Pauvre petite fille riche.
L'inachevée, c'est la narratrice de ce roman, Hannah Espstein-Barr, fille sans père dotée d'une mère splendide et monstrueuse, héritière d'un beau pactole dilapidé, élevée à coups de torgnoles entre une visite au musée et un chocolat chez Angelina. Forcément, elle ne va pas bien, et malgré ses vêtements de marque et sa précocité intellectuelle, elle grandit de travers et se façonne une névrose à faire saliver un psy.
Dans la série "comment certains vivent", j'ai donc fait une rapide incursion dans la bourgeoisie parisienne à la charnière des XXe et XXIe siècles ; et il n'y a pas de quoi rêver chez les Epstein-Barr. J'ai été choquée par la violence subie par la petite Hannah, bien seule pour tenter de fuir la folie familiale, et j'ai été sensible à son parcours chaotique et sa lutte contre la dépression.
Mais pas de bol pour
Sarah Chiche, j'ai lu son roman juste après "
Retour à Reims" de
Didier Eribon. Aussi, lorsque sa narratrice se qualifie de "Cosette chez les CSP+", j'ai trouvé ça gonflé et préféré compatir avec "Gavroche chez les prolos" (de Reims). Certes, il n'y a pas de hiérarchie sociale dans le mal-être, mais mon empathie se portera davantage sur un fils d'ouvrier cherchant à s'émanciper de la misère sociale et intellectuelle qui l'étouffent, que sur une "femme d'expat" qui s'ennuie aux réceptions de l'ambassadeur à Singapour.
Néanmoins, j'ai beaucoup aimé le style de l'auteur, léger, virevoltant, très agréable à lire -bien que parfois plombé par une suite de mots compliqués destinés à démontrer l'étendue de la culture de la narratrice.
Au final, c'est un roman dur, cru, par moments agaçant, mais qui se lit très rapidement et plaisamment. On peut toutefois s'en dispenser.