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EAN : 9782070139293
168 pages
Gallimard (07/03/2013)
4.15/5   41 notes
Résumé :
'"Sur la scène intérieure : Faits" a obtenu le prix Wepler - Fondation La Poste le 11 novembre 2013.
(Mention spéciale du jury pour "Béton armé" de Philippe rahmy).

JJe sais bien que les objets familiers sont synonymes d'aveuglement : nous ne les regardons plus et ils ne disent que la force de l'habitude. Mais le coquetier, dans le placard à vaisselle, et ne serait-ce que de façon très épisodique, a eu bien des occasions de susciter quelques bo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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Huit noms, ceux de quatre hommes, trois femmes et un bébé, exterminés à Auschwitz. Pour chacun, quelques pages dans lesquelles Marcel Cohen rappelle ses souvenirs de petit enfant – il avait à peine six ans quand tous ceux-là ont été emmenés – et assemble le peu qu'il a pu recueillir auprès des survivants. Des anecdotes, et quelques objets qui ont appartenu aux disparus et qui prouvent à la mémoire qu'ils ont existé.

Avec une écriture complètement épurée, Marcel Cohen fait toucher du doigt, du coeur, l'immensité de ces absences et la détresse, consciente ou non, de cet enfant qu'il a été.

La puissance des mots pour ramener les souvenirs à la lumière du jour, les écrire et les conserver.
L'insuffisance des mots pour recréer une existence disparue, une présence entière, charnelle et spirituelle. Une quête aussi désespérée que bouleversante.
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"Les écrivains n'accordent-ils pas un pouvoir exagéré aux petits parallélépipèdes de papier qui s'accumulent autour d'eux? Ce qu'il paraissait si nécessaire de garder ne s'y noie-t-il pas aussi sûrement que dans le silence? Un écrivain n'accepte pas l'idée que ces petites stèles, adossées les unes aux autres dans les bibliothèques, puissent perdre toute signification. Il suffit même de promener le regard sur le dos des livres pour comprendre que la volonté de trouver une forme pour l'informe reste un message clair, quand bien même les volumes seraient devenus inaudibles."

"Vieillir , quelle étrange aventure pour un petit garçon ".
Cette phrase, extraite d'un poème de l'américain George Oppen, trotte dans la tête de Marcel Cohen , quand , le 23 mai 1996, il assiste au dévoilement d'une plaque à la mémoire des jeunes mères et des nourrissons internés à l'hôpital Rotschild.
On reste toute sa vie un petit garçon, avec ses souvenirs .
Des souvenirs, il lui en reste peu, il les fait alterner dans des chapitres concis avec des faits racontés.
Des moments, des impressions, des odeurs, sans cesse recherchés.
Quelques photos, quelques objets,dont le coquetier de la couverture aux couleurs délavées, sans cesse étudiés à la loupe.
Ce peu, beaucoup trop peu , qui lui fait rechercher encore et encore toute sa vie. Ce n'est qu'en 1996, par exemple, qu'il comprendra pourquoi sa mère n'ouvrait pas la fenêtre quand elle le regardait sur le trottoir.
Mais aussi éviter certains endroits ( dont ce fameux trottoir de la brasserie Wepler) qui lui sont encore trop douloureux.

Je ne voulais pas refermer ce livre.
Je l'ai terminé partagée entre son chagrin éternel qu'il m'a communiqué, mélangé chez moi à une grande colère. Et, en particulier, colère contre tous ceux qui ont participé à garder prisonnières dans des conditions effroyables des mères et leurs bébés jusqu'à ce que ceux-ci aient atteint l'âge requis pour aller brûler dans les fours crématoires. Quel âge fallait-il pour y être autorisé? Qui avait fixé cet âge?
Ah... comment-ont-ils pu?

Une petite note quand même pour dire qu'ils n'étaient pas tous ( toutes) les mêmes. L'histoire d'Annette , 14 ans, la petite bretonne placée comme bonne dans cette famille juive et que le grand-père avait renvoyé à l'école, car à 14 ans, on va à l'école. Annette, la concierge, Monsieur Petitcolin et sa famille ont sauvé le petit Marcel Cohen.

