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Critique de MathyC


Le narrateur de «Retour à Killybegs», Tyrone Meehan s'est engagé très jeune au sein de l'IRA. Lors d'un échange de tirs, il tue accidentellement l'un des siens. Rongé par la culpabilité, il s'enferme dans le silence. Ignorant tout de cet acte malheureux, les autres le voient comme un héros qui a défendu le drapeau tricolore. Mais le héros d'hier deviendra, malgré lui, un traître à la cause qu'il défendait avec tant d'acharnement. Pendant 25 ans, il a été un agent double et a travaillé pour le Royaume-Uni, l'ennemi juré. « Toute ma vie, j'avais recherché des traîtres, et voilà que le pire des tous était caché dans mon ventre ». Cette nouvelle est comme un pavé jeté dans la communauté soudée de l'IRA. Au crépuscule de sa vie, Tyrone est banni et malgré les risques encourus, se réfugie dans la maison de son enfance où il entend bien écrire sa version des faits. le narrateur alterne donc le récit de son retour au pays natal et celui de son parcours de combattant afin de revenir sur les raisons qui l'ont conduit à collaborer avec l'ennemi.
Sorj Chalandon nous offre un roman particulièrement émouvant par le biais du récit de Tyrone, patriote acharné à la fois victime et coupable, héros et traître, ami et ennemi. « Là-bas, on enterre ceux qui ne sont pas nous. Et c'est là que j'irai parce que je suis un autre ». Il est également question des absurdités de la guerre et des croyances véhiculées de père en fils : « La peau britannique était un cuir animal. Leur sang n'avait pas la même couleur que le nôtre. C'était un sang de soldat. Il était plus épais, plus noir, plus sale ».
Ce très beau roman est sublimé par une prose terriblement réaliste où les répliques assassines se multiplient « Dieu nous a faits catholiques, le fusil nous a faits égaux ». Ce récit-confession que l'on pourrait qualifier de « fiction biographique » est l'occasion de revenir sur un pan de l'histoire peu éloignée de l'Irlande. L'auteur rappelle le déchirement de ce pays entre catholiques et Britanniques, la terreur quotidienne, les tortures aussi bien physiques que morales et les grèves de la faim des détenus souhaitant se voir reconnus comme prisonniers politiques. Au-delà de l'histoire de Tyrone Meehan, ce roman à la documentation solide a valeur de témoignage historique. Les scènes de lutte terriblement vivantes et puissantes ne sont pas sans rappeler le film « le Vent se lève » de Ken Loach primé au Festival de Cannes. « Qui veut la paix, prépare la guerre », là se résume le destin de Tyrone Meehan qui croyant oeuvrer pour offrir un monde meilleur aux générations futures s'est retrouvé pris au piège dans une guerre contre les siens convaincus qu' « un problème posé à la Grande-Bretagne est une solution apportée à l'Irlande » mais aussi dans une guerre engagée contre lui-même.
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