Rien que la maquette de ce numéro 196 de la revue Dada est en soi une promesse, avec en couverture L'Ange du foyer ou le Triomphe du surréalisme, par le peintre allemand
Max Ernst, représentant un monstre prenant plaisir à détruire. Tableau qui résume par ailleurs très bien l'ambivalence des monstres : ils peuvent être horribles physiquement et/ou moralement. Notons, au passage, des choix iconographiques aussi riches que pertinents pour illustrer la série d'articles, le but affiché de la revue étant de faire découvrir l'Art.
Avec des explications simples, et pourtant pas simplistes, la revue Dada offre ainsi une plongée dans ce bestiaire fantastique commun à toutes les cultures et qui relève d'éléments bien plus complexes que le seul but d'effrayer. Car les monstres sont multiples…comme les hommes.
Ce numéro de la revue envisage ainsi les monstres dans toute leur acception, jusqu'à Joseph Merrick, entré dans l'Histoire en tant qu'Elephant Man – monstre seulement d'apparence. Idem pour ces
créatures de contes de fées, peu ragoûtantes, mais qui s'avèrent bien plus humaines, moralement, que des individus « bon teint ».
La différence de perception du monstre, selon les latitudes, est aussi évoquée: un dragon n'est pas apprécié pareillement en Chine, où il est bienveillant, qu'en Europe, où il symbolise le Mal.
Avec le temps, les monstres évoluent ; ils deviennent même héroïques tandis qu'autrefois ils étaient le défi – la proie ? – du héros, lequel prouvait sa valeur en les combattant. Mais surtout, à partir de la découverte du continent de l'inconscient par un certain
Freud, l'homme réalise que son cerveau est une grande fabrique de monstres, ce dont les artistes s'empareront, particulièrement les surréalistes. Car les monstres cristallisent nos angoisses : ils en sont la représentation, comme Marianne figure la République par exemple. Et à chaque époque ses monstres.
Un abécédaire, judicieusement rebaptisé ABCD'Art, vient compléter le dossier, ainsi que des travaux pratiques pour fabriquer son propre monstre. Puis, un petit coup de projecteur est donné sur un peintre hollandais qui avait la particularité d'être muet (Avercamp). Enfin, des informations sur quelques récentes expositions et publications complètent ce numéro, qui me fait dire que tout n'est pas perdu s'il existe encore des revues comme Dada pour éveiller les jeunes têtes à la curiosité non abrutissante !
(PS : je remercie Babelio, via Masse critique, ainsi la rédaction de la revue Dada pour m'avoir offert ce numéro)