Ce livre, il faut le lire, le faire lire, le donner, le faire acheter. Des exemples individuels , l'histoire de chacun des personnages à partir de choses très simples, marque beaucoup plus les esprits qu'une accumulation de chiffres.
C'est Charlotte Delbo qui, dans le convoi du 24 janvier, retrace brièvement l'histoire de chaque être humain que comportait ce convoi.
A la déshumanisation du langage de l'horreur humaine il faut opposer l'humain de chacun.
C'est ce que fait Marcel Cohen dans ce livre. Une lutte contre l'oubli.

Maria Cohen, née le 9 octobre 1915 à Istanbul. Convoi n°63 du 17 décembre 1943
Jacques Cohen, né le 20 février 1902 à Istanbul . Convoi n°59 du 2 septembre 1943
Monique Cohen, née le 14 mai 1943 à Asnières ( 92). Convoi n°63 du 17 décembre 1943
Sultana Cohen née en 1871 à Istanbul. Convoi n°59 du 2 septembre 1943
Mercado Cohen, né en 1864 à Istanbul. Convoi du 2 septembre 1943
Joseph Cohen, né le 10 août 1895 à Istanbul. Convoi du 2 septembre 1943
Rebecca Chaki, née le 13 avril 1875 à Istanbul. Convoi n°59 du 2 septembre 1943
David Salem, né le 29 avril 1908 à Constantinople. Convoi n°75 du 30 mai 1944

En exergue:

"Tenter de reconstituer ce qui, en deçà du langage, dans le ressassement interne, peut encore être communiqué à autrui."

Georges- Arthur Goldschmidt



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Un livre peu attirant sur le présentoir de la médiathèque, sauf qu'il appartenait à la collection L'un et l'autre, gage de qualité*. A feuilleter ce livre peu épais (140 pages de texte)(pas de quatrième de couverture) je tombe sur les titres des parties, et maintenant je les donne toutes, comme une litanie en hommage à des inconnus (je ne me suis pas sentie le droit d'user du etc) : Maria Cohen, née le 9 octobre 1915 à Istanbul. Convoi n°63 du 17 décembre 1943. Jacques Cohen, né le 20 février 1902 à Istanbul. Convoi n°59 du 2 septembre 1943. Monique Cohen, née le 14 mai 1943 à Asnières (92). Convoi n°63 du 17 décembre 1943. Sultana Cohen, née en 1871 à Istanbul. Convoi n°59 du 2 septembre 1943. Mercado Cohen, né en 1864 à Istanbul. Convoi n°59 du 2 septembre 1943. Joseph Cohen, né le 10 août 1895 à Istanbul. Convoi n°59 du 2 septembre 1943. Rebecca Chaki, née le 13 avril 1875 à Istanbul. Convoi n°59 du 2 septembre 1943. David Salem, né le 29 avril 1908 à Constantinople. Convoi n°75 du 30 mai 1944.

Parents, grands parents, tante, oncles et soeur de l'auteur, né en 1937 à Asnières, sont évoqués ici. Laissons-le parler:
"Ce livre est donc fait de souvenirs, et, beaucoup plus encore, de silence, de lacunes et d'oubli. L'espoir secrets serait qu'un usage de ces faits s'impose néanmoins, et en premier lieu à moi-même, comme chaque fois qu'il y a accumulation, rangement, volonté de mettre au net. Une seule certitude : c'est bien l'ignorance, la ténuité et les vides qui rendaient cette entreprise impérative. Aux monstruosités passées, il n'était pas possible d'ajouter l'injustice de laisser croire que ces matériaux étaient trop minces, la personnalité des disparus trop floue et, pour utiliser une expression qui fait mal mais permettra de ma faire comprendre, trop peu 'originale' pour justifier un livre."
Jeunesse des disparus, manque de témoins, ou mutisme de ceux-ci, peu de détails donc. Marcel Cohen s'est basé sur ce qu'on lui a raconté, et, en italique, ses propres souvenirs d'enfant. En fin de volume sont reproduites les photos d'objets retrouvés (parfois 70 ans plus tard, tel le coquetier en bois de la couverture!) appartenant à son passé. Très émouvants, ces objets à valeur sentimentale pour la plupart, qui ravivent les souvenirs, souvenirs par ailleurs incroyablement olfactifs (eau de Cologne, poudre de riz)

