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EAN : 9782702895276
240 pages
Albin Michel (04/02/2004)
3.97/5   98 notes
Résumé :
Le capitalisme est-il moral ? Nul ne peut se soustraire à la question puisque aucun d'entre nous n'échappe ni à la morale ni au capitalisme.

Par son travail, son épargne et sa consommation, chacun participe à un système économique que les uns justifient et que d'autres condamnent au nom de concepts éthiques. Deux démarches intellectuelles que le philosophe André Comte-Sponville passe au crible de l'analyse lucide.

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Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
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Pourquoi je m'intéresse à tout ça, ma foi parce que je suis curieux, curieux mais limité dans ma réflexion de par (et je me répète) une éducation intellectuelle chaotique...

Appelez-moi « Cosette »

Sept ans d'apprentissage en ébénisterie et menuiserie c'est très enrichissant professionnellement, intellectuellement et culturellement dans certains domaines... mais très peu métaphysiquement au sens existentiel du terme... (merci bvb)

- Choupette : ça c'est clair… Tu parles d'un menuisier philosophe …
- Moi : la branlette intellectuelle sur les bancs de la fac, ça ne paie pas les croquettes des chats tchitchounette…
- Choupette : Bah c'est pour ça que je t'aime, toi et ma Mauboussin…

Aujourd'hui me voilà donc sur la longue route de la culture et du savoir, prêt à suivre mon petit bonhomme de chemin tranquillou sans pression, pour essayer de combler quelques lacunes indispensables à la compréhension de la nature humaine, de notre société et de notre histoire…

A défaut de comprendre le gratin philosophique des lumières, je préfère rester modeste dans ma démarche en commençant par des auteurs contemporains, sans pour autant être capable des les commenter, ni d'émettre une critique objective. Pour l'instant Je me contente d'apprendre mais j'espère d'ici quelques années pouvoir remédier à tout ça…

Donc j'aime bien André Comte-Sponville, il est clair, agréable à lire, et humble dans ses opinions… Mickbu m'avait conseillé cet auteur pour m'initier à la philosophie contemporaine et Gure a persisté me conseillant à son tour cet auteur, alors pourquoi hésiter…

L'auteur dans cet ouvrage explique suivant des ordres établis par lui même, à la fois distincts mais indissociables, pourquoi le capitalisme n'est ni moral, ni immoral mais amoral… Il évoque le socialisme, le communisme, le libéralisme, Marx, le commerce, l'angélisme, la tyrannie, la barbarie, l'individualisme, l'égoïsme, l'éthique, la religion, l'utopie, la générosité, la solidarité…

Finalement et vulgairement parlant ce n'est point le capitalisme qui immoral mais les individus de nature égoïstes et individuels qui le sont, ce système à défaut d'un autre plus performant reste aujourd'hui incontournable avec ses défauts, ses qualités et bien sur ses dérives…

Dire que c'est mieux ailleurs c'est faire preuve d'angélisme finalement…

Je ne rentrerai pas dans les détails, car j'en suis sincèrement incapable, mais j'ai pigé, hormis la postface complètement hors de ma portée

A plus les copains
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Petit livre intéressant et facile à lire.

Après avoir d'abord justifié sa question-titre, André Comte-Sponville explicite les 4 (5) ordres qui permettent de définir les limites, dans une démarche très pascalienne. Phrase un peu obscure, mais vous allez comprendre. Très clair, vous-dis-je. Je cite ou résume tout du long.



1 : l'ordre techno-scientifique dit ce qui est vrai ou faux, ce qui est possible ou impossible.

2 : l'ordre juridico-politique dit ce qui est légal ou illégal

3 : l'ordre de la morale dit ce qui est bien ou mal (ce qu'on fait par devoir)

4 : l'ordre de l'éthique, par pure distinction sémantique (ce qu'on fait par amour).

5 : l'ordre divin, pour ceux qui se sentent concernés



Chaque chose appartient à un ordre et a les limites qui vont avec.

Exemples :

- La biologie dit si on peut techniquement cloner des êtres humains ou pas, elle ne saurait dire si c'est bien ou mal. Elle est limitée de l'extérieur par l'ordre n°3.

- La loi ne saurait décréter que le Soleil tourne autour de la Terre, elle est limitée de l'extérieur par l'ordre n°1.

