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EAN : 9782889010790
159 pages
Editions Antipodes (21/11/2012)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Les métiers de service, qui impliquent une interaction entre un·e prestataire et un·e bénéficiaire, représentent aujourd'hui la forme majoritaire d'emploi dans les sociétés occidentales, surtout chez les femmes. La dimension relationnelle des métiers de service constitue un objet d'étude privilégié pour appréhender ces emplois, en comparaison à ceux de l’industrie, plus masculinisés.
Mais les métiers de service sont-ils vraiment plus «relationnels» que les au... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Le caractère relationnel du travail au miroir des rapports sociaux de sexe

« L'assimilation du relationnel au travail féminin déqualifié, et l'absence de cette dimension dans les analyses des métiers les plus prestigieux, nous paraissent constituer un enjeu majeur pour les recherches féministes sur le travail ».

Les auteures de l'édito soulignent que « tout se passe comme si les chercheur-e-s ne voyaient du relationnel que là où elles et ils voient des femmes, de surcroît dans des métiers à faible statut social ». Il y a en fait un biais sexué dans les manières d'aborder de telles analyses. Se poser toujours la question de ce biais est une nécessité. « Dénaturaliser le regard porté sur les métiers de service ouvre des portes concrètes de (re)valorisation des activités professionnelles exercées majoritairement par les femmes. »

De ce point de vue, les analyses présentées sont très éclairantes, que cela soit celle d'une profession mixte, les kinésithérapeutes (physiothérapeutes en Suisse), ou la comparaison des métiers d'auxiliaire de puériculture en crèche, de contrôleur de train et de surveillant de prison.

Les auteures font ressortir, entre autres, les asymétries dans la valorisation ou la dévalorisation de tâches, des conditions de travail ; les « illusions » égalitaires faisant « abstraction des discriminations objectives » (Ainsi par exemple : la naturalisation des comportements des patient-e-s (pour les kinésithérapeutes) alors que les comportements sont construits socialement, sont genrés) ; ou la dissimulation des dimensions matérielles du travail, jugé peu valorisant (voir le beau chapitre « »L'usine à couches » ou la face cachée du travail de prise en charge des jeunes enfants »).

Si les kinésithérapeutes développent un discours individualiste et égalitaire, celui-ci est « idéaliste, puisqu'il ignore des conditions de vie sexuées, forcément structurantes et contraignantes », dans les autres professions traitées, il y a à la fois « occultation du matériel dans les métiers de service peu qualifiés féminins » et « occultation du relationnel das les métiers masculins ».

Contre un premier regard, une première lecture a-genrée, il convient de reprendre les analyses, car « S'en tenir à un examen éloigné de la distribution des femmes et des hommes entre divers métiers, sans ouvrir la boîte noire de ce que recouvrent, par exemple, les catégories officielles de métiers de l'ordre ou de métiers du soin, fait courir le risque de reconduire des stéréotypes de genre, telle l'assimilation du relationnel au féminin ».

Au delà de la terminologie (voir remarque en fin de note), les questionnements autour de la « difficile articulation entre proximité de genre et distance de classe » dans le cas des assistantes sociales me paraissent indispensables.

Ces analyses de métiers de service soulignent l'enjeu d'une lecture n'occultant pas la division genrée, dépassant les lectures d'habitudes ou naturalisantes.

Outre le dossier, j'ai particulièrement particulièrement apprécié l'article de Laura Corradi : « Feminist Semiotics. Pour une sociologie politique du cul féminin dans les publicités italiennes » qui analyse « sous l'angle de la politique du regard masculin » des affiches publicitaires « utilisant » le cul des femmes. Regards d'hommes, goût masculin, lutte contre les signes de vieillissements, dictature de la beauté, disponibilité affichée, naturalisation et artificialité, vulgarité d'une présentation comme « un quadrupède à posséder », affichage du pouvoir, etc. « le cul féminin est une construction sociale ». L'auteure indique que les éléments présentés aident à comprendre « la manière dont la construction sociale du sexe inférieur passe aussi par le postérieur à travers une colonisation progressive et en crescendo des parties intimes des femmes ».

