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EAN : 9782070132102
288 pages
Gallimard (10/03/2011)
3.08/5   6 notes
Résumé :
« Ce jour où je revenais, soixante ans plus tard, quelqu’un, dans cette désolation, habitait toujours la ferme où j’avais vécu, mais ne se montrait pas. Personne n’est sorti pour me demander qui j’étais, ce que j’étais venu faire ni ce que je cherchais. Dans ce pays de bocage, l’étranger était toujours assez mal reçu ; il apportait l’extérieur, c’est-à-dire le mal.
J’ai vu, en un instant, dans cette solitude et dans ce silence, la seconde mort des paysans, l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
«Aucune société […] ne fut plus grossière que la nôtre, en un sens, plus inquisitoriale». Dans ce nouveau volume d'«écrits intimes» – puisqu'il s'est très vite refusé au roman –, Jean Clair, qui fut conservateur directeur du musée Picasso et commissaire d'expositions aussi marquantes que "Vienne 1880-1938 - L'Apocalypse joyeuse" ou "Mélancolie, génie et folie en Occident", en remet une couche, comme pour prouver qu'au contraire des candides, il n'écrit pas pour se faire aimer. Ici, son entreprise d'anamnèse le fait retourner, plus de six décennies après, dans le bocage mayennais où la débâcle de la Seconde Guerre mondiale l'avait expédié avant l'anniversaire de ses quatre ans. Fils de paysans pauvres, Jean Clair avait déjà écrit «je sortais de rien», formulation lapidaire qui ne le retient pas de penser, avec un lourd sentiment de culpabilité, qu'il a pu trahir les sages de la terre pour les frivoles de l'art. Tiraillé entre ce monde sans tradition écrite et l'érudition, l'historien d'art et académicien français ne tire donc aucune supériorité de s'être «éloigné des paysans taciturnes». Si l'enfance dans cette campagne abandonnée ne fut ni un paradis, ni une pastorale, le jeune Gérard (puisque Jean Clair est un pseudonyme) y conçoit pour toujours un profond attachement aux bêtes, comme à cette «méfiance paysanne» pour laquelle il éprouve plus de respect que de rejet.
Dans cette promenade éclatée qui retrouve parfois la forme du journal («atrabilaire» peut-être, c'est lui qui le dit) s'entrecroisent souvenirs et rêves (au sens premier), idées et sentiments, expériences et voyages, toujours dans la compagnie de l'écriture et de la peinture, assurément ses saluts.
Admirant Avigdor Arikha plutôt que Jeff Koons et autres champions des «tours de force forains», fustigateur du mercantilisme de l'art, de la morale égalitariste, des jargons, des sourires mondialisés de la télévision, de la consommation frénétique des instants, de la bonne bourgeoisie qui possède le monde, des «nouvelles ligues de vertu qui […] ont réduit la France au silence», ou, parmi «les imbéciles d'aujourd'hui», des Gothiques dont il règle le compte en deux pages, Jean Clair est conscient d'être injuste, de se laisser emporter : «La colère, je crois, ne me quittera jamais». Taxé de poujadiste, il répondit, un brin provocateur «Je suis simplement profondément réactionnaire, il y a de quoi, non?» Un «réactionnaire» bouleversé par les conditions faites aux S.D.F. dont il se révèle l'exceptionnel observateur des us et manèges, un «réactionnaire» offrant des pages incomparables de sensibilité et d'intelligence sur le sexe (la «nature») et le corps des femmes, un «réactionnaire» célébrant le "trésor" de la psychanalyse, un «réactionnaire» refusant de céder aux démons du pessimisme… réactionnaire: «loin d'être nostalgique, rêveuse, ou pire encore mélancolique, toute ma vie n'a jamais au contraire été dictée que par le sursaut vers le futur»…

Chronique partiellement parue dans "Encres de Loire" n° 56 page 29, été 2011

Lien : http://www.paysdelaloire.fr/..
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Ce récit autobiographique de Jean Clair est une sorte de promenade qui égraine la pensée de la mort. Alors que l'écrivain dit se refuser à l'idée du pessimisme, il révèle par ses écrits mélancoliques, ses considérations sur notre société en manque de valeur et dissèque le sujet de la mort face à sa mémoire, sur un ton satirique qui fait ressortir ses convictions, ses émotions. Chaque passage révèle son rapport avec l'art et la culture.

