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Henri Parisot (Traducteur)Pascal Aquien (Préfacier, etc.)
EAN : 9782714302885
85 pages
José Corti (01/08/1989)
4.21/5   19 notes
Résumé :
Le dit du vieux marin (The Rime of the Ancient Mariner) est une œuvre majeure du romantisme anglais, composée en 1797-1798 par le poète, critique et philosophe Samuel Taylor Coleridge, figure de la première génération romantique en Angleterre, et l'un des trois "Poètes des Lacs" (Lake Poets) avec William Wordsworth et Robert Southey - ainsi nommés parce qu'ils s'étaient tous trois installés dans le Lake District, dans le comté de Cumbrie au nord-ouest de l'Angleterr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
« le Dit du Vieux Marin » (The Rime of the Ancient Mariner), publié en 1798, par Samuel Taylor Coleridge (1772-1834) est une oeuvre majeure du romantisme anglais. A tel point que c'est le numéro 1 de la collection Romantique de José Corti, dans le petit format (16.5 x 12.6) qui caractérise la série, avec des pages non massicotées. Et c'est dans la traduction de Henri Parisot avec une préface de Pascal Aquien (1999, José Corti, 88 p.). Samuel Taylor Coleridge et son ami William Wordsworth, ainsi que les membres de « Lake Poets » ont été les fondateurs du mouvement romantique en Angleterre. Qui n'a pas étudié et appris « Daffodils » de Wordsworth « I Wandered Lonely as a Cloud / That floats on high over vales and hills, / When all at once I saw a crowd, / A host, of golden daffodils; / Beside the lake, beneath the trees, / Fluttering and dancing in the breeze ».
Pour en revenir à Coleridge, le poème du vieux marin reste très scolaire. le bateau est pris dans la tempête « Bientôt il s'éleva une tempête violente, irrésistible. /
Elle nous battit à l'improviste de ses ailes / et nous chassa vers le sud » « La glace de tous côtés arrêtait la vue. / La glace était ici, la glace était là, / la glace était tout alentour ». Avec le calme survient un albatros « Enfin passa un albatros : / il vint à travers le brouillard ; / t comme s'il eût été une âme chrétienne, / nous le saluâmes au nom de Dieu ». le marin tire sur l'oiseau quasi sacré des marins, le tue « C'est qu'avec mon arbalète, je tuai l'albatros », et pour cela, son bateau et son équipage sont considérés comme maudits. le bateau s'égare, l'équipage est condamné à mourir de faim et de soif. « Chaque gosier était desséché et chaque oeil était vitreux / comme celui des morts » Mais le vieux marin ne peut mourir, ayant gardé l'albatros mort pendu à son cou sans qu'il puisse l'arracher. Même avec le repentir, il lui faudra encore errer de par le monde « le navire squelette passa près de notre bord, / et nous vîmes le couple jouant aux dés. / "Le jeu est fini, j'ai gagné, j'ai gagné !" dit Vie-dans-la-Mort ; / et nous l'entendîmes siffler trois fois ». Finalement, le bateau arrive dans une anse que surplombe une église « Chaque corps de marin y était étendu à plat et sans vie, et, / par la sainte Croix ! / un homme lumineux, un homme séraphin / se tenait debout sur chaque cadavre. / Cette troupe de séraphins agitait les mains : / c'était un divin spectacle ! ». le marin continue à errer en racontant son histoire.
« C'était un vieux marin ; / trois jeunes gens passaient, / il en arrêta un ». Ceci dit, je préfère la version originale « It is an Ancient Mariner / And he stoppeth one of Three »

