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EAN : 9782847201161
156 pages
Gaïa (06/03/2008)
3.68/5   17 notes
Résumé :
Quatre voix qui témoignent de l'horreur. Une victime et trois bourreaux. Quatre archanges, messagers de leurs destins à jamais liés.
Esdras est un clochard qui fait le singe sur un banc public à Nice. Le Duc est en taule, réduit à un tronc, quelque part dans le nord de l'Europe. Le Fils est mort, assassiné dans un train qui fuyait Zagreb. Et puis il y a Senka, la jeune fille de 13 ans, la fille-fantôme, «l'Ombre», comme le signifie aussi ce prénom serbo-croat... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Archanges est une succession de monologues. Quatre voix témoignent de l'horreur de la guerre en ex-Yougoslavie. Trois bourreaux et une victime. Deux vivants et deux morts. le premier a sévi en Bosnie. Il s'appelle Esdras. Ses compagnons d'armes le considéraient comme un poète. C'était aussi et surtout un tueur implacable, grisé par le mauvais alcool, qui aimait couper les oreilles de ses victimes après les avoir violées. Aujourd'hui c'est un clodo qui vit dans un parc, à Nice. Ses journées sont toujours les mêmes : « Je bois et je pue. Et j'invente mes poèmes et je pense aux femmes. » Son état physique est déplorable, il se sait condamné, il veut juste qu'on le laisse tranquille. La guerre, il y pense avec nostalgie et il ne regrette rien, à part la défaite.

Le second était surnommé le duc. C'était le meilleur ami d'Esdras. Un officier d'une effroyable cruauté qui menait ses troupes d'une main de fer. Il se déplaçait avec un chien monstrueux portant un collier fait avec des yeux humains. Ce gars était une légende. On a écrit des chansons sur lui. Une bombe lui a ôté les bras et les jambes. Pour cela que maintenant on l'appelle le tronc. Il a été arrêté et emprisonné. C'est un maton qui vient le nourrir tous les jours. Au biberon. Pour passer le temps, il n'a plus que ses souvenirs. Les villages pillés, les hommes et les femmes tués de la pire des façons, les jeunes filles torturées avant d'être violées. L'âge d'or de son armée, avant la défaite.

La troisième est Senka, une jeune fille qui a subi les assauts de ces ordures. Elle avait 13 ans. C'est un ange qui erre dans un paradis où tout lui semble être un enfer : « Dieu existe et c'est un chien. » Elle vient régulièrement hanter les nuits d'Esdras. Pas pour se venger. Juste parce qu'il faut que son bourreau ne l'oublie jamais car elle sait que l'on meurt deux fois : « La première fois physiquement, et la deuxième fois quand il n'y a plus personne sur cette terre qui puisse se souvenir de vous. Et moi, je suis toute seule. Et si on m'oublie, on oublie aussi le crime. C'est pourquoi j'espère qu'il vivra encore longtemps, ce vieux salaud. »

Le quatrième est le fils du tronc, il accompagnait son père sur le terrain de ses « exploits ». Lui aussi est mort. Égorgé dans un train, bien après la guerre. Il porte à son tour un regard nostalgique sur les heures glorieuses du conflit : « Tout était si facile. La guerre n'était qu'une rigolade, une camaraderie, on flinguait un peu, et on sautait tout ce qui bougeait. On libérait enfin, cinq siècles après, toute notre terre, une ville après l'autre, et le soir on fêtait ça comme il faut. » Il est aussi le plus lucide des quatre : « Et puis merde, voilà, si l'on regarde bien, n'importe quelle tragédie peut devenir une farce. N'importe quelle victime n'est qu'un bourreau raté ; vous aussi, vous êtes tous coupables, parce que vous étiez témoins. »

Archanges, c'est le requiem des vaincus. Un texte d'une rare dureté. La guerre est montrée dans toute son horreur, sans apologie. Les mots sont durs, crus, lyriques ou poétiques. Ils claquent, ils sonnent et laissent groggy. Ces voix résonnent et bousculent, elles dérangent et vous mettent mal à l'aise. La quatrième de couverture parle d' « une parabole tourmentée pour faire acte de mémoire. » Pas mieux.

Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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La première chose qui nous frappe dans ce récit - des premières lignes jusqu'à la dernière, et même bien après - c'est la violence. La violence des faits qui sont relatés, mais aussi la manière dont ils sont racontés : sans la moindre compassion, ni la moindre poésie. le langage est très cru et très vulgaire. Bref, rien qu'avec ces aspects, on peut dire que c'est un livre qui vous prend à la gorge et aux tripes.

J'ai fait 'expérience de le prêter, et beaucoup n'ont pas pu aller au bout tant ils étaient gênés par le contenu et la façon dont il est exposé.

