Dans « Lady Behave » (ou Lady Beware), polar édité aux
Presses de la Cité en 1950, sous le titre français de « Gare-toi, Beauté »,
Peter Cheyney nous conte une histoire sordide. Un homme en fin de vie, Clavering, lègue la quasi-totalité de sa fortune à une des filles qu'il a eues mais qu'il a abandonnée alors qu'il refaisait sa vie avec celle qui allait devenir sa deuxième épouse. Personne ne sait ce qu'est devenue la fille en question, mais un détective privé, Vallon, du Cabinet Chennault Investigations, est chargé de partir à sa recherche car le testament de Clavering est évidemment contesté par l'entourage du défunt. Vallon a rendez-vous un soir en lisière de forêt avec celui qui pourrait lui en apprendre un peu plus. Curieusement, un routier percute le véhicule de l'indicateur et Vallon en est quitte pour poursuivre son enquête tout seul. de là, il fait la connaissance d'un homme de théâtre, puis d'un couple de pédés, puis d'autres personnages qui le rapprochent de la légataire. La fillette a grandi ; c'est maintenant une beauté que d'aucuns voudraient séduire afin de récupérer le magot qui lui échoit. Mais Vallon veille au grain ! Et pourtant, il y a des meurtres car les crapules ne manquent pas ! Alors, Vallon saura-t-il déjouer les pièges, éviter de succomber à la tentation et trouver le meurtrier ? Vous le saurez en lisant « Gare-toi, Beauté ».
Peter Cheyney a un talent de conteur qui lui a été reconnu par un très large public, qu'il soit américain ou d'ailleurs. Ses admirateurs lisent encore aujourd'hui ses ouvrages avec un réel bonheur car ils y trouvent le résultat d'une imagination vive et féconde. Les personnages des romans policiers de Cheyney sont vivants, le plus souvent croqués d'une main sûre, fruit d'un travail manifestement mené par un écrivain perspicace, qui a analysé les codes des gens qu'il souhaitait mettre en scène. du héros au « second couteau », les personnages de Cheyney, qui évoluent sous nos yeux, au grand jour comme en demi-teintes, ont une présence singulière. Si le portrait n'est jamais tout à fait primaire, la caricature montre quand même le bout de son nez et, sans faire preuve d'un manichéisme primaire, Cheyney nous dépeint toujours le vrai « dur à cuire », un type du genre FBI que rien n'effraie, avec à ses côtés de sinistres compagnons de route, mais aussi quelques gars plus populaires et, en prime, une ou deux femmes ravissantes. Car il est clair que Cheyney avait une passion pour les femmes. Femmes à l'intelligence froide ou femmes un peu sottes, apparemment toutes l'éblouissaient. Cheyney les exposait aux yeux de ses lecteurs dans des pauses ou avec des comportements particulièrement aguicheurs : chaussures à talons hauts, fort sex-appeal , un tantinet vicieuses, vêtues sans vulgarité excessive mais décidées à faire « tomber les mâles ». D'ailleurs,
Peter Cheyney écrivit à propos d'une de ses héroïnes : « I am tellin' you that the south view of this dame from the east when she is walkin' north would make a blind man turn to hard liquor. » La couverture de l'édition originale, représentant ce qui était probablement à cette époque le canon de la beauté féminine, est de ce point de vue assez en phase avec cette obsession de l'écrivain, mort à 55 ans, selon toute vraisemblance des suites de blessures de guerre mal soignées.
Je mets deux étoiles car, même si le style est vieillot (ce qui ne pousse pas à lire l'ouvrage jusqu'au bout), le suspense et la complexité de l'intrigue restent manifestes. Si vous aimez les polars de second ordre, ou si vous êtes un inconditionnel de
Peter Cheyney, ou si vous préparez une thèse sur la littérature nord-américaine de l'entre deux-guerres ou sur la place de la femme dans l'oeuvre de
Peter Cheyney, alors n'hésitez-pas, ce livre est fait pour vous. Aux autres, je conseillerai de passer à quelque roman policier plus moderne, et, ça tombe bien, la littérature n'en est pas avare ...