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EAN : 9782916488158
90 pages
Editions La Louve (06/06/2007)
5/5   3 notes
Résumé :
La pensée autorise et légitime tous les voyages. Même et surtout ceux que la raison déconseille. Cécilia Colombo n’est pas allée, physiquement, à Pripyat, ni à Tchernobyl. Pourtant, pas de “science-fiction”, ici, seulement les mots justes pour dire que la nature outragée, là-bas, s’en sort mieux que les hommes ; les arbres y grandissent plus vite, écartent le béton avec une anormale énergie ; l’homme s’est lui-même coupé les jambes et s’étonne de ne plus marcher. Là... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Un grand merci à La Louve-Editions et à son directeur, Jean-Louis Marteil, qui, à l'occasion de ce partenariat avec le forum Nota Bene, m'ont permis de découvrir "Pripyat." ;o)

Ma fille aînée naquit le 29 avril 1986, c'est dire que, chez nous, où l'on rappelle ironiquement : la catastrophe est plus qu'un nom sur une carte. A l'époque, les médias ressassaient cette annonce doctorale et absurde : "Le nuage radioactif est trop loin pour atteindre la France, il n'y a pas à s'inquiéter ..." Une annonce gouvernementale qui, Cécilia Colombo en parle dans son récit, fut assenée à pratiquement tous les peuples d'Europe à cette époque.

De la conjonction de cette naissance avec cette période, j'ai hérité la manie de lire tel ou tel ouvrage qui parle de Tchernobyl. L'opuscule de Cécilia Colombo est l'un de ceux qui m'a le plus marquée. Peut-être en raison de l'approche de l'auteur, à la fois onirique et réaliste, peut-être à cause de la brièveté du texte dans lequel se condensent bien des choses.

L'auteur parvient à donner à voir à son lecteur tout l'abandon des villes-fantômes que sont devenues toutes celles qui entouraient la centrale, en particulier Pripyat. Avec elle, on déambule parmi les échos et la grisaille, à l'extérieur comme à l'intérieur de ces immeubles soviétiques dont le style n'avait pas changé depuis les années cinquante et qui caractérise si bien les pays communistes. Tout s'y est arrêté d'un coup, les aiguilles des horloges sont immobiles, on se croirait, en tout aussi incompréhensible, sur la "Mary-Céleste." Avec la même indifférence que l'océan, la nature, dehors, a repris ses droits, elle envahit le béton, le grignote, le dévore, le disloque, mais tantôt, elle affiche le vert trop vif d'une inquiétante vigueur, tantôt elle est rouge, comme le feuillage de ces arbres centenaires que les bulldozers durent abattre et enfouir sous la terre, pour "effacer" ce souvenir trop dérangeant, trop hideux, de la tragédie.

Et puis, Cécilia Colombo raconte la catastrophe, l'explosion du 26 avril 1986, les myriades de radiations enfin libérées et s'infiltrant partout, la stupeur des techniciens de la centrale qui, dans leur incompétence démente, ne songent d'abord qu'à appeler les pompiers. Aucun de ceux-ci n'en réchappera.

A Moscou, on n'y croit pas, l'URSS préfèrerait une attaque des Américains. Mais le danger menace de vitrifier l'Ukraine, la Russie tout entière, et, qui sait, le reste de l'Europe. Alors, on envoie l'armée, comme si des militaires dotés, pour la circonstance, de protections minimales, y pouvaient encore quelque chose. Les scientifiques arrivent aussi mais le réacteur a été monté trop vite, le travail a été bâclé, les précautions les plus élémentaires n'ont pas été respectées : des milliers d'hommes vont se sacrifier pour que soit coulé, sur le coeur du réacteur, un sarcophage de béton qui, aujourd'hui, est bien fissuré.

Ils vont mourir d'une mort horrible pour que leurs compatriotes et les autres Européens puissent survivre.