- Elle est également limitée par l'ordre n°3 : "on ne vote pas sur le bien et le mal", seulement sur le légal ou l'illégal, par exemple l'avortement est légal, chaque femme a donc le droit de faire le choix moral qu'elle souhaite. Autre exemple : une loi raciste (Vichy, Afrique du Sud, …) ne rend pas la chose morale pour autant.



Lorsque, partie suivante, on enfreint ces limites, on est ridicule au sens de Pascal. Chez Pascal les trois ordres sont : la Chair, l'Esprit (la raison), le Coeur (la charité).

« On ne prouve pas qu'on doit être aimé en exposant d'ordre les causes de l'amour ; cela serait ridicule ». C'est ce que dit aussi le célèbre : « le coeur a ses raisons que la raison ignore ».

le ridicule est donc la confusion des ordres. Si cela a un lien avec le pouvoir, on appelle ça la tyrannie : « désir de domination, universel et hors de son ordre ».

Le tyran est celui, comme dit Pascal, qui « veut avoir par une voie ce que l'on ne peut avoir que par une autre ».

Est ridicule et/ou tyrannique celui qui veut être aimé parce qu'il est fort, ou obéi parce qu'il est savant, ou craint parce qu'il est beau ...



le roi/patron qui veut être aimé (paternalisme) ou cru (je suis le chef donc j'ai raison) est tyrannique (et ridicule, en passant).

Ce qui n'empêche pas évidemment d'aimer son patron ou de le croire, si est respectivement aimable ou savant. Mais ça n'est pas la force qui est aimable ni crédible.



On dira donc la même chose avec les ordres présents (n°1 à 4/5).

La question : « le Capitalisme est-il moral ? » mélange les ordres. Elle est ridicule. le Capitalisme est un système économique, il appartient à l'ordre n°1 (l'économie est une science), il n'est donc ni moral ni immoral, mais amoral. Ce n'est pas la morale qui détermine les prix, c'est l'offre et la demande. Ce n'est pas la vertu qui crée de la valeur, c'est le travail. Ce n'est pas le devoir qui régit l'économie, c'est le marché.

Si l'on veut qu'il y ait de la morale dans le capitalisme, il faut lui imposer de l'extérieur.



Marx a voulu faire cela. Mais c'était utopique car il comptait sur la moralité des individus, qui auraient préféré l'intérêt général à leur intérêt particulier. Comme ce n'était pas le cas, il a fallu leur imposer par la loi puis par la force, d'où la dérive totalitaire que l'on sait.



le génie du capitalisme est d'être conforme à la nature humaine au lieu d'essayer de la changer : « soyez égoïstes, occupez-vous de votre intérêt, et tout ira à peu près correctement dans le plus efficace des mondes économiques réels : le marché ».



Angélisme et barbarie :

La barbarie est la tyrannie d'un ordre inférieur sur un ordre supérieur.

L'angélisme est la tyrannie d'un ordre supérieur sur un ordre inférieur.



Exemples :

Barbarie techno-scientifique : technocratie (tyrannie des experts) ou libéralisme (tyrannie du marché). De Gaulle dénonçait cela en disant : « la politique de la France ne se fait pas à la Corbeille (à la Bourse) ».

Barbarie politique : la morale soumise à la politique : barbarie totalitaire (la fin justifie les moyens, un assassinat peut devenir moral puisqu'il est justifié politiquement. Lénine, Trotski), et barbarie démocratique (règne du "salaud légaliste" si la loi remplace la morale).

Barbarie moralisatrice, ou ordre moral : tyrannie des puritains (soumission de l'amour à la morale)



Angélisme politique : croire qu'on peut vaincre le chômage (qui dépend de données économiques, ordre n°1) en votant une loi (ordre n°2).

Angélisme moral : les Restos du Coeur, les ONG, SOS Racisme, … font du travail formidable, mais elles ne peuvent tenir lieu respectivement de politique de lutte contre la misère, étrangère, ni d'intégration des immigrés. C'est transformer les problèmes politiques en problèmes moraux.

Angélisme médiatique : tyrannie de l'image, on vote pour le gars qui a l'air sympa sans comprendre son programme.

