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La mystérieuse affaire de Styles" est le premier roman d'
Agatha Christie et il est typique de son oeuvre. Déjà, c'est un "Hercule Poirot". Et, de plus, un Hercule Poirot avec le capitaine Hastings qui, ensemble, forment un duo semblable à celui de
Sherlock Holmes et du Dr Watson ; c'est-à-dire, un détective, accompagné d'un ami plus limité intellectuellement mais dont quelques réflexions déclenchent le processus de résolution intellectuelle de l'énigme par le héros.
Ensuite, il est typique de par son décor (un lieu clos, généralement une maison cossue) et ses protagonistes (des membres de plusieurs générations d'une même famille bourgeoise qui ne s'entendent guère entre eux, des domestiques, des visiteurs). Ici, un manoir de la campagne de l'Essex est habité par une famille multi générationnelle (une femme âgée, son second mari beaucoup plus jeune, ses deux beaux-fils dont l'un est marié, sa dame de compagnie, et une jeune femme orpheline recueillie par la vieille femme) ainsi qu'une armada de domestiques. Tout ce petit monde a évidemment des vues sur l'éventuel héritage. Or, fort à propos, la femme âgée, plutôt détestée, meurt, empoisonnée. Qui l'a tuée ?
L'originalité de cet ouvrage est que le narrateur est le capitaine Hastings. Il a été invité au manoir pour y passer sa convalescence, après avoir été blessé lors de la Première guerre mondiale et est, par conséquent, pour le lecteur un témoin de l'affaire de première main. (Au passage, je souligne qu'il est un tel blessé de la Grande Guerre qu'il est définitivement éloigné des champs de bataille, mais que le déroulé du roman nous indique qu'il n'a pas l'air d'avoir de séquelle physique ni psychologique ! Alors pourquoi n'est-il pas au combat ?). Il nous décrit dans un premier temps les différents personnages, leur psychologie, leurs agissements plus ou moins étranges et les liens qui les unissent. Ensuite, dès que le décès fut caractérisé en meurtre, il requière l'aide d'Hercule Poirot qui, justement, résidait dans le village voisin, et ensemble ils vont résoudre cette énigme. Enfin, c'est essentiellement le détective belge qui agit, découvrant les indices, analysant les faits même les plus minimes, forgeant des hypothèses qui, mises bout à bout, vont lui permettre de dégager un scénario et de mettre la main sur le(s) coupable(s). Lors de cette phase, le lecteur a droit aux déductions de Hastings qui, voulant surpasser son ami dont il dénigre mais seulement en pensée la santé mentale, échafaude des théories qui mènent généralement à des culs-de-sac.
Alors certes, un
Agatha Christie vieux d'un siècle c'est daté. Les moyens de communication sont quasi inexistants, les véhicules sont très lents, le milieu social est aisé, très britannique et très guindé. Mais c'est cet ouvrage qui est à la base de la popularité du roman policier à l'anglaise. A savoir, la campagne anglaise, un lieu clos où a lieu le meurtre, peu d'action, une résolution par la réflexion, et le fait que le suspect le plus évident n'est que rarement le vrai coupable.
A lire absolument donc pour tout fan de roman policier du type whodunit.