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EAN : 9782246435419
427 pages
Grasset (28/08/1991)
3.54/5   128 notes
Résumé :
Derrière le comptoir du bistrot des Trapézistes, aux Filles-du-Calvaire, trône Madame Maud, née Rachel Aboulafia, Tunisienne dont la grand-mère alimenta jadis la chronique de La Goulette.Autour d'elle, un petit monde interlope et coloré où se côtoient artistes du Cirque d'Hiver tout proche, souteneurs, prostitués des deux sexes, rabbins, danseuses, flics et commerçants. Mille et une destinées qui emplissent ce livre baroque, dans le Paris de la première moitié du si... >Voir plus
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Voilà sans conteste le roman qui m'aura le plus marqué ces dernières années. Un monument. A mi chemin entre Zola (pour son univers) et Proust (pour ses phrases à tiroir), l'auteur nous embarque dans les recoins les plus intimes d'un Paris de la première moitié du 20ème siècle. Avec une beauté du style sans égal, riche mais si fluide, Combescot tisse la vie de plusieurs personnages haut en couleur qui gravitent autour de cette Madame Maud, intrigante et si humaine, et son bar les trapézistes. Les vies sont mêlées les unes aux autres et se démêlent aux yeux du lecteurs au fur et à mesure des pages... Flash back, passé, présent, on va, on revient, on découvre, on retrouve, puis on comprend dans ces trois parties distinctes qui couvrent une cinquantaine d'années. Les longues phrases peuvent peut-être effrayer au premier abord, mais je vous assure qu'il n'en est rien. C'est comme lorsqu'on rentre dans une rivière et que l'eau fraîche nous saisit, d'abord frileux notre corps s'habitue, l'eau devient douce, il ne nous reste plus qu'à se laisser bercer par les flots de la rivières serein, apaisé, contemplatif.
Un chef d'oeuvre de la littérature !
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Les filles du calvaire/Pierre Combescot/Prix Goncourt 1991.
La première partie de l'histoire, celle de Madame Maud patronne du bistrot « Les Trapézistes » dans le quartier des « Filles du Calvaire », est une véritable pièce d'anthologie.
Derrière son comptoir, elle trône avec alacrité. Née Rachel Aboulafia, juive tunisienne dont la grand mère alimenta jadis la chronique de la Goulette, elle reçoit chaque jour un petit monde interlope très coloré : artistes du Cirque d'Hiver, souteneurs, prostitués des deux sexes, rabbins, danseuses, flics, commerçants. Mille et une destinées évoluant dans le Paris de la première moitié du XXé siècle. Elle veille à tout ce qui pourrait subvertir ce monde qui l'entoure.
« Vespérale et mystérieuse, emmaillotée dans sa nuit obscure, et trônant telle une déité barbare sur sa cargaison de Gitanes, de gauloises bleues, de Boyards papier maïs, de Celtique, de Ninas et de Chiquitos, confortable dans sa graisse violacée, flambante de toute sa chevelure, son opulente poitrine posée à même la caisse comme un objet propitiatoire, ex-voto pour toutes les planches à pain et les femelles limandes du quartier, Madame Maud ressemblait à une sorte d'éponge vénéneuse prête à absorber les secrets les plus intimes pour mieux tranquilliser le sien. »
Pierre Combescot, dont non seulement la grande culture mais aussi la verve sont évidentes, nous plonge dans un univers complètement baroque mais pourtant bien réel et en usant d'un vocabulaire d'une rare richesse et d'une grande poésie, et avec un style généreux, il met en scène une Madame Maud qui, elle, manie à merveille l'art de la palinodie.
L'épisode burlesque relatant sa très longue correspondance avec la mercière dénote une virtuosité du verbe inégalable.
« Ayant aperçu comme une ombre d'infamie, bien enfouie sous les débris de cette terne existence de mercière de quartier, Madame Maud n'hésita pas un instant : elle allait équarrir cet être, s'en jouer et, d'une certaine manière, comme le diamant de sa gangue, en faire sortir le feu. »
Quand Madame Maud s'exprime, c'est toujours très imagé : « Je vous jure que dans la haute, quand elles pondaient leurs gniards, elles en faisaient moins à la pose que cette rencarrure qui se gobe pour un lardon comme si elle vous chiait des pommes vapeur… »
Bien des passages m'on rappelé Georges Perec de par les digressions incessantes et l'emboitement des histoires ainsi que les sauts dans le temps et l'espace. La truculence et l'humour sont de tous les instants et cette écriture jubilatoire est un régal. Je pense en particulier aux amours improbables d'une lionne et de son dompteur. Et toutes ces références à l'histoire biblique rendent le récit imagé et même caricatural.
Et puis on fait un grand retour en arrière pour découvrir les parents et grands parents de Madame Maud, toute la famille Boccara et Aboulafia, résidant dans le quartier juif de Tunis, à La Goulette. Un fantastique portrait de famille avec Emma Boccara et Loulou son sigisbée, la grand-mère et sa fille Lea épouse Aboulafia. Toute une panoplie de succubes et d'escarpes évolue parmi les sentines de la Goulette et la belle Rachel, future Madame Maud, fille de Léa, n'est pas la plus mal à l'aise dans ce monde interlope.
Et le navire l'emmène vers cette Europe en guerre. Elle débarque à contre courant de l'exode dans un Paris inquiétant et cinéraire envahi par les Allemands et peuplé d'êtres fugitifs, des ombres torpides attendant l'orage. Assise à la dérive, elle est assaillie de réminiscences italo-niçoises, une rencontre d'antan, une prime émotion résidant au fond de l'âme :
« Pour la première fois, son corps devançait ses pensées, les guidait. Pour la première fois, sa chair proposait ; et elle s'offrait, telle la plante lourde qu'accable le poids du fruit qu'elle a formé, implorant la main bienveillante qui la cueillera. Pour la première fois, elle subissait la fatalité de l'espèce. le lent mûrissement du désir, qui est comme une injonction à se survivre par la perfection de l'amour. »
Quel magnifique passage !
Elle va rejoindre le bourdeau pour michetons et autres chochottes de la rue Rochechouard, chez Emma, là où officiait sa grand-mère et où venaient cachetonner parfois les escarpes du coin. Elle retrouve Raymond, l'ex de sa grand-mère avec qui elle va devoir s'acagnarder dans ce bordel en ruine.
L'Occupation allemande fait son oeuvre et la collaboration de même. La « plus précieuse raclure de la Gestapo et la fine fleur du trafic en tous genres se mêlent » dans un monde des plus interlopes insouciants des prémices d'une vengeance qui couve au moment où les alliés débarquent en Italie.
Un roman étonnant.