Sur la dictature de la beauté, en complément possible, l'ouvrage de Mona Cholet : Beauté fatale. Les nouveaux visages d'une aliénation féminine (Zones 2012) L'omniprésence de modèles inatteignables enferme nombre de femmes dans la haine d'elles-mêmes

Sur le sexisme publicitaire, en complément possible, Sophie Pietrucci, Chris Vientiane et Aude Vincent : Contre les publicités sexistes (Editions L'Échappée 2012) Quand vous tendez un piège à la souris, il faut toujours laisser la place pour la souris

Parmi, les autres articles, je souligne le compte-rendu de lecture de Marianne Modak, sur le livre de Caroline Ibos : Qui gardera nos enfants ? Les nounous et les mères

Une fois encore, un riche numéro, illustrant l'apport des analyses faites au prisme du féminisme.

Une remarque, l'utilisation de la notion de « classe moyenne » pour parler de certains salarié-e-s, aux revenus suffisants pour employer du personnel pour le travail domestique, y compris dans les relations aux enfants, demanderaient à être questionné. Un revenu supérieur à 2500 euros et inférieur à 4000 euros mensuels (80% des salarié-e-s en France gagnent moins de 4000 €) ne saurait être un considérant suffisant pour caractériser une classe sociale. L'aisance procurée par un revenu supérieur ne permet pas à ces salarié-e-s de sortir de l'état de subordination à leurs employeurs. Cependant, ces revenus leur permettent de nouer des rapports d'exploitation et de domination envers d'autres salarié-e-s, c'est le cas du travail domestique « sous-traité ».

Il faut donc à la fois reconnaître des divisions profondes entre salarié-e-s, les avantages relatifs que certain-ne-s en tirent et en souligner leurs effets matériels très asymétriques, leurs effets en terme de domination. L'hétérogénéité du « prolétariat/salariat » est réelle (ne serait-ce qu'entre femmes et hommes), elle souligne les obstacles à la construction d'une hégémonie sociale émancipatrice. Celle-ci passe, entre autres, par l'auto-organisation, y compris séparée, (c'est un apport des féministes) de celles et ceux qui subissent des oppressions, spécifiques ou non. C'est un préalable nécessaire à la possibilité d'un front collectif social inclusif à construire. Mieux vaut, me semble-t-il, aborder cette question que de l'éluder par des caractérisations hâtives.
Lien : http://entreleslignesentrele..
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Le caractère relationnel du travail au miroir des rapports sociaux de sexe

« L'assimilation du relationnel au travail féminin déqualifié, et l'absence de cette dimension dans les analyses des métiers les plus prestigieux, nous paraissent constituer un enjeu majeur pour les recherches féministes sur le travail ».

Les auteures de l'édito soulignent que « tout se passe comme si les chercheur-e-s ne voyaient du relationnel que là où elles et ils voient des femmes, de surcroît dans des métiers à faible statut social ». Il y a en fait un biais sexué dans les manières d'aborder de telles analyses. Se poser toujours la question de ce biais est une nécessité. « Dénaturaliser le regard porté sur les métiers de service ouvre des portes concrètes de (re)valorisation des activités professionnelles exercées majoritairement par les femmes. »

De ce point de vue, les analyses présentées sont très éclairantes, que cela soit celle d'une profession mixte, les kinésithérapeutes (physiothérapeutes en Suisse), ou la comparaison des métiers d'auxiliaire de puériculture en crèche, de contrôleur de train et de surveillant de prison.

Les auteures font ressortir, entre autres, les asymétries dans la valorisation ou la dévalorisation de tâches, des conditions de travail ; les « illusions » égalitaires faisant « abstraction des discriminations objectives » (Ainsi par exemple : la naturalisation des comportements des patient-e-s (pour les kinésithérapeutes) alors que les comportements sont construits socialement, sont genrés) ; ou la dissimulation des dimensions matérielles du travail, jugé peu valorisant (voir le beau chapitre « »L'usine à couches » ou la face cachée du travail de prise en charge des jeunes enfants »).

Si les kinésithérapeutes développent un discours individualiste et égalitaire, celui-ci est « idéaliste, puisqu'il ignore des conditions de vie sexuées, forcément structurantes et contraignantes », dans les autres professions traitées, il y a à la fois « occultation du matériel dans les métiers de service peu qualifiés féminins » et « occultation du relationnel das les métiers masculins ».