En même temps, il me semble que ces choix narratifs permettent de brosser un portrait plus justes des personnages du livre. Pour moi, ce livre est un énorme tour de force de par la justesse de ses voix et de toute la réflexion philosophique qu'il nous offre sur la guerre, le monde du 20ème siècle, la justice... et bien d'autres sujets. de plus c'est le 1er roman que l'auteur a écrit directement en français, détail qui mérite d'être soulevé - car pour quelqu'un qui n'y a pas été habitué, je trouve que le roman a été bien écrit.

Ces 4 voix, et ces 4 personnages nous offrent 4 visages différents de la Guerre. En même temps que cette pauvre jeune fille, nous, lecteur, perdons aussi une certaine forme de candeur et d'innocence. Senka représente aussi (à mon avis) l'âme d'un pays qui a été volée - puisqu'on voit bien même aujourd'hui que la reconstruction est difficile.
Tous les êtres humains cités dans le récit sont déshumanisés : par le langage qu'ils utilisent et les actes qu'ils commettent, mais pas seulement. Tout commence même avec leur nom : aucun n'a de "vrai" nom, tous sont affublés de surnoms tous aussi peu flatteurs les uns que les autres, les reléguant au statut d'animal ou les limitant à une position hiérarchique (qui va du fils à la pute en passant par le duc).
Ces procédés - à mon sens - permettent de donner toute sa dimension horrible, sadique et cynique à cette guerre de la fin du 20ème siècle dont on parle encore peu aujourd'hui malgré toutes les atrocités qui ont été commises (dont beaucoup restent encore impunies). Aucun personnage, même le plus odieux, ne ressort indemne de cette expérience. Pas même le lecteur...

Archanges est un cri de douleur atroce dont l'horreur nous poursuit longtemps après la lecture. Un témoignage pour le devoir de mémoire, contre l'oubli de tous ces crimes et de toutes ces victimes qui ne sont plus aujourd'hui que des "ombres" ou des "murmures sur les lèvres de (leurs) assassins"...
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Jamais un roman de Velibor Čolić ne m'avait laissée aussi dubitative...

"Archanges" donne la parole à quatre personnages, liés par l'ignominie que trois d'entre eux ont fait subir au quatrième, pendant la guerre de Yougoslavie.

Les deux premiers sont toujours vivants. Esdras est sans-abri à Nice. Cet homme surnommé en son temps "le Pinochet des Balkans", termine son existence malade, alcoolique, ignoré du monde, mais accompagné de l'obsédant fantôme de Senka, adolescente qu'il a violée, mutilée, tuée. L'ombre de sa victime lui parle, s'installe sur ses genoux, lui jetant des regards plus gênants qu'accusateurs.

On sent Esdras investi d'une sorte de folie discrète, intérieure, qui le fait divaguer. Il ressasse les mêmes souvenirs, son esprit tournant en boucle autour des mêmes événements. Il imagine se transformer en singe. Il décrit les détails du crime avec un réalisme cru et une précision insupportables, évoquant les fluides corporels des bourreaux et de la victime se mêlant, jouissance inacceptable contre innocence pulvérisée dans une souffrance indicible. Il n'exprime en revanche aucun remords, Senka semble le hanter indépendamment de toute culpabilité, comme à l'insu de sa conscience. Esdras est aussi poète, un érudit admirateur de Baudelaire ou Borges, particularité qui exhausse le dégoût qu'il inspire au lecteur, qui provoque même une forme de déni, face à l'éventualité qu'une telle brute peut ne pas être que monstrueuse.

Vladislav, surnommé "Le Duc", puis "Le tronc", depuis qu'un obus l'a laissé sans membres, ami de Esdras, croupit quant à lui dans la cellule d'une prison que l'on devine située dans le nord de l'Europe. Seul, abandonné, il y subit un triple enfer : celui de la défaite, de l'immobilité et de l'insomnie. Un enfer que l'on juge bien doux au regard des exactions commises par cette légende aussi sanguinaire que son compère, qui formait avec son chien Koren, porteur d'un collier constitué d'yeux humains, un duo inspirant la terreur.

Les témoignages de deux défunts suivent ensuite : ceux de Senka et de Belgrade, l'un des fils de Vladislav, qui a également participé au calvaire de l'adolescente. Tous deux se retrouvent dans les mêmes limbes, où ils errent parmi des ombres. Et comme pour démentir la possibilité d'un paradis accueillant le repos des martyrs, Senka en est encore à y subir pelotages et fellations forcées au bénéfice de son tortionnaire, qu'elle surnomme"Jésus Tzigane".

Velibor Čolić nous livre avec "Archanges" un récit difficile, dont la lecture provoque malaise et dégoût, qui exprime la barbarie dans son insoutenable crudité, dans son ignoble absurdité. La dimension géopolitique ou idéologique de la guerre est reléguée en toile de fond, occultée au profit de la sauvagerie qu'elle génère ou à laquelle elle sert de prétexte. C'est un roman plombant, horrible de bout en bout, dénué de l'humour qui permet habituellement à l'auteur de considérer même les pires maux du monde avec dérision. Et puis, j'ai eu du mal avec la deuxième partie, et les propos par moments délirants des deux personnages défunts, que j'ai trouvés obscurs, confus.