Ce livre m'a extrêmement émue en dépit de -ou à cause de - sa volonté de ne pas romancer, de donner les faits, les simples faits. Au détour d'un paragraphe, on est atteint en plein coeur.
Ces juifs originaires d'Istanbul avaient étudié dans des écoles privées catholiques, y apprenant le français et sont arrivés à Paris dans les années 20 (l'on y apprend pourquoi). Lointains descendants des juifs chassés d'Espagne à la fin du 15ème siècle, ils parlaient aussi le judéo-espagnol, "étudié aujourd'hui comme une langue morte, après la disparition dans les camps de la quasi totalité des communautés séfarades De Grèce et des Balkans."
Quant au "pauvre petit David", dont la femme, la seule à être revenue, disait qu'il "a eu une belle mort"?... Découvrez laquelle ... (quelle horreur!)
Et Monique, l'âge de Monique! Pourquoi sa mère et elle partirent-elles avec le convoi 63 au lieu de 59 comme presque tout le reste de la famille? J'ai appris que "de même que les enfants ne portaient pas d'étoile jaune avant l'âge de six ans, la police française ne remettait aux Allemands que les nouveaux nés âgés de plus de six mois. Après son arrestation le 14 août, Marie fut donc internée à l'hôpital Rothschild en attendant que (...) Monique, qui avait alors trois mois, ait l'âge requis pour le voyage vers Auschwitz, via Drancy." Bien gardés, mères et enfants attendaient dans cet hôpital. le jeune Marcel y a rendu visite à sa mère, puis ensuite s'est contenté de la saluer de loin (très très imprudent, car des policiers en civil procédaient à des arrestations dans le quartier à la fin de l'heure des visites ou aux abords du métro le plus proche.)
Pour se remettre (un peu) de ces détails absolument épouvantables, se rappeler comment le jeune Marcel a échappé à la police et a été recueilli et aussi que "autour du camp, à Drancy, des hommes et des femmes de bonne volonté ramassaient les messages jetés par dessus les barbelés, les mettaient sous enveloppe, recopiant l'adresse, collaient un timbre et les postaient."

* L'un et l'autre (texte de second rabat, pour cette collection)
"Des vies, mais telles que la mémoire les invente, que notre imagination les recrée, qu'une passion les anime. Des récits subjectifs, à mille lieues de la biographie traditionnelle.
L'un et l'autre : l'auteur et son héros secret, le peintre et son modèle. Entre eux, un lien intime et fort. Entre le portrait d'un autre et l'autoportrait, où placer la frontière?
Les uns et les autres: aussi bien ceux qui ont occupé avec éclat le devant de la scène que ceux qui ne sont présents que sur notre scène intérieur, personnes ou lieux, visages oubliés, noms effacés, profils perdus."
Lien : http://enlisantenvoyageant.b..
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Dans ce recueil, Marcel COHEN fait un inventaire de tous les objets retrouvés ayant appartenu aux membres de sa famille déportée. A travers chaque objet, il évoque et raconte la personne disparue et les circonstances de son arrestation. La forme peut paraître froide, mais l'émotion est là et ne demande pas plus pour s'exprimer. On ressent d'autant plus l'horreur et la souffrance de celui qui reste et qui se retrouve dépositaire de cette mémoire. Livre beau et nécessaire.
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La démarche d'écriture de l'auteur est infiniment touchante. Avec une précision d'entomologiste, il se penche sur les traces infimes laissées par ses proches déportés, qui ne sont jamais revenus des camps.
Il alterne des observations à partir d'objets, de récits , de photographies avec des souvenirs personnels ou plutôt des sensations visuelles, olfactives remontés de sa petite enfance.
Cette quête a une valeur universelle qui va bien au-delà de l'histoire singulière de cette famille. Il n'est certes pas indifférent qu'elle concerne l'horreur de la déportation, certains passages comme celui où l'auteur rend visite à sa mère à l'hôpital Rothschild où elle est "internée" avec son bébé ( Monique, la petite soeur) avant d'être transférée à Drancy est plus que bouleversant, mais ce travail sur les traces interpellera plus d'un lecteur en raison des sujets partagés par tous que sont le manque, le deuil, la perte, l'absence. Chacun a son chemin pour vivre avec. Les moyens mis en oeuvre par l'auteur entre hommage, enquête, récit sans pathos sont tout à fait remarquables.

