Dans la préface écrite par Colette Aymard, conservateur des Monuments historiques, on lit… "Les images véhiculées par les publications sur le Limousin tendent à donner de cette région trois images d'Epinal : une nature frustre de forêts et de landes, un territoire essentiellement roman et une région d'industrie porcelainière. La réalité est toutefois beaucoup plus complexe…"
Ainsi débute ce livre magnifiquement illustré de photographies qui bousculent ces idées préconçues. La nature luxuriante, riche dans ses beautés et sa diversité, est sauvage, paysagée, secrète et pleine de grâce.
Au début du XIXème siècle, les seigneuries importantes s'ornent de parcs et jardins. D'après le comte de Villelume, il n'y aurait eu à cette époque que huit parcs en Limousin ; "Montagrier, Thouron, le Bréjoux, Neuvillards, Losmonerie, Boisse, le Chatelard et les Mas sur la commune de Thouron."
Autres que les abbayes et les châteaux, les demeures de quelques propriétaires terriens s'agrémentent plus d'un décor non domestiqué offert par des bois et des vallons. Hêtres, charmes, chênes augustes… haies d'aubépines, de charmes et de cornouillers, offrent une structure intense et bucolique. Des parcelles potagères, bien souvent proches des cuisines, sont les seules à s'orner de fleurs vivaces.
Avec l'ère industrielle, un changement est amorcé. Pour se hisser "socialement", les nouveaux fortunés investissent dans les vieilles pierres un peu défaites et apportent un esthétisme architectural et paysager à leurs résidences. "Le potager est, désormais, totalement mésestimé et déplacé plus loin sur le côté ou sur l'arrière des demeures. Il est entouré de murs et caché à la vue." le regard ne se porte plus sur une nature spontanée, mais sur un parc qui se veut exceptionnel, surprenant, magnifié, aux essences rares et onéreuses. La mode est aux jardins anglais que des professionnels dessinent et sculptent. Des noms sont cités…
Paul-Bernard de Lavenne, comte de Choulot (1794-1864), René-Louis Girardin (1735-1808),
André Laurent (1825-1866), Edouard André (1840-1911), Achille Duchêne (1866-1947)…
Des nobles qui étaient partis en exil en Angleterre sont revenus avec le goût d'un style paysager que la terre limousine adopte sans se faire prier, avec générosité et distinction. Fait avec intelligence, respect et authenticité, les paysagistes invitent la nature à partager leurs projets, rendant aux tableaux une belle harmonie, vraie et non guindée.
On retrouve tout cela de nos jours, même si l'objectif et les considérations ont parfois changé, car on parle plus "d'un jardin en mouvement", de "biodiversité" et de "charte paysagère écologique".
Colette Aymard termine sa préface en parlant du plaisir à découvrir de telles majestés. Les sens sont exacerbés et développent des perceptions bien plus que spirituelles…
"Effet visuel, découverte odorante, atmosphère envoûtante, voire déconcertante, peuvent transporter le promeneur en dehors du temps présent pour un moment de douce magie."
Les photographies rendent un bel hommage aux jardins et parcs des propriétés référencées. Les mots soulignent leur prestige et racontent leur histoire, leur généalogie.
Le château de Sannat à Saint-Julien-les-Combes dans la Haute-Vienne, a ses fenêtres sur un jardin à la française et une fontaine moussue au centre d'un bassin. La perspective est intéressante et offre une dimension de grandeur, d'espace. Aux jardins anciens, d'autres se mêlent, s'enclavent, et rendent une autre dynamique plus actuelle.
Villechenine à Peyrat-le-Château dans la Haute-Vienne, domine la petite ville. Les vallons qui composent son relief font des jardins en terrasse. Les végétaux choisis doivent se plaire dans un climat humide. Ce sont des couleurs, des senteurs, des rocailles… qui donnent une estampille particulière.
L'Abbaye du Palais à Thauron en Creuse, est un site qui date de l'époque romaine. Une voie le traversait et on peut encore distinguer quelques traces dans la structure du parc. Au Moyen-Âge, une abbaye cistercienne s'érige…
La rénovation toute récente faite dans le début des années 2000 par un couple néerlandais, met en valeur le domaine. Comme il est dit dans le livre, la pierre est sublimée !