Contre un premier regard, une première lecture a-genrée, il convient de reprendre les analyses, car « S'en tenir à un examen éloigné de la distribution des femmes et des hommes entre divers métiers, sans ouvrir la boîte noire de ce que recouvrent, par exemple, les catégories officielles de métiers de l'ordre ou de métiers du soin, fait courir le risque de reconduire des stéréotypes de genre, telle l'assimilation du relationnel au féminin ».

Au delà de la terminologie (voir remarque en fin de note), les questionnements autour de la « difficile articulation entre proximité de genre et distance de classe » dans le cas des assistantes sociales me paraissent indispensables.

Ces analyses de métiers de service soulignent l'enjeu d'une lecture n'occultant pas la division genrée, dépassant les lectures d'habitudes ou naturalisantes.

Outre le dossier, j'ai particulièrement particulièrement apprécié l'article de Laura Corradi : « Feminist Semiotics. Pour une sociologie politique du cul féminin dans les publicités italiennes » qui analyse « sous l'angle de la politique du regard masculin » des affiches publicitaires « utilisant » le cul des femmes. Regards d'hommes, goût masculin, lutte contre les signes de vieillissements, dictature de la beauté, disponibilité affichée, naturalisation et artificialité, vulgarité d'une présentation comme « un quadrupède à posséder », affichage du pouvoir, etc. « le cul féminin est une construction sociale ». L'auteure indique que les éléments présentés aident à comprendre « la manière dont la construction sociale du sexe inférieur passe aussi par le postérieur à travers une colonisation progressive et en crescendo des parties intimes des femmes ».

Sur la dictature de la beauté, en complément possible, l'ouvrage de Mona Cholet : Beauté fatale. Les nouveaux visages d'une aliénation féminine (Zones 2012) L'omniprésence de modèles inatteignables enferme nombre de femmes dans la haine d'elles-mêmes

Sur le sexisme publicitaire, en complément possible, Sophie Pietrucci, Chris Vientiane et Aude Vincent : Contre les publicités sexistes (Editions L'Échappée 2012) Quand vous tendez un piège à la souris, il faut toujours laisser la place pour la souris

Parmi, les autres articles, je souligne le compte-rendu de lecture de Marianne Modak, sur le livre de Caroline Ibos : Qui gardera nos enfants ? Les nounous et les mères

Une fois encore, un riche numéro, illustrant l'apport des analyses faites au prisme du féminisme.

Une remarque, l'utilisation de la notion de « classe moyenne » pour parler de certains salarié-e-s, aux revenus suffisants pour employer du personnel pour le travail domestique, y compris dans les relations aux enfants, demanderaient à être questionné. Un revenu supérieur à 2500 euros et inférieur à 4000 euros mensuels (80% des salarié-e-s en France gagnent moins de 4000 €) ne saurait être un considérant suffisant pour caractériser une classe sociale. L'aisance procurée par un revenu supérieur ne permet pas à ces salarié-e-s de sortir de l'état de subordination à leurs employeurs. Cependant, ces revenus leur permettent de nouer des rapports d'exploitation et de domination envers d'autres salarié-e-s, c'est le cas du travail domestique « sous-traité ».

Il faut donc à la fois reconnaître des divisions profondes entre salarié-e-s, les avantages relatifs que certain-ne-s en tirent et en souligner leurs effets matériels très asymétriques, leurs effets en terme de domination. L'hétérogénéité du « prolétariat/salariat » est réelle (ne serait-ce qu'entre femmes et hommes), elle souligne les obstacles à la construction d'une hégémonie sociale émancipatrice. Celle-ci passe, entre autres, par l'auto-organisation, y compris séparée, (c'est un apport des féministes) de celles et ceux qui subissent des oppressions, spécifiques ou non. C'est un préalable nécessaire à la possibilité d'un front collectif social inclusif à construire. Mieux vaut, me semble-t-il, aborder cette question que de l'éluder par des caractérisations hâtives.
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S’en tenir à un examen éloigné de la distribution des femmes et des hommes entre divers métiers, sans ouvrir la boîte noire de ce que recouvrent, par exemple, les catégories officielles de métiers de l’ordre ou de métiers du soin, fait courir le risque de reconduire des stéréotypes de genre, telle l’assimilation du relationnel au féminin
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Dénaturaliser le regard porté sur les métiers de service ouvre des portes concrètes de (re)valorisation des activités professionnelles exercées majoritairement par les femmes
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