Citations sur Bunker anatomie (8)
Les méduses rêvent de cubes. Elles ne rêvent que de cubes - des cubes minuscules mais rigoureusement cubiques, des cubes gigantesques dont les arêtes sans cesse s'étirent, des cubes hostiles à l'idée d'évanescence. On pourrait presque dire que le cube dont rêvent les méduses est d'ordre divin.
(...) dissoudre le rien, le replier sur lui-même, sur rien même, deux fois, trois fois, soixante et onze fois s'il le faut, c'est là un exercice qui t'épuise et qui installe l'épuisement dans la cuve du rien, où de nouveau il croît, il pullule, essaime, car le rien croît, comme le désert (...)
Il ne repousse pas, ce genou écorché sur le gravier, que recouvre aujourd'hui le tweed plissé. A l'étage supérieur, le Magicien d'Oz n'en finit pas d'éplucher les comptes de la MGM pendant que Dorothy se shoote au phénobarbital. Actif, passif, agressif. If ! C'est comme ça, plus personne n'y croit. Allume tes bougies. Souffle-les. Ce ne sont pas des bougies, ce sont des prothèses, de toutes petites allumettes enfoncées dans la pâte à modeler et à nier, des tentatives pour articuler la gélatine de ta complaisance : qui les frottes s'embrase.
Comprenant qu'il s'agissait d'une manifestation de l'Infini (cette saleté puante), il remonta sa sonde de fortune, alla chercher son Mauser et tira à trois reprises dans le Trou, en visant très précisément le centre grâce à l’œilleton millimétré du viseur. Puis il se recoucha et dormit d'un sommeil bleu. Le bruit ne se reproduit plus jamais. L'Infini a ses limites.
A défaut d'un nom, et puisqu'un nom l'aurait pris à défaut, donc à revers, dans le dos, ou mieux, en pleine nuque - centre de toutes ses haines et aspirations compactées -, il laissa sa personne se condenser en une appellation à la fois étanche & ridicule (...) [qui] avait l'avantage de se replier sur [elle]-même comme un test de Rorschach entre des mains aveugles.
Un couple sort de l'Auberge du Débarquement en se tenant la main. Chaque doigt pense différemment, seuls les pouls qui battent dans leurs poignets savent ce qu'ils veulent : en finir. La balade est muette, la lune est pleine. La mer s'agite, livrée à son éternelle vaisselle. Le sable est dur, bien trop dur. Ils dérivent.
Au moment de jouir, Vincent (ou Simon, Jean-Luc...) avait vu Méduse ôter ses lunettes, avait vu, au fond de ses yeux, cette chose rare qu'il est délicat de décrire, non parce que sa description excède l'imagination (cela va de soi, et y retourne aussitôt) mais parce que d'autres effrois nous appellent, à notre insu, comme c'est peut-être le cas du lecteur qui, lisant ces lignes, a encore, imprimées sur ses rétines, des visions parasites qui à la fois l'agacent et le distraient.
Juste cette phrase : "La vie va se faire, les événements se dérouler, les conflits spirituels se résoudre, et je n'y participerai pas. Je n'ai rien à apprendre ni du côté physique ni du côté moral. Pour moi c'est la douleur perpétuelle et l'ombre, la nuit de l'âme." - mais déjà la voilà morte, cette phrase, ses ailes épinglées au bois de la langue, nous ne savons qu'en faire, car elle ne nous es pas destinée, à moins que ce soit nous qui soyons morts et épinglés, et que cette phrase soit la seule à rêver du fond de sa chrysalide. Citée à comparaître, elle se dissout. Comme nous. Comme celui qui la dit.