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1er tiers : Époustouflant...
Des portraits croquignolets de personnages chamarrés, dans un quartier dévoyé d'un Paris début XX ème siècle, quelques détours exotiques en Tunisie et en Italie, un style d'écriture à la Proust matiné d'argot souvent hilarant !

2ème tiers : Étourdissant...
De nombreux personnages changent de nom, apparaissent, disparaissent, pour mieux réapparaître au détour d'une phrase, la narration joue avec la chronologie, remonte le temps, le redescend, je m'y perds un peu, le style d'écriture s'alourdit, mais quelques passages demeurent flamboyants !

3ème tiers : Épuisant...
Est-ce la fatigue, mais je ne sais plus qui est qui, qui raconte, où sommes-nous, quand sommes-nous ?...
Je dois relire trois fois ces belles phrases interminables qui m'avaient tant plu au début, l'abus d'accents qui m'avaient tant fait rire, me deviennent illisibles, trop de putes, trop de tarlouzes, trop de tout...
Je m'épuise... Je m'endors !
Trop long... Beaucoup trop long !
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Il arrive qu'après avoir ingurgité force sucreries la langue demande un peu de fraîcheur, réclame une oasis d'autant plus bienvenue que le désert est aride; une gorgée d'eau fraîche et l'avenir redevient possible, le goût qui semblait perdu se trouve de nouveau à portée des papilles. Il en va de même de notre esprit lorsqu'il se trouve encombré de trop de mièvreries.
Voilà à quoi j'en étais réduit ces jours derniers; je ne sais qui j'avais rencontré, encore moins qui j'avais lu, mais mon esprit baignait dans un nuage cotonneux duquel je cherchais obstinément à m'évader. Et puis, telle une pluie providentielle sur le désert du Kalahari, un ouvrage sur un présentoir de la bibliothèque et un nom : Combescot.

Ouvrir un ouvrage - ici, en l'occurrence, « Les filles du calvaire » prix Goncourt 1991, excusez du peu! - ouvrir un livre, donc, de celui qui se faisait appeler Luc Décygnes lorsqu'il chroniquait au Canard Enchaîné les spectacles lyriques et la danse, c'est emprunter un chemin sans retour, c'est le plongeon du grand huit, le toboggan qui vous envoie mariner dans un bain de jouvence.
Pierre Combescot réussit la gageure de nous offrir une bande dessinée sans dessins mais chaque page devient planche et contient autant de cadres qu'il y a de croquis. le coup de crayon des dessinateurs du célèbre volatile devient chez lui un coup de plume d'autant plus efficace qu'il est ravageur. Des exemples? Mais bien volontiers chère Madame. Tenez, approchez, voici, dans l'Italie mussolinienne, un clown qui prépare son »suicide »:

« Le vieux clown se livra d'abord à une époustouflante improvisation. Il essayait d'enfourcher son trombone comme un cavalier son cheval et à chaque tentative retombait, le nez dans la sciure. le public, bon enfant, riait. Cependant, quand il eut, enfin, enfourché l'instrument et qu'il commença à se pavaner comme un dindon, la ressemblance était si frappante que le doute n'était plus permis. »

N'est-il pas bien croqué et que dire de cette autre, la mystérieuse Madame Maud, Rachel Aboulafia pour l'état civil?:

« Ni jeune, ni vieille, en fait sans âge, Madame Maud, roulée en boule sur son passé pour n'en rien laisser transpirer, s'était dorloté une sorte d'oubli, s'absentant d'une partie d'elle-même. (…)
Et nous ne sommes encore que dans les premières pages du livre. On ne sait alors rien de la veuve Roubichou, de la signorina Giuseppina Scannabelli, « de son état modiste et fille-mère », des Poignardeurs, « petits gars juteux qui possédaient le sens inné du beau geste, dût-il être criminel » et de tant d'autres qui constituent le monde interlope des « Filles du calvaire ».