Une écriture qui donne l'importance au silence et à la réflexion. Il convie le lecteur à s'interroger sur l'arbre de la vie. Une intropection sur son époque et sa quête personnelle du lendemain.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Le plaisir d'habiter sa langue fait aussi que l'on se sent chez soi partout où on la parle. On la retrouve, au-delà des mers et des frontières, comme une maison de famille, lointaine et oubliée, mais où tout serait resté à peu près en place et vous attend. Son architecture, son élévation, ses matériaux peuvent être différents : plus basse ou plus haute, à toit pentu ou bien plat, mais une fois qu'on a franchi le seuil, on y retrouve des meubles familiers, une façon de disposer les objets, des lumières ou des coins d'ombre qui rappellent ceux qu'on trouvait dans sa langue, autrefois.
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Quelle langue fut plus délectable, traversée de traits féroces, que la langue de Voltaire, de Diderot, de Beaumarchais, de Mirabeau ? De fait, nous ne pourrions pas aujourd'hui, dans notre société démocratique, écrire ne serait-ce que la moitié de ce qu'ils se permettaient de publier sous la surveillance constante de la censure royale. Mieux valait être lu par Malesherbes que par les chroniqueurs d'aujourd'hui qui décident de ce qu'il convient de dire et de taire.
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Les seuls à ne pas s'y tromper furent les communistes qui virent dans le gauchisme, non pas la venue d'une société désaliénée qu'ils auraient eux-mêmes échoué à installer, mais au contraire le coup de pelle final, accompagné des huées, des quolibets et des chants des étudiants des beaux quartiers, l'enterrement du socialisme et de ses idéaux de fraternité. Il suffit de feuilleter « L'Enragé » pour se rendre compte que la cible des émeutiers de 68 était moins les capitalistes dont en réalité ils précipitaient la venue, que les prolos d'Aubervilliers ou de Pantin, à qui s'adressaient leurs sarcasmes.
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Il m'en est resté un malaise. Le sentiment ne m'a jamais tout à fait quitté d'avoir trahi, abandonné un front, gagné le confort des arrières. Plus encore quand le soupçon m'a pris, confronté à des œuvres en effet trop souvent inutiles et fort laides, que j'avais lâché la clarté d'un Désert habité par des sages pour gagner paresseusement l'ombre des musées peuplés de gens frivoles et de dandys. J'ai toujours eu une double identité. Je demeure un assimilé, parlant un langage emprunté, traître à ma foi comme un marrane au judaïsme.
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Le terme de « profondeur », auquel on recourt aisément pour désigner l'intensité d'un effort intellectuel, a ceci de fâcheux qu'il implique un mouvement de chute, d'enfouissement, vers une perdition et une obscurité. Ce va-tout de la littérature participe du même saut dans le chaos qui précipite l'insensé. J'aimerais lui préférer le terme ancien « d'élévation » si celui-ci n'était si marqué d'une ambition spirituelle fort étrangère à notre époque. Pourtant, monter, accéder à la lumière, élucider, maîtriser les apparences, ce sont des images qui me paraissent préférables à celles qui supposent de se laisser couler vers on ne sait quel abîme de l'être, qui n'est que ténèbres, étouffement et solitude.
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Videos de Jean Clair (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean Clair
Intervention de l'écrivain Jean Clair lors du colloque "Que vaut le corps humain?" le 6 décembre 2019. #bernardins#colloque#corps
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