Le poème est suivi par « Kubla Khan » et « Christabel ». le premier est un fragment de rêve qui évoque le grand empereur mongol et sa cité mythique, Xanadu. Kubla Khan (1215-1294), ou Kūbilaï Khān est le petit-fils de Gengis Khan, né l'année de la prise de Pékin par les Mongols. On le connait, surtout par Marco Polo qui a séjourné dix-sept ans à sa cour. Xanadu est le nom donné par Coleridge à Yuan Shangdu (capitale supérieure). Elle a été construite au prix du travail forcé de dizaines de milliers d'esclaves, déjà une préfiguration des Ouigours. Elle est située dans l'actuelle Mongolie-Intérieure, à 275 km au nord de Pékin. Mais il n'en reste que des ruines car la cité fut rasée en 1368 lors de la Révolte des Turbans rouges qui a précipité la chute de la dynastie Yuan et son remplacement par les Ming.
Dans « le Livre des Merveilles » (2004, Hatier, 127 p.) Marco Polo décrit la ville, qu'il appelle « Ciandu ». « Une cité... qui se nomme Ciandu, que le grand Kaan qui actuellement règne fit faire. Et il y a un très beau palais de marbre. Les chambres dedans sont toutes peintes à l'or, à images et à figures de bêtes et d'oiseaux et d'arbres et de fleurs de plusieurs manières si bien et si finement que c'est un plaisir et une merveille à voir. Autour de ce palais il y a des murs qui comprennent 16 milles de terres, où il y a des sources et rivières et assez de belles prairies. Et il y a dedans des bêtes de toutes espèces sauvages, non féroces, que le seigneur y fait mettre et qu'il maintient pour donner à manger aux gerfauts et aux faucons qu'il tient là en cage, qui sont plus de 200 gerfauts sans les faucons ». Il y décrit aussi deux iles, une pour les femmes, l'autre pour les hommes. Il y mange du chameau. C'est assez filandreux, il faut le reconnaître.
Coleridge n'avoue pas que son rêve est peut-être teinté d'opium. le tout interrompu par une visite inopportune, d'où la vision inachevée. Mais le poème comporte un remarquable introduction « Un endroit sauvage ! comme saint et enchanté / Comme toujours sous une lune décroissante était hantée / Par une femme gémissant pour son amant démoniaque ! » (A savage place! as holy and enchanted / As e'er beneath a waning moon was haunted / By woman wailing for her demon-lover!). On a déjà tout le romantisme, noir de préférence, anglais, qui suivra avec Ann Radcliffe et Horace Walpole.

« Christabel » est le poème suivant, fantomatique, aux rythmes répétés et lancinants, et va encore plus vers le roman noir, avec un brin d'érotisme, pur l'époque, puisqu'il s'agit d'« Amours Coupables » entre deux femmes. La jeune Christabel, est partie en pleine nuit prier pour son fiancé, dans la forêt qui entoure le château de son père. Elle rencontre Géraldine, Dame fascinante. le plus inquiétant étant que Géraldine a été abandonnée dans la forêt par des chevaliers qui l'avaient importuné. Christabel ramène Géraldine dans le château de son père et, l'invite à dormir dans sa chambre, et même à partager son lit. Au réveil, c'est le père qui tombe amoureux de Géraldine. Manquerait plus que ce ne soit une goule ou une vampire.
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Lecteur de poésie versifiée hélas peu endurant (Car insuffisamment exercé), l'une des trois pièces de ce recueil m'a pourtant vivement impressionné, sans doute influencé par l'analyse qu'en donnait Borges dans ses "Enquêtes".
"Kubla Khan, or A Vision in a Dream: A Fragment", telle est la version longue de son titre, est un court poème rimé que Coleridge prétendit avoir fiévreusement rédigé au sortir d'un rêve suscité par les vapeurs de l'opium. Interrompu par un visiteur, il laissa sa "vision" inachevée et ne parvint jamais à se remémorer les vers manquants.
Pour cet éminent représentant du romantisme anglais le fait ne pouvait rester longtemps anodin, et son Kubla Khan exerça une vigoureuse attraction sur ses contemporains lettrés qui en retour le commentèrent abondamment.
Sans doute étaient-ils captivés par la prosodie ravageuse de ces vers (Appréciable uniquement dans leur langue d'origine) autant que par le charme incontestablement romantique de sa provenance onirique, écho d'un passé fabuleux vieux de cinq siècles, et dont on ne sait à l'époque guère plus que ce qu'en rapportait Marco Polo dans ses Devisements du Monde, soit une allégorie du pouvoir et de ses ors:

« Ciandu fut bâtie par le grand khan Koubilaï, lequel y fit construire un superbe palais de marbre enrichi d’or. Près de ce palais il y a un parc royal fermé de murailles de toute part, et qui a quinze milles de tour. Dans ce parc il y a des fontaines et des rivières, des prairies et diverses sortes de bêtes, comme cerfs, daims, chevreaux, et des faucons, que l’on entretient pour le plaisir et pour la table du roi, lorsqu’il vient dans la ville. (...) Le Grand Khan demeure là ordinairement pendant trois mois de l’année. »

De fait, Ciandu est le nom que donne l'illustre voyageur vénitien au palais d'été de l'empereur Kubilaï Khan (Shangdu), dans lequel il séjourna en 1275. Dans la version qu'en propose Coleridge, le toponyme acquière une consonance autrement plus pittoresque à nos oreilles:

In Xanadu did Kubla Khan
A stately pleasure-dome decree:
Where Alph, the sacred river, ran
Through caverns measureless to man
Down to a sunless sea

Dès lors, Xanadu siègera aux côtés d'autres fameuses villes mythiques dans l'imaginaire occidental: Atlantide, Babylone, Troie, Bagdad, Cibola et d'autres. Toutes symbolisent des passions humaines, et Orson Wells ne s'y est pas trompé en baptisant du même nom la propriété mirobolante de son citoyen Kane, patronyme par ailleurs équivoque qu'il imposa à son scénariste.
En seconde lecture, Borges suggère une surprenante hérédité spatio-temporelle, qui est la moindre des conjectures que l'on pouvait attendre de l'auteur de "La Bibliothèque de Babel": Au XIVe siècle, Rashid-ed-Din, vizir d'un monarque persan descendant de Koubilaï, rapportait ceci dans son Histoire Générale, qui fut traduite en Europe vingt ans après le rêve de Coleridge:

"À l'est de Shang Tu, Koublaï Khan érigea un palais, d'après un plan qu'il avait vu en songe et qu'il gardait dans sa mémoire."

Un empereur Mongol rêve un palais qu'il fait bâtir, un poète rêve l'oraison qui lui rend justice cinq siècles plus tard.
Les mythes naissent peut être ainsi, et ce voisinage paradoxal suscite de multiples et passionnantes interprétations que Borges résume ainsi:
"Qui sait si un archétype non encore révèlé aux hommes, un objet éternel (…), ne pénètre pas lentement dans le monde? Sa première manifestation fut le palais; la seconde, le poème. Qui les aurait comparés aurait vu qu'ils étaient essentiellement identiques."

