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Citations sur Malataverne (28)

page 51 [...] Robert s'étira et se frotta les yeux. Il était cinq heures et, avant de partir pour la carrière, son père l'avait réveillé. Il l'entendit gonfler son vélo puis le sortir du couloir. Depuis la porte, avant de fermer, le père Paillot cria :
- Te rendors pas, Robert !
Sans bouger, Robert lança :
- Ouais !
Les souliers ferrés du père grincèrent sur le seuil, la porte claqua et Robert n'entendit plus qu'un bruit étouffé de pas dans la rue et des voix qui semblaient venir de très loin.
Un jour gris rampait sur la vitre. Hésitant à entrer, il salissait à peine les deux murs les plus proches de la lucarne. Le reste demeurait dans l'ombre. Une ombre plus terne, plus moite que celle de la nuit.
Robert avait la bouche pâteuse et la gorge sêche. Il se tourna sur le côté, le dos au mur, les yeux ouverts. Imperceptiblement, les objets sortaient de l'ombre. Sur le plancher, chaque lame se dessinait. Sous une chaise, il y avait quelque chose que Robert ne parvenait pas à identifier. Il regarda un moment la lucarne. La vitre sale ne permettait pas de voir le ciel, mais il jugea pourtant qu'il devait être couvert. Il souleva la tête pour mieux écouter. Un coup de vent venait de siffler en longeant le chéneau. Juste au-dessus de lui, entre les voliges et les tuiles, des rats se mirent à courir. Le vent passa encore puis il y eut, au fond de l'impasse, le bruit d'un portail battant contre un mur et un moteur de voiture se mit en marche. Longtemps, il couvrit tous les autres bruits du matin.
Robert imagina le fils Corneloup, le charcutier, sortant la camionnette pour le marché. Le moteur s'éloigna et Robert se retrouva seul. Les rats ne couraient plus. Le vent était trop faible, trop intermittent pour meubler le silence.
Alors, d'un coup, Robert se leva et s'habilla. [...]
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Dans toute la vallée, la vie du jour s’était endormie et celle de la nuit s’éveillait lentement.
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En prenant sa veste, il décrocha du portemanteau un vêtement qui tomba à ses pieds. Il se baissa pour le ramasser. Une odeur fade de pierre effritée s'en dégageait avec un nuage de poussière. Le vêtement était un pantalon de travail du père Paillot. Le velours côtelé était râpé et crevé aux genoux. il était grisâtre, de la couleur de la pierre des carrières. Robert imagina un instant ces carrières ; les machines énormes avec des concasseurs hauts comme une maison de deux étages et d'où s'échappait un nuage épais qui retombait en pluie irrespirable sur tout le chantier. À plusieurs kilomètres à la ronde tout était gris, les arbres, les prés, les routes, les maisons ; et les hommes de la carrière aussi avaient la couleur de cette pierre.
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Elle attendit quelques instants puis, comme il ne répondait pas, elle reprit :
[...]
− Ils vont à la messe, eux !
− Pas Serge.
− Si, quelquefois, avec sa grand-mère ; et Christophe, lui, je le vois tous les dimanches.
− Si tu savais pourquoi il y va !
Elle se pencha vers lui. Il hésita, puis finit par dire en ricanant.
− C'est à cause de ses parents. Son père dit : « Quand on est dans le commerce, on n'a pas le droit d'avoir ses opinions, faut avoir celle de la majorité. »
− Qu'est-ce que tu chantes là ?
− C'est la vérité. Même que Christophe dit : « Si mon père était épicier chez les Zoulous, je serais obligé de faire la danse du ventre. »
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[...] ... - "Vous êtes des fumiers !" grogne Serge. "Tirez-vous et bouclez-la, sinon ça pourrait faire mal aussi !"

Sa main droite vient de sortir de de derrière son dos. Il descend les deux marches. Quelque chose brille. Le couteau. Il lève le bras. Robert recule. Le goût amer est dans sa bouche. Serge passe devant lui et lui montre la lame, puis il marche vers Gilberte qui recule à son tour.

- "Tu entends," dit-il. "Toi aussi, la pécore. Occupe-toi de tes vaches et de ton fumier, et boucle-la, sinon gare à tes tripes."

Sa voix est lointaine à cause du bâillon. Elle fait mal pourtant.

Robert est demeuré interdit quelques secondes. Le goût, le goût amer dans sa bouche ... sa gorge qui se noue.

Et puis, soudain, il ne se commande plus. Son corps lui échappe. Il se met à agir sans lui ... C'est effrayant : il est un autre ... il se regarde agir.

Il s'est baissé, sa main a trouvé tout de suite l'objet que le pied de Gilberte a heurté tout à l'heure. Il se redresse, son bras se lève et il marche sur Serge. Serge fait un pas de côté et lui aussi lève le bras. La lune éclaire tout le coteau derrière lui. La lame brille. Elle tremble un peu.

- "Laissez tomber ! Laissez tomber !" crie Robert. "Vous êtes des salauds !

- Tais-toi, je te plante !"

Serge s'avance lentement.

Le bras de Robert tourne. Il y a comme un sifflement pareil à celui du vent qui se déchire sur le pignon de la ferme.

- "Vous êtes fous !" hurle Christophe qui se précipite et s'arrête net, à un pas de Serge.

Le bras de Robert a achevé son cercle. Au bout du sifflement, il y a eu un choc, pas très fort, comme un coup de pioche dans une terre dure.

Serge est saoul, il est debout, ses genoux fléchissent. Il va tomber en arrière ... non, il penche en avant ... son corps se casse et il tombe lourdement, puis il roule sur le côté et ne bouge plus

Personne ne bouge.

La barre de fer est très lourde au bout du bras de Robert. Sa main s'ouvre. La barre tombe, la pointe en avant. ... [...]
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Depuis qu'il avait fermé la porte de cette pièce, il ressentait quelque chose d'indéfinissable, quelque chose qui le suivait et qui lui faisait peur.
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Quelque chose était en lui, qu'il ne parvenait pas plus à définir qu'à rejeter. Une chose trouble, comme un brouillard tenace, mais malgré tout transparent. Et cette chose le suivait, alourdissant chacun de ses gestes, se glissant entre ses yeux et tout ce qu'il regardait.
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L'opinion publique, ça compte. Je l'ai remarqué, dans les journaux, ça peut faire changer une affaire.
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Il se retourna. Derrière lui, c'était la nuit. Il ne voyait rien mais il savait qu'il n'y avait là qu'un pré. Un pré tout nu qui montait jusqu'a la lisière du bois noir.
Après tout cette présence, ce devait être le Bois Noir. Il le sentait, il l'entendait vivre, tout habité de vent.
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Robert empoigna le panier et sortit à son tour. Quand il referma la porte de la cuisine, il se passa quelque chose en lui, comme s'il quittait quelqu'un. Comme s'il allait se trouver seul pour longtemps. Sa gorge se serra un peu et il lui sembla qu'il faisait très froid dans la rue.
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