Les populations sont éloignées, d'abord pour trois jours - ma fille est née ce jour-là, ce jour où tous ces gens, qui croyaient encore à la propagande de leur pays, devaient pouvoir retrouver leur maison, leur appartement, leurs repères - et puis pour le reste de leur vie. Certains n'ont pas accepté, ils se sont glissés dans cette "Zone" interdite, ils sont repartis vivre et mourir là-bas : irradiés comme ils le sont, comment oserait-on leur contester cette dernière volonté ? de toutes façons, on préfère les oublier ...

Bon, vous l'avez compris, j'ai aimé "Pripyat", de Cécilia Colombo, et je vous conseille de le lire. Surtout qu'il ne fait pas plus de 90 pages et que le style de l'auteur n'est pas sans panache. ;o)
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Pripyat... ce nom résonne comme le glas. Cette ville d'Ukraine a été irradiée lors de l'accident nucléaire qui hante encore les mémoires et les corps. Je veux parler de Tchernobyl. le sous-titre peut s'amener à s'interroger bien sûr car, lorsque l'on pense à cette catastrophe, les premières couleurs qui nous viennent à l'esprit seraient plutôt sombres. Pourtant, dans cette zone interdite, la nature reprend peu à peu ses droits, transformée, certes.

Dans ce livre, qui laisse l'imagination vagabonder, Cécilia Colombo réussit la prouesse de parler de ce lieu maudit sans jamais y avoir mis les pieds. Des photos seront sa source d'inspiration. Pourtant, si elle ne l'avait pas précisé, personne n'aurait douté de son voyage. Elle nous décrit les lieux avec un style accrocheur. le lecteur, emporté par cette poésie descriptive - l'amenant toutefois à réfléchir- visite également la Zone, brave virtuellement le danger et les interdits. Comment ne pas adhérer aux réflexions auxquelles se livre Cécilia Colombo ? Si elle nous décrit Pripyat comme un souvenir d'enfance, elle fait ressurgir à la mémoire un passé - récent- que l'on aurait voulu enfouir au plus profond de soi. Pripyat, ville lointaine et pourtant si proche...

Je ne peux que conseiller la lecture de ce livre et ce, pour deux raisons. Pour le thème, d'une part, difficile à aborder, rare, pour les raisons que nous connaissons. Pour le style d'autre part, l'exercice littéraire n'étant pas des plus faciles et ayant été réussi avec virtuosité.

Merci à La Louve Éditions et à son directeur, Jean-Louis Marteil, pour ce partenariat.
Lien : http://promenades-culture.fo..
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Pripyat c'était une ville au pied de la centrale nucléaire de Tchernobyl.

Cécilia Colombo n'est pas allée sur place. Elle a travaillé à partir de photographies (avant - après), qui n'ont pas été insérées dans ce livre fort bien écrit.
Pour revoir cette tragédie, il y a le site web de Filatova Elena Vladimirovna (avec traduction française) ; cette jeune femme s'est rendue (à ses risques et périls) en moto dans la zone interdite et contaminée : la "DEAD ZONE".

http://www.consumedland.com/elena/index_fr.html
Lien : http://www.consumedland.com/..
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
... (Ces clichés) me montrent les objets quotidiens restés à l'intérieur des bâtiments.

