Y'en aura pour tout le monde

Je viens de trouver cet album au milieu d'une série de BD chez mon amie. Coluche et Reiser, la fin des années 80, la mort de ces deux auteurs. Une époque où tout semblait possible, où on avait le sentiment d'une liberté qui durerait toujours. On pouvait rire de tout. Les vignettes de Reiser sont taillées à la serpe, mais tellement représentatives des attitudes humaines. Les textes de Coluche sont incroyables de vérité sur nos mentalités. Et ce n'est pas toujours très beau à voir. On y croise le racisme, la prostitution, la faim, les inégalités, la bêtise... C'est cynique à souhait. Personnellement j'adore. Et puis, c'est un album dont les droits ont été versés aux Restos du Coeur.
"Peu d'absents sont restés aussi présents que Reiser et Coluche. Pendant que nous vieillissons, eux demeurent toujours jeunes. Ils ont lavé la tête de toute une génération. " (Extrait de la préface de Wolinski)

Reiser : pas ce qu'il a fait de mieux, la couleur pète trop et mange souvent le dessin habituellement si expressif.
Coluche : la BD, c'est pas la radio ou la scène, le recyclage de vieilles blagues passe moins bien... Ceci dit, ça fait toujours bien rigoler.

Plus politiquement incorrect tu meurs ! Rien d'étonnant vu les deux auteurs de ces dessins sans tabou. Reiser et Coluche deux impertinents disparus dont on se demande s'il pourrait encore se produire en nos temps de censures exacerbées. Eh oui tout le monde en prend plein la pipe ... et ça fait du bien.

L'exemplaire que je possède est préfacé de Wolinski, et non pas de Cavanna.

Il est caustique, comme le signale Wolinski, de se dire que Reiser n'aurait sans doute pas adhéré aux Restos du Coeur, contrairement à Coluche, mais tous deux étaient nés pauvres.

Et la pauvreté, ils lui tordent le cou. Tout comme ils taillent un costard au racisme, à la beaufitude, au bien-penser ou au politiquement correct.

Commes ils nous manquent. D'autant plus que l'humour (noir, à froid, cynique... comme on veut) de Coluche va très bien avec le trait incisif et bâclé de Reiser.

Cela dit, il faut bien avouer que les blagues sont peu drôles. On aurait pu rêver d'une meilleure sélection, histoire de rendre hommage à ces deux géants. Mon gag préféré est celui de la file devant le cinéma... un type se pointe en faisant peur sur l'avancée du communisme et vend des sacs de patates à tout le monde... puis un type passe et rachète les sacs vu que l'on ne va pas au cinéma avec 10 kilos de patates sur les genoux... Entre communisme et capitalisme, les deux auteurs optent pour l'anarchie. C'est clair.

J'ai retrouvé cette bande dessinée dans le grenier. La poussière et les toiles d'araignées n'ont pas altéré son charme grinçant. Lue quand j'étais jeune, elle a une saveur nouvelle la vie étant passée par là entre temps. Cruelle, crade mais tendre, piquante. La misère humaine est passée au crible de l'humour. le dessin de Reiser reste inimitable et rend compte à lui seul de toute la dérision de nos petites vies dans ses bassesses et ses lâchetés. N'a pas vieilli d'un poil (sauf bien sûr les références à l'URSS).