Le goût de Kyoto c'est la quintessence du Japon.
J'ai commencé mon voyage, un mois avant de partir, avec ce livret. En finissant de le lire quelques heures après mon retour.
Une incursion japonaise se prépare. Par son aspect pratique bien sûr, mais aussi par sa matière spirituelle.
Je ne cherche pas à suivre la même orientation mystique. En revanche, je souhaite y trouver mes propres sensations basées sur la connaissance de l'autre.
Grâce à ce recueil initiatique où poésie, fables et nouvelles sont enrichies par l'appréciation de l'auteur, j'ai pu faire preuve d'une meilleure observation à la rencontre de cette région. Certains passages peuvent paraître naïfs, et c'est avec un grand respect que j'envisage notre différence. J'aurais juste attendu de
Allen S. Weiss davantage d'anecdotes personnelles, basées sur son expérience, au-delà de sa culture élancée qui propose un ensemble de textes choisi avec affection. Avec sa gueule à faire rosir les joues d'une belle-mère, j'espérais plus de profondeur et de générosité.
J'y ai constitué un goût de Kyoto très intime.
Kyoto, havre de paix, m'a accueillie avec beaucoup de délicatesse.
Kyoto est faite de rencontres, de regards, de sourires, de contrastes, d'excès, de sons, de gestes raffinés, de saveurs délicates, d'effluves herbacées, de couleurs vives, de remerciements et de salutations.
Le Japon est gorgé de codes.
Les japonais aiment leurs touristes et viennent spontanément vous demander si vous avez besoin d'aide. Je me suis vue accompagner au métro par une étudiante qui s'exprimait dans un anglais parfait. Je lui ai dit, elle était enjouée !
Ce type de situations est fréquent au Japon. En revanche, il n'y a qu'en ville où l'anglais est fluide pour vous faciliter le parcours. À la campagne, c'est déjà beaucoup plus compliqué.
Des échanges, avec les serveurs, dans les restaurants, dans les bars. Concentrés sur leur tâche, ils ne manqueront pas de vérifier avec tact et discrétion si vous ne manquez de rien.
Un serveur qui m'observe du coin de l'oeil, droit comme un i, et qui finit par me demander ce que j'écris. Je lui parle de Babelio, lui explique. Ah, oh ! J'ai senti un grand enthousiasme.
Le compliment d'un homme japonais à ma gauche dans un des meilleurs établissements de la ville, pour me féliciter sur mon port de baguettes.
Des lèvres qui dessinent un léger sourire avec un hochement de tête élégant, pour vous saluer et vous remercier d'apprécier leur culture. de la bienséance.
Des saveurs inégalables à vous parfumer le palais pour la nuit des temps. Un feu d'artifice de matières généreuses qui vous explosent en bouche. Des yeux qui pétillent par tant de beauté et de charme. Kyoto c'est le caviar du Japon.
Une pause entourée de chats à la sortie d'un temple. Une chatte qui se faufile dans mes jambes et ronronne. Un matou blessé qui me crache dans le doute, puis se confond en clignements de paupières et me contemple avec douceur.
Assise au sol avec eux le temps d'une rencontre.
Cinq minutes aux côtés d'une Geisha qui engloutit une huître mutante deux fois plus grosse que la numéro 1 de nos côtes françaises. Son pied qui me frôle pendant que je déguste un oursin sur le marché.
Des jeunes filles qui portent la chaussette en ballerines, en sandalettes ou en tennis. Des chaussettes colorées, couturées de dentelle, d'étoffe transparente, de broderie, de pompons et égayées de dessins.
En contraste avec des femmes et des hommes Rock'n'roll, lookés "gothique" à l'extravagance, à rendre jalouse Nina Hagen et à faire suffoquer
Marilyn Manson.
De la discipline, les uns derrière les autres, à l'entrée d'un bus, d'un escalator, au passage piéton, à la sortie du métro. de la courtoisie. Mais aussi de la soumission aux règles qui laisse peu de place à la spontanéité.
Des arbres sonores, des branches qui frétillent, des oiseaux qui vous étourdissent par leur chant perçant. Des animaux et des fleurs qui vivent autour de vous.
Des points d'eau pour la purification avant la prière. Les japonais sont une grande source d'inspiration.
Regardez-les vivre et agir. Puis osez. Écoutez, ouvrez les yeux, respirez, vous êtes au Japon.
Un photographe sur le marché, accompagné de sa douce, appréciant un repas de sashimis sur la même rangée que moi.
Il me demande élégamment s'il peut me prendre en photo. Il sourit. Il revient cinq minutes plus tard, en me disant : "look, you are so beautiful".... Who ? Me ?
Sa jeune et ravissante compagne qui laisse échapper une petite larme quand je découvre le cliché. de ma vie, c'est la plus belle photo que j'ai de moi. Un cadrage parfait, une distance absolue, le flou d'un arrière plan toute en finesse, une netteté centrale irréprochable. Et surtout, il a réussi à capter une âme, une présence, la paix intérieure qui m'est si chère. Je ne savais pas que j'avais un si joli sourire. Il m'a envoyé sa prise sur mon adresse mail avant de me saluer pour s'éclipser.
A Kyoto, je me suis sentie être humain, avant d'être une femme. Je suis femme dans les bras de mon amant. En public, le genre devrait s'effacer au profit du respect.
Kyoto, such a beautiful angel. With love. Celine-Ludmilla.
Lu du 31 juillet au 5 septembre 2019.