La "Collection Romantique" des éditions José Corti a par ailleurs le bon goût de proposer des ouvrages in-quarto non rognés. Compte tenu de l'étrangeté du poème, il n'est ni anodin ni désagréable de devoir couper les feuillets de ce livre scellé pour accéder au texte qui, le temps de cette lecture seulement, n'en devient que plus précieux. Idéalement, une fine dague de la dynastie Yuan devrait être réservée à cet usage. (Alors peut être prendrons-nous la relève du rêve de Coleridge.)
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J'ai acheté cette édition à la librairie Diogène, à Lyon, avant sa fermeture prochaine annoncée. Quel ouvrage ! Quelle splendeur ! Les gravures de Gustave Doré rehaussent l'énigme de ces strophes. On se laisse complètement happer par la double perfection de la poésie et des images. le Dit du Vieux-marin est une des oeuvres phares de l'humanité, et certains de ses personnages (la Vie-dans-la-mort) nous accompagnent longtemps, au gré de cette malédiction marine. un livre à lire et relire, inlassablement.
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Un ouvrage magnifique, servi par des textes admirables et des croquis sublimes. A redécouvrir !
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Un texte assorti de très belles illustrations d'Adam Oehlers. Un véritable livre-objet. Dans les dernières pages du livre, le texte est en version bilingue. Dommage que les éditions Au fond du grenier n'aient pas poursuivi dans leur entreprise. C'est malheureusement le lot de ces petites maisons d'édition.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Le navire squelette passa près de notre bord, et nous vîmes le couple jouant aux dés. "Le jeu est fini, j'ai gagné, j'ai gagné !" dit VIE-DANS-LA-MORT, et nous l'entendîmes siffler trois fois.
The naked hulk alongside came, - And the twain were casting dict; - "The game is done ! I've won ! I've won !" - Quoth she, and whistles thrice.
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Les étoiles pâlirent ; la nuit s'épaissit. Sous cette Lune escortée d'une étoile, sans avoir le temps de gémir ou de soupirer, chacun tourna vers moi un visage plein d'angoisse, et d'un seul regard me maudit.
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Bientôt il s'éleva une tempête violente, irrésistible. /
Elle nous battit à l'improviste de ses ailes / et nous chassa vers le sud » « La glace de tous côtés arrêtait la vue. / La glace était ici, la glace était là, / la glace était tout alentour ». Avec le calme survient un albatros « Enfin passa un albatros : / il vint à travers le brouillard ; / t comme s'il eût été une âme chrétienne, / nous le saluâmes au nom de Dieu
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Enfin passa un albatros : / il vint à travers le brouillard ; / et comme s'il eût été une âme chrétienne, / nous le saluâmes au nom de Dieu
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Day after day, day after day,
We stuck, nor breath nor motion;
As idle as a painted ship
Upon a painted ocean

Jour après jour, jour après jour,
Nous sommes restés en panne; ni souffle ni mouvement;
Aussi inactif qu'un navire peint
Sur un océan peint
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Videos de Samuel Taylor Coleridge (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Samuel Taylor Coleridge
Le mensonge est à la base du contrat de lecture, c'est la « suspension consentie de lecture » théorisée par Coleridge. On croit donc momentanément que ce qu'on lit est vrai. Il y a donc dès le début une relation très ambiguë entre littérature, réalité et vérité.
Dans l'introduction de son recueil de nouvelles "A beau mentir qui vient de loin", François Garde écrit : "Oui, il existe une relation de proportionnalité inverse entre la Vérité et la Distance". le mensonge, pour l'écrivain, serait donc l'équivalent d'un voyage. Voyage physique, voyage intérieur, tout est possible grâce à l'imagination. François Garde invente même une formule mathématique pour théoriser le rapport entre voyage et mensonge : "La constante de la mappemonde". Il explique qu'elle sert "à mesurer le rapport entre distance et vérité".
De l'invention, à l'affabulation, il n'y a qu'un pas. Pourtant, pas de jugement moral dans le projet de Laurent Gaudé. Mentir permet aussi de dire le vrai, de percer la carapace de la réalité pour en révéler toute la vérité. C'est le rôle du "Grand Menteur" de l'écrivain.
Bien ou mal intentionné, raisonnable ou fou, manipulateur ou sincère, le menteur façonne le mensonge à l'aide de mots. Il construit un monde. Tout comme l'écrivain.
Olivia Gesbert invite à sa table ces deux écrivains, François Garde et Laurent Gaudé pour parler du mensonge à travers leurs derniers livres.
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Prenez place à La Grande Table pour rencontrer d'autres personnalités qui font l'actualité de la culture, ici https://www.youtube.com/playlist?list=PLKpTasoeXDrpsBVAaqJ_sANguhpPukaiT ou sur le site https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-1ere-partie
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