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EAN : 9782070455287
304 pages
Gallimard (05/11/2015)
4/5   7 notes
Résumé :
Dans ce drame, Claudel a peint l’effondrement de la société traditionnelle issue de la monarchie. Deux aristocrates, un homme et une femme, qui ont survécu aux massacres de la Terreur, tentent, au péril de leur vie, de leur amour et de leur honneur, de sauver le Pape : ce dernier a été enlevé de la prison où l’avait relégué l’Empereur et caché dans leur domaine. Mais un préfet de l’Empire a éventé sa présence et se livre à un odieux chantage. La violence des sentime... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Paul Claudel n'est plus qu'un nom de rue, ou pour certains le frère de Camille. Triste, mais si Français, d'enterrer l'un de ses plus grands poètes pour simplement faire un peu de place dans la mémoire nationale. On lui reproche d'avoir fait enfermer sa soeur à l'asile injustement, d'avoir fort longtemps penché pour le camp du Maréchal avant de rejoindre celui du Général. Matière à de longues discussions, qui ne sont pas l'objet de cette critique. Mais ce qui est indéniable, c'est que sa maîtrise de la langue française n'est pas égalable. Il n'y a pas, et il n'y aura probablement pas, de plus grand poète dans notre langue.

'L'otage' est l'une de ses pièces de théâtre, presque oubliée aujourd'hui. Celui qui pense y patauger dans les bondieuseries sera surpris ; car on n'y trouve que doutes et confusion. Chaque scène, à l'exception de la première, est un duel. Un duel où les phrases sont des armes, et les mots des balles.

Quelque part en Champagne, quelques années après le sacre de Napoléon. Le château a été brûlé, les parents guillotinés, mais la fille est revenue. Sygne de Coûfontaine. Faire sonner les noms de ces personnages n'est pas un art facile. Dans la nuit, son cousin Georges surgit soudain. Avec lui, un prisonnier qu'il a soustrait à l'empereur. Le Pape. Mais on l'a vu. Le préfet de l'empereur, l'ancien frère de lait, le vieux révolutionnaire endurci, l'homme qui a fait décapiter leurs parents et brûleur le château, sait qu'il est là. Toussaint Turelure. Les noms, vous disais-je. Le prix de son silence ? La main de Sygne.

Les personnages sont extrêmement complexes. Sygne n'est pas du tout, mais alors pas du tout prête à accepter le rôle de victime désignée que tout le monde lui réserve. George de Coûfontaine, muré dans sa noblesse hiératique, toujours défait, toujours humilié, combattant et sacrifiant tout pour une cours en exil qui ne lui en sait nul gré. Toussaint Turelure, Talleyrand au petit pied, tout à la fois repoussant et fascinant de force et d'intelligence, fier de son passé de révolutionnaire bouillant, revenu de tout et prêt à toutes les trahisons. Le Pape, roseau tout droit planté au milieu des chênes déracinés...

A lire pour la magie des mots, la beauté des mots, l'âpreté des mots.
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Ecrit entre 1908 et 1910, L'Otage est publié dès 1911, d'abord dans la NRF, puis la même année en volume. La pièce sera créée sur scène dès 1914 par Lugné-Poe ; à cette occasion Claudel proposera une fin alternative, mais il ne réécrira pas l'oeuvre comme il l'a fait pour la plupart de ses autres pièces. La pièce est la première d'une trilogie, La trilogie des Coûfontaine, qui comprend également le pain dur et le père humilié. Les trois pièces ne sont toutefois pas « la réalisation d'un plan préétabli » mais « sont nés l'un de l'autre, l'un après l'autre […] comme sous l'appel d'une nécessité à la fois fatidique et musicale ». Dès 1920 Claudel envisageait un quatrième drame qui aurait clôt le cycle, mais cet opus n'a jamais été écrit finalement.

L'otage a été conçu comme le récit des origines de la France contemporaine, née de la Révolution, et de l'homme à qui elle a donnée naissance, d'où l'opposition entre les Coûfontaines et Turelure, l'Ancien Régime et le nouvel ordre qui naît sur ses décombres. le drame va continuer dans les épisodes suivants de la trilogie, de génération en génération, pendant que se déroule l'Histoire. Claudel veut opposer une vue à court terme, à hauteur d'une vie d'homme, de catastrophes individuelles, à une vision plus large, qui derrière des destins individuels, suit un schéma, un plan plus large. Ce qui rapproche son cycle des tragédies grecques qu'il aimait et qu'il a traduites : comme dans l'Orestie d'Eschyle, à qui de nombreuses composantes des drames de Claudel font écho, les desseins de la Moïra ne se révèlent que dans le temps, dans la durée. Mais chez Claudel le destin devient la Providence du Dieu chrétien, ce qui change la tonalité d'ensemble.

