LES MOTS, LEUR REVERDIE
Cendre qui, voletant, de s'agiter, s'ébattre (essor, élans mul-
tiples), loin de se disperser, se recompose oiseaux.
Par à-coups, à se frôler, s'éviter entre les arbres (fougueuse
refeuillaison), épris, imprudents, coiffés de braise.
Les mots, leur reverdie, qu'à nouveau, au fond de la gorge,
ils viennent consteller la voix.
p.11
D'UN PAS D'OMBRE
D’un pas qui ne comble aucun vide, un pas d’ombre qui ne
dérange rien, ne défait pas la blancheur de la nuit, ne donne pas
quittance du chemin parcouru.
Marcher, non : glisser muettement.
Tout à élargir son champ de reconnaissance (par pans, un
redéchiffrement presque à la dérobée), le regard ne heurte plus
de confins. Perdues sont les montagnes au loin dans la pâleur.
p.14
BANNIÈRES DU COUCHANT
Déployées, roses à la limite du soir. Ultimes. Jusqu'à ces
escarpements, aller.
Par la fenêtre ouverte (tout l'été, d'une bouffée) parvient une
odeur d'herbe fraîchement coupée. Qu'importe l'exiguïté de la
pelouse ; qu'importent rues, carrefours, ville.
Trop tard (lâche renoncement), trop tard pour rallier les ban-
nières du couchant. Sans ordre, solitairement s'effectuera la tra-
versée de la nuit.
p.40
SPLENDEUR ÉTOUFFÉE
À l'image du jaillissement de lumière (appui sur un rayon
de lune) venu délivrer ma table de travail de son poids d'ombre ;
comme si, en mon absence – car autre que moi a pris faction –
s'écrivait sur une feuille préparée hier au soir, quoique illisible
(nocturne épanchement), le poème à venir.
Tracé lui-même à l'encre sympathique, le paysage, de la fe-
nêtre, vibre d'une splendeur étouffée.
p.10
TERRASSES LIQUIDES
D'une vague à l'autre, comme se graviraient les marches
usées d'un large escalier, de proche en proche jusqu'aux
terrasses liquides de l'horizon, d'une lèvre d'écume à l'autre
que traverse en se jouant une mouette (ici, là, et là, et là), blanc
sur blanc, d'un mouvement ininterrompu, le regard s'ouvre,
corolle du jour.
Ampleur, non houle ; fougue que sa cadence excite et apaise.
Lumineusement, balance égale est maintenue.
En marche vers nous de si loin (cette esplanade, ce vide) la
même phrase, sans cesse reprise, sans cesse se brisera-t-elle ?
p.29
La Revue de Belles-Lettres & hommage à Pierre Chappuis
Avec David André, Manuel Cajal, Michel Collot, Sylviane Dupuis, Marion Graf, Martin Rueff & Jonathan Wenger
Lecture par Claude Motchidlover
Pour ses premiers entretiens de l'année 2024, la revue Po&sie accueille une revue consoeur, une belle aînée, La Revue de Belles Lettres, fondée en 1862. L'entretien portera sur les orientations et les temps forts de la revue. Nous évoquerons la figure et l'oeuvre de Pierre Chappuis (1930-2020) auquel Po&sie avait rendu hommage dans son numéro 177/178.
Avec Marion Graf, David André et Jonathan Wenger pour la RBL, Martin Rueff pour Po&sie et, pour rendre hommage à Pierre Chappuis, Manuel Cajal, Michel Collot et Sylviane Dupuis. L'acteur Claude Motchidlover lira des textes du poète.
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