Et ainsi une vingtaine de lieux de toute beauté suivent… Les photos parlent…
La pierre se marie au végétal dans une belle osmose et chaque petit coin raconte une histoire, celle que l'on veut bien imaginer. L'eau, sources et fontaines, offrande à des bassins ou des vasques, a son rôle cristallin et mélodieux, entre mousse et fougères. Des chemins sous des frondaisons noires de verdure se perdent en des lignes droites ou sinueuses. Les perspectives paraissent alors confidentielles ou d'une immensité inaccessible. L'atmosphère qui s'en dégage est magique, druidique. On pourrait invoquer les muses, les fées, et murmurer des sortilèges. La méditation nous accompagne à travers cette poésie ; la sérénité, la puissance, une vitalité… c'est l'âme qui respire.
Les sites… et presque 300 photos à des formats différents, sur 224 pages.
Les jardins secrets au Clos du Préfons, Villejoint – Crozant – Creuse
Parc paysager et zoologique du Reynou, le Vigen, Haute-Vienne
Jardin privé, Limoges, Haute-Vienne
Arboretum du château de Neuvic d'Ussel, Neuvic, Corrèze
Val Maubrune, La Brionne, Creuse
Parc agricole et paysager du Chédal, Ségur-le-Château, Corrèze
Parc du château de Traslage, Vicq-sur-Breuilh, Haute-Vienne
Jardins sonores de la Borie, Solignac, Haute-Vienne
Jardin de Lo Tremoulado, La Pouge, Creuse
Jardins en marche, Saint-Dizier-Leyrenne, Creuse
Jardin de Marzac, Saint-Paul, Haute-Vienne
Jardins Sothys, Auriac, Corrèze
Musée et jardins Cécile Salourdy, Vicq-sur-Breuilh, Haute-Vienne
Parc du château de la Cosse, Veyrac, Haute-Vienne
Jardin du Puy Faucon, Rilhac-Lastours, Haute-Vienne
Parc du château d'Arfeuille, Felletin, Creuse
Arboretum de la Sédelle, Villejoint, Crozant, Creuse
Parc et jardins du château du Saillant, Voutezac, Corrèze
J'ai eu la chance de recevoir ce magnifique livre (avec un petit mot sympathique me souhaitant une bonne lecture et un marque-page) lors d'une sélection pour les Masses Critiques de Babelio. J'avais déjà reçu des éditions Les Ardents Editeurs un beau livre sur l'exposition des oeuvres de Suzanne Lalique, et je savais, du moins je l'espérais, que j'allais avoir un ouvrage de qualité. Je ne me suis point trompée !
Les mots font écho à mes ressentis et les photographies sont des rêves. La promenade entre les pages est une source de ravissements.
Ce livre fait suite à "Intérieurs secrets en Limousin" et fait connaître une province un peu ignorée ou seulement reconnue pour ses industries porcelainières. le Limousin comprend trois départements, la Corrèze, la Creuse et la Haute-Vienne. La région n'est pas hostile, noire, ou seulement très froide et trop pluvieuse… Elle est aussi l'écrin d'une belle flore sur un relief intéressant.
Les auteurs nous présentent vingt-deux propriétaires passionnés par cette terre et ses essences. "Qu'ils soient acteurs de «paysages jardinés» ou gardiens de la mémoire de parcs historiques, conciliant respect du patrimoine et innovation." On nous convie à prendre note des noms, des adresses, que l'on retrouve à la fin du livre, et à venir se perdre dans leurs campagnes.
Les photos ont les couleurs de trois saisons. On les devine aux feuillages et à la lumière ; l'automne est riche de roux et d'or… tulipiers de Virginie, chênes rouges, charmes, tilleuls…
A l'approche des fêtes de fin d'année, cycle des cadeaux, je vous conseille ce superbe livre. Il a de la poésie et du rêve… On imagine paysager notre parcelle de terre et on planifie des virées dans le Limousin…