"Circé" est vraiment un roman comme la vie.
L'histoire est prenante, ancrée dans un récit de vie écrit avec authenticité.
La fin célèbre la magie de l'existence.
Magnifique.
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"Homère, un poète aveugle, nous dit qu'Ulysse a combattu contre les Troyens. L'Odyssée raconte le long voyage qu'il a fait pour retourner à Ithaque, son île, après avoir gagné la guerre. (...)
Le voyage d'Ulysse a duré vingt ans. Il a fait de nombreuses rencontres. Dont celle de Circé, une magicienne. Notre martre a le don d'apparaître et de disparaître, pouf! comme ça. Comme une magicienne." p.93
Petit à petit, j'ai tracé, entre l'établi et le tas de sciure, un chemin de noisettes. Et pas à pas, Circé s'est engagée plus avant. J'ai appris les mérites de la constance, car cela ne s'est pas fait en une semaine. Lorsque la belle s'est trouvée à un mètre cinquante, puis à un mètre de moi, j'ai plusieurs fois été saisi de l'envie de lui sauter dessus, de l'emprisonner dans mes bras. A chacune de ces occasions, Circé s'est raidie, alors que je n'avais pas bougé. Elle était bien magicienne; elle lisait dans mes pensées.
p.102
(...)
Elle a été sur l'établi sans que j'aie entendu un souffle ou un frôlement, elle s'est campée, droite comme une marmotte-vigie, sur ses pattes arrière et elle m'a regardé; me mettant, aurait-on dit, au défi de l'attraper. Ensuite, elle a mangé les noisettes, tout à fait comme si elle était seule dans l'atelier, mais le moindre froissement de tissu l'aurait fait s'évanouir, de cela j'étais convaincu. L'intérieur de ses oreilles était aussi clair que sa gorge. Ses pattes étaient griffues. Elle avait un corps mince, pas fragile. On devinait, sous la fourrure, l'élasticité des muscles; et quelque chose qui avait à voir avec des éclairs d'énergie, courant le long de la peau.
Je crois que j'ai inspiré, produisant un infime sifflement; elle a lancé son "tok-tok-tok" et elle a disparu.
C'est elle qui m'a touché, en définitive. Un effleurement de son museau au creux de la main qui offrait la noisette, quarante-sept jours après que j'avais vu les yeux de Circé pour la première fois. Deux nuits plus tard, elle a grimpé sur mes pieds, à travers la couverture qu'elle a mordillée.
p103
Il ne suffit pas d'être gentil avec ceux qui sont mal engagés : il faut mettre beaucoup d'énergie dans cette gentillesse, faute de quoi elle glisse sur l'affreux ; de l'eau sur une vitre.
On doit engager ses sentiments, comme un coin dans une bille de bois. Ceux qui ont le plus besoin d'aide sont souvent ceux qui la refusent. (p.16)
On l'a dit avant moi, mais c'est une chose d'entendre des vérités, autre chose de les vivre : il est beaucoup plus difficile de n'avoir personne à aimer que de n'être aimé de personne. (p.9)
Aux humains qui souffrent, présentez des bêtes : souvent, elles les effraieront moins que leurs frères, et leur offriront un universel réconfort." (p.103)
"La sorcière et les Manananggals" - Présentation par Jean-François Chabas