Au premier acte, nous sommes en France, à la fin du Premier Empire. Sygne de Coûfontaine, une jeune femme noble, dont les parents ont été guillotinés pendant la Révolution, et qui a patiemment reconstitué la fortune familiale accueille dans sa propriété son cousin proscrit, Georges, à qui elle destine tous ses biens. Mais Georges a vu disparaître femme et enfants, il est très amer. Sygne et lui évoquent le passé, puis prennent l'engagement de se marier. Mais Georges est venu dans la vieille maison pour cacher un hôte encombrant : le pape qu'il a fait évader de l'emprisonnement impérial.

Au deuxième acte, le baron Turelure, fils d'une servante du domaine de Coûfontaine, devenu le préfet sous l'empire, vient demander à Sygne de l'épouser. Il la menace de faire saisir Georges et le pape. le curé, M. Badilon, arrivera à la convaincre de consentir à cette union.

Au troisième acte, nous sommes en 1814, Paris est assiégé. Turelure, commandant des forces armées, est à même de donner le pouvoir au roi Louis XVIII. Il s'engage à le faire, à condition que Georges signe un renoncement à tous ses droits, y compris à son nom, en faveur du fils qu'il a eu avec Sygne. Cette dernière doit faire accepter ces conditions à son cousin, qui vient comme émissaire royal. Georges fait de violents reproches à Sygne, mais accepte de parapher les papiers. Il tente de donner la mort à Turelure, mais blesse à mort Sygne, pendant que lui même est assassiné par Turelure. Sygne, avant de mourir, refuse de revoir son fils et de pardonner à Turelure, risquant la damnation.

Malgré le contexte historique, un aspect très romanesque aussi (enlèvement du pape, siège de Paris etc) la pièce est en réalité très simple dans son déroulé. Elle se compose de violents affrontements entre des personnages antagonistes, qui symbolisent des forces, des attitudes, des positions idéologiques opposées à l'extrême. C'est donc très dramatique, très intense, Claudel peint des instants d'une grande violence, où ses personnages sont saisis dans des moments paroxystiques qui les résument et en donnent la quintessence. Comme toujours chez Claudel, les personnages sont plus des symboles, des métaphores que des vraies personnes, et leurs positionnements expriment bien plus qu'un sentiment ou ressenti individuel. Même si, Georges dans son amertume et orgueil, Sygne dans sa force et son refus de plier, Turelure dans sa roublardise, son opportunisme et son cynisme, sont un peu plus de chair et de sang que d'autres figures claudéliennes.

Encore une très belle réussite de Claudel.
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Une pièce injustement oubliée qui se revèle un petit chef d'oeuvre: rapide ,nerveuse, sèche elle recèle des petits trésors d'inventivité de l'auteur ! A lire sans tarder !
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Notre château a été détruit, mais la maison de Dieu est restée debout.
Le mur a été fondu, le fossé a été comblé, l'Arbre-Dormant a été arraché.
Le puits a été pollué, la tour est tombée d'un seul coup comme un homme qui s'abat sur la face, les entrailles de la maison familiale se sont rompues et effondrées,
Et de tout l'oeuvre antique, il ne reste qu'un seul pignon et la cave, refuge du renard et du hérisson !
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Mon humiliation est trop grande. Hélàs ! il n'y a plus de douleur pour moi et mon âme en est avide ainsi qu'une terre altérée.
Je suis séparée des larmes.
Il n'y a plus de douleur possible et toute souffrance qui s'ajoute aux autres est pour moi comme une consolation.
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J'ai un chapelet dans mon cœur à dire quand je ne dors pas, grain par grain,
Les têtes coupées de mon père et de ma mère et de tous les miens.
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Voici donc, rentrant chez moi, tout ce que je retrouve de la maison
La poutre en croix avec la solive, et cela même vous l'avez pris pour vous, ô fils de l'ouvrier ! Et il n'y a pas de place pour deux.
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De quelle idiote fringale de bonheur j'ai été saisi tout à coup !
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Vidéo de Paul Claudel
https://www.laprocure.com/product/1525906/chevaillier-louis-les-jeux-olympiques-de-litterature-paris-1924
Les Jeux olympiques de littérature Louis Chevaillier Éditions Grasset
« Certains d'entre vous apprendrez que dans les années 1912 à 1948, il y avait aux Jeux olympiques des épreuves d'art et de littérature. C'était Pierre de Coubertin qui tenait beaucoup à ces épreuves et on y avait comme jury, à l'époque, des gens comme Paul Claudel, Jean Giraudoux, Paul Valéry et Edith Wharton. Il y avait aussi des prix Nobel, Selma Lagerlof, Maeterlinck (...). C'était ça à l'époque. C'était ça les années 20. Et c'est raconté dans ce livre qui est vraiment érudit, brillant et un vrai plaisir de lecture que je vous recommande. » Marie-Joseph, libraire à La Procure de Paris
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