Angélisme éthique : les baba-cool des 70s : « pas besoin de politique, pas besoin de morale, pas besoin de technique, l'amour suffit … »

Angélisme religieux = intégrisme. Prétendre que la religion (ordre n°5) peut dire le bien et le mal (3/4), le légal et l'illégal (2) ou le vrai et le faux (1). On pense bien sûr aux régimes islamistes (si Dieu est souverain, comment le peuple pourrait-il l'être ?), mais n'oublions pas les chrétiens, notamment aux USA, qui veulent par exemple interdire l'enseignement de l'Evolution (ordre n°1) au nom de la Bible (n°5).



L'angélisme n'est pas moins dangereux que la barbarie, il l'est souvent même plus. C'est au nom du Bien qu'on s'autorise le pire.



Responsabilité :

Nous sommes tous toujours dans tous ces ordres à la fois, et rien ne les oblige à nous pousser dans la même direction. On aura donc des dilemmes.

Dans un espace théorique homogène (la physique, par exemple), un problème donné a une solution que toute personne compétente trouvera même si plusieurs méthodes peuvent y parvenir. Lorsque plusieurs ordres sont en jeu, la compétence ne suffit plus, il faut de la responsabilité.

C'est donc le contraire de la tyrannie : c'est assumer tout le pouvoir qui est le sien, dans chacun des quatre (cinq) ordres, sans les confondre, sans les réduire tous à un seul, et choisir au cas par cas, lorsqu'ils entrent en contradiction, auquel de ces ordres vous décidez de vous soumettre en priorité.



La responsabilité est toujours personnelle, on ne peut la déléguer, on ne peut la diluer dans l'équipe qui a pris une décision.

Une entreprise, ça n'a pas d'éthique ni de morale, ça a des clients, des actionnaires, des objectifs, un bilan. Mais c'est justement parce qu'il n'y a pas de morale de l'entreprise qu'il doit y avoir de la morale dans l'entreprise. Les seuls éléments qui peuvent l'apporter sont les hommes et les femmes qui y travaillent ou la dirigent.



On ne peut pas établir de règle générale, comme par exemple : en cas de conflit, je privilégie toujours l'ordre le plus élevé, l'amour, ni au contraire la compétence, l'efficacité (ordre n°1).

On peut hiérarchiser ces ordres (d'où l'ordre de leur définition) de deux manières, de 1 à 5 (hiérarchie ascendante des primautés) ou de 5 à 1 (enchaînement descendant des primats).

En résumé, pour l'individu, on privilégie l'ordre le plus élevé, mais pour le groupe, l'ordre inférieur est plus contraignant.

L'intérêt général et l'intérêt particulier se contredisent généralement.



Dans ce sens, la vie est tragique (non pas malheureuse, mais elle nous soumet à des dilemmes en permanence). « La Pesanteur et la Grâce », pour reprendre le titre de Simone Weil. Plus le groupe est grand, plus il est soumis à la pesanteur.
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Le capitalisme est-il immoral ? Pour répondre à cette question, l'auteur propose un mécano de 4 ordres qui dépendent des uns des autres comme dans un jeu de dominos :
 
Ordre n°1 :
Les sciences et les techniques, dont l'économie, sont amorales.
Efficacité, performance, rentabilité, sont leurs enjeux.
Innovation, prise de risque, investissement, rationalité, preuve, la compétence, en sont les moyens.
Ces activités relèvent plus de la nature que de la culture et restent donc incertains, variables et imprévisibles.
On ne commande au marché qu'en lui obéissant avec pertinence et en manifestant sa crédibilité.
 
Ordre n°2 :
Le corpus politico-juridique s'impose de l'extérieur à l'ordre n°1 pour le limiter ou le libérer.
La communauté, le peuple, le groupe y expriment leurs intérêts et leur volonté dans un jeu de rapports de force.
L'outil de la loi formule et finalise les compromis, consensus et conciliation adéquates et nécessaires.
L'ordre n°2 peut ainsi intervenir sur un système qui permet la faute ou révèle une dérive : pourquoi cette erreur d'appréciation sur la sécurité ? Comment corriger ? Ou bien concernant la spéculation outrancière, quel garde-fou envisager ?  (On retrouve ici l'orientation de l'agence de notation VIGEO de Nicole Notat).
 