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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Le spectacle semblait « volé » et trois fois même : en tant que Juifs, nous n’aurions jamais dû voyager dans la première voiture ; ensuite, nous étions seuls avec le machiniste, à bénéficier d’une vue aussi privilégiée. La troisième raison était la plus troublante : le chef de train lui-même ne remarquait pas notre présence illégale. Sa casquette grise, son sifflet (pour rappeler les passagers à l’ordre), les deux boutons (l’un vert, l’autre rouge) commandant l’ouverture et la fermeture des portes lui conféraient pourtant une autorité indéniable.
Les jours avec étoile, nous montions dans le dernier wagon réservé aux Juifs. Comme je voyais aussi souvent Marie avec l’étoile que sans celle-ci, qu’elle m’entraînât vers la dernière voiture avait tout d’une punition. Marie le savait si bien qu’elle devançait toute contestation et serrait fermement ma main pendant que nous nous dirigions vers la queue du train.
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Pour apprécier l'attachement des Juifs de Turquie à la France (ce fut vrai dans tout l'ex-Empire ottoman), il faut une remarque supplémentaire : la France, à leurs yeux, n'était pas seulement le pays de Racine, celui des Lumières et de la Révolution de 1789 accordant, la première en Europe, les droits civiques aux Juifs. Paradoxalement, c'était aussi la France de l'affaire Dreyfus.
- Un obscur capitaine juif est accusé d'espionnage, estimait-on sur les rives du Bosphore. Personne ne sait s'il est coupable et la France est au bord de la guerre civile ! Presque partout ailleurs dans le monde, le capitaine aurait été fusillé après un procés sommaire, ou pas de procès du tout, et personne n'aurait entendu parler de lui.
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De même que les enfants ne portaient pas d’étoile jaune avant l’âge de six ans, la police française ne remettait aux Allemands que les nouveau-nés âgés de plus de six mois. Après son arrestation le 14 août (1943), Marie fut donc internée à l’hôpital Rothschild en attendant que ma sœur Monique (...) qui avait alors trois mois, ait l’âge requis pour le voyage vers Auschwitz, via Drancy.
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Pour apprécier l’attachement des Juifs de Turquie à la France, il faut une remarque supplémentaire (...) Paradoxalement, c’était aussi la France de l’affaire Dreyfus.
- Un obscur capitaine juif est accusé d’espionnage, estimait-on sur les rives du Bosphore. Personne ne sait s’il est coupable et la France est au bord de la guerre civile ! Presque partout ailleurs dans le monde, le capitaine aurait été fusillé après un procès sommaire, ou pas de procès du tout, et personne n’aurait entendu parler de lui.
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En 1939, dans les mois qui précédèrent la guerre, Marie rendit visite à une amie de la famille, dans le XIème arrondissement de Paris, et lui offrit un petit coquetier en bois peint, décoré à la main. En 2009, sachant que nous allions nous rencontrer, l'amie enfouit le coquetier dans son sac pour me l'offrir. Depuis longtemps, il n'était plus assez présentable pour avoir sa place à table, et les enfants et petits-enfant de cette amie, qui l'ont pourtant beaucoup utilisé, n'avaient aucune raison de lui attacher la moindre importance. Fendillé et délavé comme un bois roulé, le coquetier ne conserve que quelques tâches de couleur dont il est difficile de dire avec certitude ce qu'elle ont pu représenter. Peut-être un papillon. Sur le pied, seul demeure tout à fait reconnaissable un noeud orange souligné de noir, comme on en voit sur les oeufs de Pâques russes.
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Videos de Marcel Cohen (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Marcel Cohen
Jean Frémon La Blancheur de la baleine éditions P.O.L où Jean Frémon tente de dire de quoi et comment est composé son nouveau livre "La Blancheur de la baleine" à l'occasion de sa parution aux éditions P.O.L et où il est notamment question de Michel Leiris, David Hockney, Emmanuel Hocquard, Bernard Noël, Alain Veinstein, Etel Adnan, Louise Bourgeois, Jannis Kounelis, Jacques Dupin, Claude Esteban, Samuel Beckett, Marcel Cohen, Jean- Claude Hemery, Jean- Louis Schefer, David Sylvester, Edmond Jabès à Paris le 2 février 2023
"Ce sont des écrivains, des peintres, des sculpteurs.
Aventuriers de l'impossible. Ce sont des bribes de leurs vies. Tous des chercheurs davantage que des trouveurs. J'ai eu le privilège de les côtoyer. Ce qu'ils poursuivent est ce qui toujours se dérobe. La grâce est une fieffée baleine blanche."
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