Un roman fort, donc, mais auquel j'ai eu bien du mal à adhérer...
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Si vous trouviez que la trilogie de Beckett (Molloy, Malone meurt, L'Innommable) est trop longue et trop abstraite, vous avez ici un condensé. Tout l'effroi d'une sale #guerre, de la lente et inexorable chute, décrépitude, perte d'humanité des #bourreaux et des #victimes. Qu'est-ce que l'enfer, qu'est-ce que le paradis, qu'est-ce que la #culpabilité ? le lecteur est happé dans le tourbillon de #désespoir et de crasse morale. Car c'est de cela qu'il s'agit, une lourde gangrène rampante, le spectre de la guerre de #Bosnie qui hante à mort, au sens propre, les protagonistes qu'ils aient commis les abjectes exactions décrites ou qu'elle soit l'ombre de la victime. Ce récit a la force d'une légende : une innocence pour toutes les innocences, un commandant fou et sanguinaire, un poète alcoolique, un fils en manque de reconnaissance, autant de visages de l'inhumain. Pour ceux qui cherchent un contexte, une explication, sur la guerre de Bosnie, passez votre chemin. Car cette guerre pourrait être n'importe laquelle : pourquoi des gens en sont arrivés à massacrer systématiquement d'autres gens ? Cela n'est pas le sujet. La question est comment leur âme en est arrivée là, pour ne jamais en revenir ? Chaque personnage est un archange de la mort, un archétype d'une forme de déchéance, personne n'en ressortira innocent, même pas, surtout pas le lecteur… comme l'auteur le répète « nous sommes tous coupables, puisque témoins. »
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Un très bon livre qui pour une fois ne donne pas qu un seul point de vue mais aux contraire va voir plus loin le conflit d'ex-Yougoslavie. On y rencontre tous les partis et leur point de vue. Celui de Senka la fillette décédée victime civile tuée par la bestialité la haine et l'idiotie humaine. On a le croate un soldat qui n'a pas eu le choix et que cela tue mentalement et physiquement. Enfin le serbe et son chien avec la collection d oreilles y sont pointés du doigt. Il est l incarnation du mal, l agresseur rempli de haine... le diable personnifie certes mais enrôlé dans cette guerre n y est il pas aussi une victime?? Pourtant sa mort est une délivrance et rend justice aux nations martyrisées par ses crimes
Ce livre vu par 4 voix est très dur mais il permet dans ses mots crus de comprendre à quel point la guerre ne fait que des victimes aucun héros et ne sème que de la souffrance et des larmes sur son passage
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Je vis en trois lieux, dans le passé, dans le présent et dans l'avenir, et je suis malheureux dès que l'un des trois ne vaut rien. la religion en a même ajouté un quatrième : l'éternité.
Le bon Dieu que j'aimais jadis a oublié de quelle eau et de quelle terre je suis fait. Le bon Dieu que je tenais par la barbe m'a pris par les couilles et il les a serrées comme il faut, bien fort. Comme ça, j'ai perdu guerre et pays, mes prix littéraires, le printemps et l'été ; comme ça j'ai paumé Rimbaud et Verlaine. Maintenant, je sais tout sur tout, mais on se fout de mon avis. Un vieux pochetron qui cogite sur le temps, tu parles. Et voilà, quoi dire encore. Il n'y a pas, finalement, qu'un seul dieu et qu'un seul livre. Idem pour la vérité. Nul homme ne peut se vanter d'avoir vu son propre dos. Le miroir, ça ne pas ces trucs-là. C'est une pure arnaque, le miroir, je vous jure.
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... et voilà, je pense que je vais m'arrêter là. Je m'éteins un peu plus chaque jour. Une écume. Je fonds comme un bonhomme de neige giflé par le vent du sud. Rien que l'âme, et encore...
Une plume, la petite lueur d'une bougie pathétique, déposée, comme oubliée dans les ténèbres denses de la mémoire.
Je ne suis plus rien.
Sinon, un beau murmure sur les lèvres de mon assassin.
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Allez mon vieux, pense à moi. Ne m'oublie pas. Si tu m'oublies, je n'existe plus
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Et puis, merde, depuis quand les vainqueurs doivent-ils s'expliquer? Depuis quand? Et c'est quoi, ce tribunal de merde? Les tragédies qui se répètent peuvent devenir des farces. L'homme est pire qu'un chien ou un âne, l'homme n'est qu'une grimace sur le visage de Dieu. Un singe qui a mal tourné.
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Je sais, en fait, qu'on meurt deux fois. La première fois physiquement, et la deuxième fois, quand il n'y a plus personne sur cette terre qui puisse se souvenir de nous. Et moi, je suis toute seule. Je suis la victime et, si on m'oublie, on oublie aussi le crime. C'est pourquoi j'espère qu'il vivra encore longtemps, ce vieux salaud.
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