rétrogradé une ou deux fois, tous étaient revenus de tout. Pourtant ils étaient durs et leur discipline était de fer. C’était des hommes de métier. Et le métier d’homme de guerre est une chose abominable et pleine de cicatrice, comme la poésie.
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Nous étions remontés en ligne devant Herbécourt, dans la tranchée Clara, où tout l'héroïsme consistait de résister durant quatre jours à la succion de la boue qui faisait ventouse par en bas... Pour un sale coin c'était un sale coin, un lac de bouillasse d'où émergeaient des tas de boue qui s'arrondissaient en forme de croûtes molles et boursoufflées que crevaient les obus qui faisaient jaillir des geysers giclant épais à différentes hauteurs, le trou des entonnoirs se remplissant lentement mais inexorablement d'une eau lourde et crayeuse. Dans ce magma les hommes glissaient, sautaient, nageaient, étaient le plus souvent sur le dos ou sur le ventre que sur pieds et, comme des naufragés vidés dans un lagon, allaient munis d'une grosse canne ou d'un bâton, pataugeaient, s'enlisaient perdaient le fond, plongeaient dans la flotte jusqu'au menton, se cramponnaient à des pieux ou à des bouts de planche coincés entre deux monticules bavants ou fichés de travers le long des parois glissantes comme les échelons d'une échelle démantibulée dont les deux bouts eussent été engloutis, et les hommes se sentaient perdus et restaient cramponnés à leurs misérables appuis, comme suspendus au bord du gouffre qui digérait tout ce qui y tombait, et si l'immonde bouillasse ne montait pas jusqu'à leur instable point d'appui pour leur faire lacher prise à la longue, on voyait dans leurs yeux monter l'horreur et le détresse au fur et à mesure qu'ils prenaient conscience de leur situation et sentaient grandir leur faiblesse.

Nous faisions corps avec des chasseurs à cheval mis à pied faute de montures et qui venaient avec nous à la Clara comme renfort, l'effectif des escouades étant réduit et allant chaque jour s'amenuisant à la suite des évacuations de plus en plus nombreuses vu les pieds gelés, les bronchites, les pneumonies, les conjonctivites, les maux de dents, et autres séquelles dues aux misères de ce premeir hiver de guerre, et c'est dans la tranchée Clara que j'ai vu un de ces malheureux cavaliers, gênés qu'ils étaient dans leurs mouvements par leur haut shako, leurs éperons, leur grand sabre, leur manteau de cavalerie à pèlerine et à traîne, leurs houseaux, être lentement aspiré et disparaitre dans le fond sans que nous puissions le tirer de là, et nous étions bien dix à l'entourer, à lui tendre la main, des perches ou nos fusils, à lui donner de bons conseils pour se dépêtrer, lui criant surtout de ne pas bouger car il s'enfonçait à chaque mouvement qu'il faisait, à lui placer des bouts de bois sous les bras, essayant de faire levier avec une grosse tige de fer sans arriver à l'arracher, même au risque de lui défoncer la poitrine ou de lui faire sauter les omoplates tant nos manoeuvres se faisaient brusques dans notre désarroi, ses houseaux faisant succion, l'ignoble ventouse ayant raison de nous. Le malheureux!...
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L'on restait quatre jours en ligne et l'on redescendait pour quatre jours à l'arrière, et l'on remontait à l'avant pour quatre jours, et ainsi de suite jusqu'à la fin s'il devait y avoir une fin à cette triste histoire. Les poilus étaient découragés. Ce va et vient était bien la plus grande saloperie de cette guerre, et la plus démoralisatrice, et il ne manquait qu'une sirène à l'entrée des boyaux - une sirène et une horloge et un système de contrôle à poinçon qui leur aurait délivré une fiche et un petit portillon de fer à fermeture automatique - pour rappeller aux pauvres bougres leur boulot à l'usine, sans rien dire des blessés qui croyaient en être quittes, et qui remontaient, et qui remettaient ça, à l'usine de la mort, une fois, deux fois, trois fois, quatre jours en première ligne, quatre jours dans les cantonnements à l'arrière.

Ces cantonnements étaient la deuxième grande saloperie de cette guerre. Il y avait de quoi vous foutre le cafard. On logeait dans des granges déglinguées. On couchait sur de la paille pourrie dans laquelle les hommes enfouissaient non pas leurs pauvres guibolles esquintées, mais ces saucissons de Chicago qui schlinguaient, qu'on appellait de la "viande électrique" car aussitôt portée à la bouche elle vous soulevait le coeur (c'était instantané!) et dont les rats se régalaient comme de bonne merde.
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- Comment, vous ne savez pas ? Asseyez-vous... Ce n'était pas encore l'heure du thé. Nous étions seuls dans la boutique. Et tout en me faisant goûter des bouchées au chocolat, grignoter des petits fours et déguster un verre de xérès, la nouvelle confiseuse, qui était veuve de guerre, me raconta avec beaucoup, beaucoup de détails qui avaient tous trait à sa propre situation, comment Claire s'était pendue dans son fournil le jour où un message officiel d'Angleterre lui avait appris la mort atroce de son frère...
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Vidéo de Blaise Cendrars
Interview de : Pierre Corbucci pour son livre : LA DISPARITION D'ARISTOTELES SARR
paru le 18 janvier 2024
Résumé du livre : Un roman aux accents tragiques qui entraîne le lecteur au coeur de la forêt amazonienne dans le combat qui oppose l'humain à la nature.
Amérique du Sud, années 1920. Lieutenant du génie, Aristoteles Sarr est chargé d'aménager une piste d'atterrissage au coeur de la forêt amazonienne. le survol de cette zone jamais cartographiée doit permettre de prolonger le chemin de fer. Convaincu du bien-fondé de sa mission, le jeune lieutenant n'a pas conscience que la jungle est animée d'une vie propre, que ses ténèbres fourmillent de dangers, et qu'à vouloir dominer la nature, on a tôt fait de s'en attirer les foudres. Aux abords de l'extravagant palais de la Huanca, dernière enclave humaine avant l'inconnu, d'étranges disparitions se multiplient.
Un roman picaresque aux mille nuances de vert, aussi puissant qu'une tragédie antique.
Bio de l'auteur : Pierre Corbucci est né en 1973. Après une enfance varoise, il étudie et enseigne l'histoire et la géographie avant de mettre sa plume au service de diverses agences de communication. Esprit curieux, mélomane avisé, voyageur alerte, il est toujours à l'affût de nouvelles histoires. Son goût marqué pour les littératures d'Amérique latine et le roman d'aventures lui donne envie d'explorer de nouveaux horizons littéraires. Fervent admirateur de Blaise Cendrars et de Gabriel García Márquez, il entraîne ses lecteurs aux confins de la jungle amazonienne à travers ce second roman.
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