Emmanuelle, je me permets de t'appeler ainsi, non que je te connaisse, mais ton parfum me semble si familier. Je pourrais croire t'avoir croisée dans un champ de blés murs, tu y serais pieds nus et les cheveux défaits, offerte aux mélodies du vent … en partance
Ce recueil est notre rencontre.
Elle sera douce et délicate.
S'il est vrai que dans la poésie je préfère l'intense, le feu qui consume, le pourpre, l'incandescence, les mots qui fouettent les sens, je n'en aime pas moins celle, plus silencieuse, pastelle, qui m'amène à des vibrations plus subtiles. le bouleversement est différent, mais tout aussi saisissant.
On peut aimer les frasques d'une mer déchainée pour ce qu'elle soulève ou arrache, on peut aussi se fasciner des langueurs d'un océan immobile !
Toi, tu es dans cette rêverie là, la plus paisible, celle légère du souffle :
« se laisser choir
et se coucher dans la lente agonie des feuilles mortes
puis respirer »
Ta poésie est ronde, évanescente, il y a quelque chose d'épidermique à te lire, de sensuel sans aller jusqu'au charnel, tu survoles sans toucher, tu déposes les mots sur le velours d'une page comme une caresse lointaine :
« C'est plus près de la peau que la phrase commence
C'est sur le derme doux de termes riches et rares
Que s'accrochent les verbes rayonnants et soyeux »
« Ce qu'on aime toucher d'une main très experte
La poudre de ses doigts sur la soie de sa veste
La myrrhe des nids chauds dans leur soif étonnante »
« Intempéries »,
le rythme lent des jours et des saisons qui passent et qui n'en finissent pas de passer, le pli des rides de l'été, ta vie de femme dans les terreaux d'automne, aux crochets des mémoires, mélancolique,
« Intempéries »,
enchâssée dans l'hiver pâle du quotidien, ta vie de femme « silence » à l'affut de petits bonheurs soudains (un chant d'oiseau, un enfant qui fredonne …), ta vie de femme « pluvieuse » qui voudrait l'éclaircie, les couleurs chaudes, les moments vibrants, les horizons plus vastes :
« Partir loin,
Plus loin que les pupilles que dilate l'espace
Plus loin que les regards de cet été pluvieux »
Manque / Absence / Vide / Silence /Attente :
« Comment leurrer la mort sous un ciel si flétri »
Tes poèmes sans nom (mais en ont-ils besoin ?) ont ce goût d'amertume …
Et ce questionnement permanent : comment remplir la page, gourmande de tes mots ?
Comment la remplir juste ?
Car c'est bien là, dans la rondeur des phrases, que tu t'éclaires et que tu te redresses !
Ta Vie, à toi, c'est ce papier blanc, ce papier de neige, où tu peux déposer, avide, tes langueurs et tes rêves.
« Demain nous partirons vers des outres remplies de lumière et de miel
Tu n'auras pas le temps de compter les moments
Et les sels marins berceront de leurs vagues la courbe de nos reins »
J'ai aimé te lire et écouter ta voix, m'imprégner des silences.
Demain se lèvera encore aux « yeux mouillés de l'aube », et toi tu seras là – encore - dans la buée des jours, avec ton encre noire, les lèvres souriantes, à chercher l'évasion …
« des blés murs et dorés qui poussent dans les rues
de l'effluve des mers au nom vert exotique
des pistes d'un langage aux agrumes bleutés »
Libre.
Merci à Babélio et aux Editions Atelier de l'Agneau pour cette rencontre poétique appréciée.
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C’est plus près de la peau que la phrase commence
C’est sur le derme doux de termes riches et rares
Que s’accrochent les verbes rayonnants et soyeux
Pourquoi chercher ailleurs les pistes du langage
C’est plus près de la main que parle la conscience
Caressant le matin de sa paume lucide
Elle s’empare d’une ombre à l’ombre trop gracile
Du fourreau des nuages
Des tisons des rivières
Du manteau de nos rêves.
ne pas se laisser prendre à l’obscurité froide de
contrées sans saisons
et trouver dans le pli des rides de l’été
le foin fumant et chaud
mais que fait-on ce soir
a-t-on fait à manger
la table est-elle mise
le service attendu à l’heure bien précise
il ne faudrait pas rire de choses aussi graves
demain se lèvera aux yeux mouillés de l’aube