Brunetière fut élu le 7 juin 1893 à l'Académie française, après quatre échecs, au fauteuil de John Lemoinne (1815-1892), l'ancien rédacteur en chef du *Journal des Débats*. Ayant obtenu une voix de plus que le poète Eugène Manuel, qui s'était retiré avec élégance, Brunetière l'emporta haut la main sur Zola, par vingt-deux voix contre quatre. La réception eut lieu le 15 février 1894. "Sous son habit vert, avec sa figure mal rasée, son débit pédantesque et son binocle en bataille, il gardait l'air d'un cuistre. " Faisant l'éloge de son prédécesseur, Brunetière l'opposa aux reporters contemporains, "dont l'ardeur d'indiscrétion ne le cède qu'à [leur] indifférence entière pour les idées". Le comte d'Haussonville (1843-1924) lui répondit. Brunetière avait pourfendu la presse si durement que des journalistes et des étudiants vinrent faire du tapage à son cours libre de la Sorbonne, au point d'ameuter le commissaire du quartier et le préfet de police. Puis il prit la direction de la *Revue des Deux Mondes*, dans des circonstances qui auraient pu être plus honorables, car ce fut après avoir forcé à la démission, en juillet 1893, Charles Buloz, impliqué dans une affaire de mœurs et apparemment victime d'un chantage. Juste après Panama, ce fut un beau scandale!
Léon Daudet, venu reprendre un manuscrit au siège de la revue, rue de l'Université, surprit derrière un mur une violente altercation, les cris de Brunetière et les larmes de Buloz, bref une "séance dramatico-bouffe". Edmond de Goncourt, toujours à l'affût des secrets d'alcôve, n'ignorait pas les pratiques de Buloz fils dès 1889. Elles semblaient être de notoriété publique quatre ans plus tard: La maquerelle d'une maison de passe racontait à Léon Daudet que Charles Buloz venait régulièrement chez elle, se faisait entourer de quatre ou cinq femmes, à demi vêtues, tournoyant autour de lui avec de petits relèvements cochons de jupes et que devant ce spectacle, le grave directeur de la *Revue des Deux Mondes* se livrait égoïstement à la masturbation.
Lors d'un dîner offert par la *Revue des Deux Mondes* en l'honneur de Brunetière, qui venait d'être élu à l'Académie, et quelques jours avant la divulgation des désordres qui provoquèrent l'éviction de Charles Buloz, celui-ci se serait écrié: "Maintenant que vous êtes de l'Académie, vous empêcherez, n'est-ce pas? d'y entrer ce cochon de Zola. "
En mai 2023, l'écrivain et critique littéraire Antoine Compagnon est reçu à l'Académie française. Spécialiste de l'oeuvre proustienne, il a édité plusieurs tomes d'À la recherche du temps perdu chez Gallimard. Son épée d'académicien, qui lui a été remise lors d'une cérémonie à la Bibliothèque nationale de France, est le fruit de sa rencontre avec la maison de joaillerie Boucheron. Dans cet entretien, il revient sur ce moment singulier et sur les éléments symboliques qui ont guidé cette démarche artistique commune.
Pour en savoir plus, rdv sur le site Les Essentiels de la BnF : https://c.bnf.fr/TRC
Crédits de la vidéo :
Antoine Compagnon
Écrivain, critique littéraire, professeur émérite et membre de l'Académie française
Direction éditoriale
Armelle Pasco, cheffe du service des Éditions multimédias, BnF
Coordination scientifique
Charline Coupeau, docteure en histoire de l'art et chercheuse à l'École des Arts Joailliers
Coordination éditoriale
Constance Esposito-Ferrandi, chargée d'édition multimédia, BnF
Lieu de tournage
Institut de France
© Bibliothèque nationale de France
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