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Critique de le_Bison


Falconer, le bâtiment cellulaire F. F comme foutre, le bâtiment des phénomènes, des cinglés, des tarés, des bleus et des gros cons comme moi, des fantômes et des pédés, sans oublier les fanatiques, les receleurs, les trouillards et les chiasseux. La liste est longue, mais j'ai oublié la suite. le type qui l'avait dressé est mort.

Ne me dis pas pourquoi tu es là ! Il y a une règle ici : on s'en fout que t'ais trucidé une vieille pour son sac ou violé une gamine de 13 ans pour sa virginité. Si tu es ici, à Falconer, c'est que tu as fait un truc pas très net, en rapport avec la loi. Après c'est juste une histoire de conscience et de regard dans le miroir. Ici, c'est la loi du silence. Ici, il n'y a pas de futur, et encore moins de passé. Falconer, prison, maisons de redressement, cage à poules. Tu l'appelleras comme tu veux, ce qui est important là-dedans, c'est la promiscuité. Dans la cellule voisine, Ezekiel Farragut, un drogué, un paumé, un pédé… Il est là, il a écopé d'un certain nombre d'année et il s'épanche sur son passé, sur ce qui l'a amené ici, sur ses compagnons de cellule, sur sa femme…

Tu t'allonges alors sur ton matelas pourri par l'humidité, la crasse et la sueur, et la pisse de ses prédécesseurs. Il te faut tuer le temps, tu as du en prendre pour au moins vingt piges. Alors tu écoutes Ezekiel et tu cherches à comprendre l'humanité. Tu ouvres un bouquin de John Cheever et tu lis sur l'âme humaine.

Le pire – ou le plus drôle – c'est que j'ai l'impression que tu t'y fais, à cette cellule, à la méchanceté des gardiens ou aux déblatérations des codétenus. Processus d'adaptation, ou d'adaptabilité… A moins que cela soit la drogue… La drogue, ça t'ouvre les yeux. Sur le monde, sur les Cieux, sur Falconer

Tu repenses à John Cheever. Il y a des romanciers dont tu ne soupçonnais même pas l'existence et qui avec quelques pages griffonnées réussissent à transformer ton existence. Comme un avant et un après. Falconer, tu n'y viens pas par hasard. Tu l'as cherché au plus profond de ton âme, malsaine et nauséabonde. Parce que si tu es là, c'est que tu n'es pas un enfant de choeur, non plus. Je vois déjà le tableau : ce n'est pas de ta faute. Un boulot merdique (enseigner à des dégénérés américains n'a rien de très glorieux). Une femme entre nymphomane et dépravée sexuelle qui se tape plus de mecs que toi. Ton homosexualité refoulée. L'héroïne. Oui, tu as tout un tas de raisons d'avoir péter les plombs, d'avoir débranché quelques câbles, et d'être sorti du droit chemin. D'ailleurs quel est-il, ce droit chemin dans ce puritanisme américain ? Juste une image de façade, car la nuit tombée, les seringues sont faites pour être plantées, et les bites pour être sucées. Point final. En dehors de ça, il n'y a plus rien. du moins c'est ton opinion. Mais je me fous de ton opinion, n'est-ce pas ? Parce que les opinions c'est comme les trous du cul. Tout le monde en a et ça pue.

Falconer. Ce genre de bouquin n'est pas à mettre entre toutes les mains. Car il parle de la VIE, de ce bordel ambiant qui fait que le monde ne tourne plus aussi rond. Et qu'à l'intérieur, ça sent rarement la rose. Tu te crois bon, au fond de toi. Je sais que tu penses que tu es innocent, une simple victime de la société qui s'est retrouvée sur le banc des accusés. Mais je sais aussi que l'innocence d'un homme, tout comme la culpabilité, n'est jamais franche. Une part de doutes, une part d'ombre et une part de chance – ou de malchance. Mais maintenant que tu te morfonds dans cette cellule, tu philosophes sur tes camarades, sur tes compagnons, sur ta femme, sur la vie, la tienne et celle des gardiens. Tu imagines ta sortie, les cheveux grisonnant, l'espoir d'un renouveau. Mais tu sais, aussi bien que moi, qu'en attendant ce jour fatidique, il te faudra encore sucer des bites et à défaut te branler longuement, mollement. Voilà donc cette vraie vie dans ce banal pénitencier. Avec ses codes et ses règles de vie.

Falconer. Ce roman est dur. Noir et sombre. Tu l'as entre les mains et tu regardes autour de toi. Et tu comprends. L'inhumanité de cette société. Tu souris lorsque tu vois un rayon de soleil filtrer à travers les barreaux de ta cellule. Tu es en manque, de whiskeys et de méthadone mais ton coeur se réchauffe lorsque ton imagination s'envole au-delà des barbelés, lorsque tu te revois dans cette chambre d'hôtel. Et tu souris à nouveau. Pourtant, il n'est pas drôle, mais il a quelque chose de foncièrement humain. Ezekiel est un drogué, un pédé, un paumé, mais un homme surtout. Avec une âme en plus.

Tu as plusieurs façons de lire Falconer.

Tu vois cela comme le roman d'un drame humain, celui d'un homme qui se retrouve en prison pour un acte qui ne le mériterait pas. le drame c'est l'injustice de cette société qui condamne sans savoir.

Tu vois cela comme un roman d'initiation, celle d'un homme qui découvre une nouvelle société et se fond dans celle-ci pour mieux passer les épreuves, et survivre.

Tu vois cela comme le roman de la Liberté, celle d'un homme qui se défait de ses chaînes, celles de sa femme, celles de son frère, celles de sa drogue. Avant, il était enchaîné par tout un tas de maillons qui mis bout à bout l'a emprisonné dans son carcan. En prison, il s'est enfin libéré. Et trouvé par la même occasion. Il pourra sortir, libre, enfin. Débarrassé de ses addictions et de ses démons, Ezekiel aurait trouvé la liberté qu'il recherchait tant ?

Tu vois, ce roman est riche. Il est fait pour toi. Puisque tu es ici, tu dois être aussi paumé que moi. Alors, n'hésite pas, n'oublie pas. John Cheever, Falconer.
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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