Fort bien, me direz-vous mais l'histoire, le déroulé du roman? Hélas, chère Madame, les mots suffisent-ils à dire la beauté et la richesse d'une église baroque et sicilienne de surcroît? Des phrases suffisent-elles pour dire l'obsolescence des chapeaux de la british queen? Aurez-vous assez d'un livre entier pour rendre le maquillage d'une pute napolitaine? Eh oui, avant de lire Combescot, il convient de s'entraîner à appeler un chat un chat, vous voilà prévenue. Disons alors que tel Breughel qui se serait échappé du seizième pour s'en venir squatter au vingtième siècle, Pierre Combescot dresse une peinture picaresque d'un monde interlope gravitant autour d'une rousse plantureuse trônant derrière la caisse du bistrot des Trapézistes.
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Depuis le temps que je voulais les lire, ces « Filles du Calvaire », de Pierre Combescot ! Prix Goncourt en 1991, année particulière pour moi en plus.
Nous sommes dans le quartier du même nom, à Paris, et madame Maud y règne en maître du haut de sa caisse du bar « Les trapézistes » face au Cirque d'hiver. C'est que c'est une figure dans le coin la Maud, avec sa chevelure flamboyante et ses jambes sublimes qu'elle ne dévoile pourtant jamais. Jusqu'au jour où elle se fait coffrer pour meurtre, et où les langues se délient, nous faisant ainsi découvrir son incroyable vie...
Que j'ai eu du mal !!! La langue argotique utilisée pour dépeindre le milieu populo parisien était quasiment du charabia pour moi, et j'ai dû m'accrocher sec. Et puis peu à peu, on découvre la vie incroyable des protagonistes du roman, qui nous fait voyager de Paris à La Goulette, de la « joyeuse collaboration » à l'après-guerre. Et c'est là que ce roman est hyper fort, dans la richesse de ses personnages dont on découvre peu à peu les histoires, ces dernières s'imbriquant parfaitement entre elles. le livre mériterait en ce sens une relecture, mais bon, j'ai déjà eu du mal une fois, on ne va pas recommencer !
Bref, un livre très riche et très vivant, mais qui se mérite !
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
J'ai vécu dix fois plus intensément que tout ce qui est vivant et je meurs mille fois plus profondément. J'ai aimé la vie mais ma plus grande joie aura été de la rompre comme, tant de fois, je me suis amusé à briser le silence par le rire. Je ne connais ni le chagrin ni l'allégresse, le plaisir non plus que la douleur, mais je peux pleurer, jubiler, rire et gémir tout à la fois, immensément. Je suis le CIRQUE
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Avec ses guêtres, sa canne en bois d'amourette, ses cheveux finement argentés qu'il gominait avec soin, sa taille encore bien prise, un séducteur des années trente. Pas étonnant donc qu'il fût devenu, de la Bastille à la République, le tombeur des rombières. On le connaissait aussi dans le quartier sous le nom de Chipolata. C'était son nom d'artiste. En effet, il était l'un des derniers clowns tristes, la race était en voie de disparition.
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Emma découvrait, à la lueur rose de la lampe du petit guéridon, un monstre. Pire la caricature de sa vie et de ses amours...
Cette chose molle, décolorée, poisseuse qu'elle avait sentie l'envahir quelques instants auparavant dans la rue, et qui lui était tombée dessus comme un poulpe, avait pris enfin corps, pour devenir cette fille. Cette chair de sa chair dont elle s' était détournée une fois pour toutes avec violence. Un cri de désespoir qu'elle avait cru étouffé au fond d'elle-même:"Arrachez cette enfant de mes entrailles. "
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Elle ne connaissait rien de cette Kundry, dont elle entendait le nom pour la première fois, ni de Parsifal, ni du Roi pourrissant, dont le nom, chaque fois qu'il le prononçait mettait les larmes aux yeux de Bolko. En revanche, elle connaissait les clameurs de Lilith. Depuis longtemps, certaines nuits, elle percevait au fond d'elle les douloureux ululements de l'imparfaite créature.
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Loulou, en parlant, tentait de ramener désespérément vers une même source les eaux dispersées de la vie, les plus claires, mais également celles qui s'étaient perdues dans les sables de l'oubli. Vers ce point où un destin peut en racheter un autre.
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Video de Pierre Combescot (5) Voir plusAjouter une vidéo

Pierre Combescot : Les diamants de la guillotine
Depuis le café parisien "le Rostand" , Olivier BARROT et Pierre COMBESCOT, auteur de "Les diamants de la guillotine" (éditions Robert Laffont ) parlent de ce roman historique consacré au scandale du collier de la reine, Bt du livre.
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