Tu es seul à entendre le bruit de tes pas,
Seul à savoir aussi que tu vas tout quitter,
Sans rien laisser, ni tes peines ni ton nom...
À bout de soif,
une gorgée d’eau…
Toute mort est vie :
désert-oasis.
Un iris
et tout le créé justifié ;
Un regard
et justifiée toute la vie.
Parle-nous,
Pour que plus rien ne soit perdu,
Ni la foudre embrasant les pins,
Ni l’argile chaude aux grillons.
Écoute-nous,
Pour que nos chants à toi dédiés,
Jaillis de la gloire d’un été,
Établissent enfin le royaume.
Sur fond de brume, l'aube trace
Maints traits en guise de saules...
Puis, tout au bas du ciel,
Elle appose, rouge, le sceau.
(p. 58)
Encore un jour de gloire,
Pour ceux d'ici qui voient.
Gloire des corps, gloire des fruits,
Mystère même des étoiles.
Pour ceux qui voient et louent,
Nulle possession, nulle proie.
Sol nu en buvant la source,
Rien d'autre que cri de joie.
Encore un jour de gloire,
En deçà, au-delà.
p. 69
Passion
Soudain nous viennent des flots
Soudain nous viennent des flots
De larmes, nous plongeant dans
L’abîme du silence, larmes
De peine, larmes de joie,
Gouttes de pluie qui glissent
Leurs perles sur les feuilles
De lotus, que vient sécher
Un inattendu rayon
De soleil, déjà ardent,
Déjà irradiant, déjà nimbé
De poignante douceur, hors
De toutes voix, hors
De toutes voies, dans
L’innocence de l’instant
Dans l’abîme de la désormais
Insondable souvenance.
Parfois ce qui se murmure en nous
Devient audible. Nous entendons
Alors tant et tant d'autres murmures
Chez les vivants et les morts, depuis
La nuit des temps, disant un secret
Lancinant jamais éclairci, basse
Continue de la Voie qui seule sait.
Toi l’impatiente, toi l’oublieuse, gardes tu
Encore asez de gratitude en toi
Pour re-connaître l’avènement du divin,
Quand l’infini fait irruption?
Fidèle compagne, la mort nous contraint à creuser sans cesse en nous pour y loger Songe et mémoire.