Comment vont évoluer les conditions climatiques sur Roland-Garros cet après-midi ? Quelle sera la température de la piste n°2 à l'atterrissage à Zaventem ? Faut-il rentrer les plantes de la terrasse à cause de la tempête annoncée ? Et notre séjour à la côte sera-t-il ensoleillé ?
Je suis parmi les nombreux qui s'intéressent aux moyens désormais très pointus mis en oeuvre pour répondre à nos questions sur le temps qu'il fait et qu'il fera, souvent à l'affût des images satellite/radar et courbes/graphiques de température sur le site de l'IRM (Institut Royal de Météorologie) de Belgique. Ce livre sur les métiers et techniques de la météorologie est pour moi.
Rédigé par deux météorologues français,
Joël Collado et
Jean-Christophe Vincendon (Météo France), il constitue un ouvrage complet d'initiation à la science des prévisions climatiques. Dans les premières parties sont documentées l'histoire de son développement depuis l'Antiquité et l'évolution des appareils utilisés par les spécialistes. Puis vient la présentation des méthodes prévisionnelles, avec les différents modèles numériques rendus de plus en plus efficaces par les développements de l'informatique (certains calculateurs vont jusqu'à réaliser dix millions de milliards d'opérations à la seconde). Aperçu bien distinct des procédures différentes selon la durée du scénario envisagé, d'une heure à un mois. Insistance sur la notion de prévisibilité qui dépend de la taille du phénomène : plus celui-ci est grand, plus il dure, ce qui influence les fourchettes des prévisions. Tandis que les théories probabilistes n'entrent en jeu qu'à partir de prévisions au-delà de quatre jours.
Il ressort des explications proposées que si le calcul automatisé sur les nombreuses données collectées permet des prévisions fiables à court terme (un ou deux jours maximum), le rôle joué par les prévisionnistes devient essentiel au-delà, car il convient alors d'expertiser les résultats des différents "runs" des modèles pour établir une prévision cohérente.
Compte tenu du niveau de pointe de Météo France, ce livre a des références de choix, même si de nos jours la collaboration internationale est un élément-clé de la qualité des prévisions climatiques (le meilleur modèle de prévisions au monde serait celui du Centre Européen de Prévision – CEPMMT – basé à reading en Grande-Bretagne).
L'album est présenté en grand format (A4), solidement cartonné, très bien relié, papier épais agréable, presque satiné. On ne regrette que l'absence d'un index précis qui lui conférerait la qualité d'un ouvrage de référence. Toutes les explications souhaitables y sont, c'est un ouvrage complet, mais il peut s'avérer compliqué, a posteriori, de retrouver, parmi les 168 pages, des notions fondamentales telles que, par exemple, le sens de rotation des cyclones et anticyclones dans les hémisphères ou les différences entre deux modèles prévisionnels tels que AROME et ARPEGE. Il faut insister sur la qualité des illustrations diversifiées, photos historiques ou actuelles, schémas et cartes. Vous trouverez notamment une reproduction de la carte météo du 6 juin 1944 à sept heures du matin. Ou encore les cartes du suivi détaillé de la tempête Qumeira qui a touché les côtes bretonnes les 6-7 février 2014.
Étonnement en découvrant une reproduction des aquarelles du ciel qu'André
Des Gachons (1871-1951) envoyait régulièrement au bureau central de météorologie en tant que correspondant attitré, assorties d'observations de température et de pression. Rappelons qu'il fut illustrateur des oeuvres de
Flaubert,
Verlaine et
Théophile Gautier.
Étonnement encore devant la convention ENMOD. Lors de la guerre froide, les grands blocs ont exploré les possibilités d'influer la météo à des fins militaires. Ainsi durant la guerre du Vietnam, le projet "Popeye " mené aux États-Unis avait pour but de prolonger la mousson par l'ensemencement des nuages avec de l'iodure d'argent afin de gêner la logistique ennemie. En 1978, l'ONU adopte ce traité qui interdit les techniques de modification de l'environnement à des fins hostiles. Il comptait 76 États parties en février 2015, dont 48 signataires.
Les dictons populaires ne sont pas oubliés : "Prudence ! Ils ne sont pas tous fondés sur l'observation et l'expérience", insistent les auteurs.
"En lune rousse, rien ne pousse" est plutôt infirmé : la lune rousse est la lunaison après Pâques où le gel roussit les jeunes feuilles et premiers bourgeons. Rien à voir avec la couleur de l'astre. Par contre "Soleil rouge au couchant annonce du soleil au levant" est souvent vrai, car l'horizon apparaît rouge au crépuscule lorsque l'atmosphère est sèche, mais gris quand elle est humide. Or nos perturbations d'Europe viennent la plupart du temps de l'ouest, où se couche le soleil.
Ce livre séduisant et soigné comblera les attentes d'un public de tous âges, curieux d'être correctement au fait de la science météorologique, de son évolution et de ses limites. Écoutez l'entretien radiophonique des auteurs dans La tête au carré (France-Inter).
Mes cordiaux remerciements aux Nouvelles Éditions Loubatières et à Babelio (opération Masse Critique) qui m'ont généreusement permis d'en disposer.
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