Ils font résonner la vie perdue de la ville, mais ses échos nous arrivent déformés par le temps et le passage des liquidateurs. Les miroirs du coiffeur sont brisés, les bigoudis éparpillés sur le sol, les bouteilles de shampooing renversées, vides. A l'école, les lustres sont tombés sur les lits des dortoirs et les jouets se sont dispersés. Les photos encore au mur dans les salles de classe se cornent et continuent à montrer aux enfants absents comment entretenir leur forme par quelques exercices ; au-dessus des tableaux noirs, les cartes géographiques d'un monde révolu font encore force de loi. Ic, l'URSS est encore d'actualité et le communisme ne mourra pas. Au lycée, on ne reconnaît le réfectoire qu'à ses tables, ses lavabos et ses assiettes brisées. Dans les salles de cours, des étagères pleines de livres, des recueils de poésie et des cahiers d'élèves. Avant de partir, les professeurs ont sorti les grands cartons pleins de petits masques à gaz destinés à faire face aux éventuelles attaques américaines. Ils se révélèrent être des remparts inutiles contre les émanations radioactives et se craquèlent désormais sur les étagères. A l'école de musique, il ne reste que les tables de cours et le piano à queue, tombé au sol. Personne n'a osé remettre ce noble mastodonte sur ses pieds. Au bout de tant d'années passées sur le flanc, ce geste inutile serait presque un sacrilège. Au centre culturel, les papiers et les livres jonchent le sol de la bibliothèque, au premier étage. La fresque du rez-de-chaussée est restée colorée, malgré ses lacunes, aussi vive que les banderoles et les portraits de dirigeants aujourd'hui oubliés, destinés à décorer la ville pour la fête du 1er mai. ...
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... Pourtant, au lendemain de la Catastrophe, 600 000 liquidateurs sont mobilisés pour enterrer chaque objet, pour nettoyer le site de la centrale et éliminer ainsi toute trace du drame. Ils sont là pour en terminer avec la tragédie ; la vie doit reprendre son cours, rien ne les autorise à laisser leur peur ou leurs sentiments prendre le dessus. Efficaces, ils vont vider des villes entières, déloger les babouchkas de leurs maisons, enterrer des villages, rendre fonctionnel à nouveau le site de la centrale et construire le sarcophage autour du réacteur. Aucun ne reviendra indemne de Tchernobyl, ni dans son corps, irradié et condamné, ni dans son esprit profondément choqué.

Tant ont été sacrifiés pour empêcher le pire ! Quelques jours après l'explosion, les scientifiques craignent une reprise de la réaction qui aurait des conséquences cette fois-ci plus terribles encore. Face au risque bien réel d'une vitrification de l'Ukraine, de la Biélorussie, et d'une contamination épouvantable de toute l'Europe, ils ont envoyé des plongeurs dans l'eau lourde du réacteur pour en vidanger le réservoir ... Ceux-là sont descendus les uns à la suite des autres dans de vieux scaphandres, sans protection contre les radiations, pour ôter la bonde. En même temps, des mineurs ont creusé sous le réacteur, bras nus et visages en sueur, afin de couler du béton et d'amener de l'azote liquide. Ils ont ainsi empêché l'affaissement de la structure dans les nappes phréatiques, la reprise de l'incendie et une nouvelle explosion. Ils l'ont fait dans une chaleur terrible et, là encore, sans protection.

Les rares pilotes d'hélicoptère assez compétents ont effectué de trop nombreux passages sur le réacteur et ont dû s'exposer à des doses de radiations mortelles pour viser et larguer correctement le plomb sur le cratère et sa fumée blanche.

Tous sont morts des suites de ces survols. ...
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.. Sur le toit du réacteur, les pompiers venus sans protection arrosent le coeur en fusion, vomissent, perdent connaissance, voient leur peau tomber en lambeaux. Au bout d'une heure à peine, les secours en évacuent la plupart en urgence vers des hôpitaux où ils vont passer les quinze derniers jours de leur vie à se décomposer vivants. Les plus résistants tiennent quelques minutes de plus leur lance à la main mais ils sont vite relayés. Aucun ne peut tenir plus d'une heure là-haut. La chaleur est terrible, le goudron du toit fond et les morceaux de graphite, autour d'eux, dégagent, eux aussi, une chaleur atroce. Certains les écartent d'un coup de pied, inconscients du danger à simplement les approcher. Au bout de quelques minutes, plusieurs pompiers perdent la vue et l'ouïe, et l'eau ne semble pas calmer la réaction. Aucun ne se doute de la nature de leur ennemi ni de la durée nécessaire à le terrasser. Tous vont y laisser leur vie. ...
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Il est 1h24, la réaction s'emballe, le cœur du réacteur se rebelle, déborde de son enceinte et dépasse la simulation pour rendre réelles les pires estimations. Le progrès tant vanté, d'apparence soumis, utilisé sans précaution, se retourne contre les hommes avec la puissance d'un fléau divin. Dans la salle de contrôle, les murs ondoient, les corps se soulèvent, les aiguilles et les voyants hurlent l'horreur avant de se taire. Le silence précède les questions. Il s'est passé quelque chose, mais quoi ?
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