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Citations sur L'antivoyage (14)

il faut des flambées de délires pour incinérer les chienneries de la vie quotidienne
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"Vegetable thali" sur un plateau d'argent où sont disposées en cercle une dizaine de petites coupes contenant les légumes et les sauces...On ferme les yeux, on pique au hasard au bout de la fourchette, et c'est une explosion de plaisirs variés, violents comme un incendie au fond du palais. On a envie de tout mélanger, la confiture de mangue épicée, gluante, orange comme le soleil, le safran délicat, les poivrons verts, le gingembre sucré-salé, la coriandre, les cardamones, les petit pois baignant dans l'huile rouge. (Page 46)
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Etrange bout du monde, Bali, où l'on fait flamber les os des morts en les fourrant dans le ventre de lions en carton, où toute la population des villages reste des nuits entières à regarder le théâtre d'ombres, le wayang-kulit, à la lumière de la pleine lune, comme d'autres la télévision. Alors j'y vais, je fonce devant moi pour aller chercher le dernier rayon vert du soleil sur la mer des Tropiques et celui des yeux de Coulino, ma tendre et infidèle sœur de voyage, avec l'impression que je suis vraiment sur le point d'arriver quelque part, dans un port tiède et parfumé où je pourrai jeter l'ancre.
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Le vert, couleur fade, bâtarde et lamentable, je me mets à l'adorer en arrivant à Katmandou. Ce vert, c'est celui du premier végétal poussé sur la terre, grinçant et suraigu, comme une vibration en suspension dans l'air, glorieux et neuf comme la vie - le vert, c'est la rizière et la vie !
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L'éclair de passion dans ses yeux, le rouge de la pierre, la force du vent de mousson, je reçois tout ça en bloc, comme un cadeau, et j'ai l'impression de mordre moi aussi dans l'Inde tout entière, que j'aime parce qu'elle déborde de partout, comme une femme un peu trop grosse mais très belle, qui ruisselle, qui s'ouvre quand on caresse, qui jouit et qui donne tout si on sait tendre la main. (p.45)
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J’ai vu Devi l’épouse de Civa laver sa culotte dans les fontaines de Katmandou, Kâli la noire s’épouiller avec la minutie d’une mère babouin, Radhâ la bergère chiquer le bétel et cracher par terre des jets de salive rouges, les bayadères d’Anghor continuer leur ronde déhanchée à Bangkok le long de Patpong Road et faire le tapin à Klong Toï, j’ai filé cent baths à Lakshimi sortie de sa mer de lait pour me masser le dos au Takara Palace, j’ai croisé le fatal regard de la princesse Sita parmi les beautés en cage d’un bordel de Bombay, les apsaras de Khajurâho ont dansé rien que pour moi et j’ai pénétré dans le gynécée de Siddhârtha avant qu’il ne devienne Bouddha quand il veillait encore sur le sommeil de ses femmes.
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Dans cette espèce de prison sous la mer flottent des visages ectoplasmiques brouillés par les vapeurs de la cuisine et des joints. Un barbouillage d'ocre et de rouge couvre les murs d'un réseau imprécis comme les reflets entrelacés par les vagues au plafond d'une grotte. Cet endroit flou, humide et hors du monde baigne dans une telle tristesse qu'on n'a qu'une envie, c'est d'y accrocher ses rêves en couleurs sur les murs suintants et de les regarder pendre par les pieds comme des chauve-souris. C'est le refuge, la planque, le cloaque tiède où il ne fait jamais ni trop chaud ni trop froid, où on se sent en fuite, protégé, coupé du monde, on barbote avec masochisme dans cet égout où personne ne viendra vous chercher, algue parmi les algues flottant dans ce nulle part, plongé dans la grisaille indulgente et le roupillon enfumé. (p. 142)
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Pour la première fois je sens l'énervement qui monte devant ces visages jaunes et ces yeux bruns, j'ai le vertige, le grand malaise de la plongée, il est enfin arrivé le moment dégueulasse où par peur et par instinct on devient raciste, bestial, où on se sent au fond des tripes l'envie de les écraser tous comme des insectes, de creuser des trous dans cette multitude, multiplitude, infinitude, de leur botter les fesses vertement pourvu qu'ils arrêtent en toute innocence leur certitude qu'il n'y a rien de mieux à faire que de rester là à ruminer – cette certitude qui nous rend tous dingues et mortellement jaloux. Devant ce formidable déploiement de force d'inertie, mon côté français, cartésien, emmerdant, individualiste et agressif m'explose à la gueule comme un pétard inattendu.
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Les rizières dégringolaient les unes sur les autres comme des parts de gâteau d'anniversaire.
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Maintenant, si je reviens, je sais que je vais être bien plus malheureuse qu'avant, car je suis toute nue, dépouillées mes pelures d'oignon, foutus mes alibis, tout ce qui devait se casser la gueule est déjà par terre et je marche dessus. C'est ça mon vrai voyage.
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