Démontrant d'une façon toute churchillienne que, comme la démocratie, le capitalisme est le pire des systèmes créateurs de richesse à l'exception de tous les autres, mais considérant que tout n'est pas marchandise, le but de l'action de cet ordre n°2 est de mettre en place une économie de marché, et non pas une société de marché.
Aussi faut-il distinguer par exemple la libre concurrence des groupes pharmaceutiques sans que le droit à la santé soit remis en cause.
C'est cet ordre n°2 qui est aujourd'hui le plus sollicité : la mondialisation et les technologies de l'information notamment font sortir le juridique et le politique des limites nationales et hiérarchiques qui les fondèrent.
 
Ordre n°3 :
La morale relève de la responsabilité strictement individuelle, de ses choix de conscience, du sens donné à sa mission.
Elle s'incarne dans la personne qui, seule, relève les défis du bien et pose la question du mal, et ce dans le contexte des ordres n°1 et n°2 auxquels elle se trouve confrontée.
Ainsi, idéalement, un cadre courageux  fera-t-il preuve de discipline et exercera sa liberté d'esprit.

La corruption est le fait d'individus corruptibles, et non pas la décision du système.
Un chef d'entreprise malveillant est d'abord un homme personnellement malveillant. 
Pas d'en-soi moral des fonctions.
 
Ordre n° 4 :
L'amour, finalité qui ne se commande pas et n'obéit pas. On n'aime pas par devoir.
Un comportement éthique est dicté par un désir.  On peut faire une charte éthique.
Mais sans adhésion intime, c'est au mieux un système de contraintes, au pire une supercherie.
Le travail pour gagner sa vie –bien sûr- mais aussi comme source de convivialité, projet collectif, utilité sociale, épanouissement.
Pas d'amour : pas de joie, pas d'enthousiasme, pas de carburant ?
 
Ordre n°5 : la religion dont on peut dire la même chose que pour l'amour.
 
è è Problématique de la substitution d'un ordre de réalité par un autre :
Angélisme : un client qui préfère un vendeur bon qu'un bon vendeur risque de ne jamais faire un bon achat. Faire descendre la primauté de l'ordre de l'amour n°4 jusqu'au primat de l'ordre économique du marchand n°1 est ridicule et inefficace. Pas de satisfaction client, pas de profit, et vice versa.
De même, les initiatives humanitaires non rentables ne font pas un humanisme fiable. On ne sauve pas de la misère avec les « restos du coeur ». La création étatique de petits boulots ne résout pas le chômage endémique.
è La solidarité bien comprise des intérêts des acteurs économiques (actionnaires, clients, salariés, producteurs) est le moteur du capitalisme. Pas la générosité. Pas la gratuité.
 
Barbarie : le communisme  a eu tort de mélanger le politique, l'économique et la morale, en prônant la vertu de l'adage « à chacun selon ses capacités et ses besoins ». Faire ainsi monter le primat de la création de richesse n°1  à la primauté des ordres n°2  et n°3 est vain et dangereux : l'entreprise qui ne crée pas de plus-value ne saurait non plus garantir à terme de la valeur humaine. le régime soviétique a dramatiquement illustré cette confusion.
è C'est l'humanité qui fait la dignité, pas le travail. Mais sans travail, pas de richesse.
 
Le pharisien est celui qui formate la foi à la loi, l'ordre n°5 de la religion à l'ordre n°3 de la morale sans passer par l'ordre n°4 de l'amour. Manque de flexibilité, de résilience, de négociation.
è Même en entreprise, pas de lettre, sans esprit et/ou sans coeur.
 
Le Tartuffe , le pur concupiscent, est celui que formate la foi, l'ordre n°5 de la religion, à l'ordre n°1 économique : chute des ordres de l'esprit (n°5) , du coeur (n° 4), de la morale (n°3), et même de la loi (n°2) qui représente toujours l'intérêt collectif. 
è Notre temps est-il victime de la tyrannie des bons sentiments  et de leurs « tartuffes » médiatiques ?
 
Conclusions
Du déficit économique à la déficience humaniste, il n'y a qu'un pas vite franchi dès lors que la logique intrinsèque de chacun des 4 ordres et son articulation avec l'ordre descendant du possible et l'ordre ascendant du sens ne sont pas respectées. 
 
Chaque ordre requiert un template et mobilise une essence : les distinguer est une méthode de lecture des situations, une aide à l'interprétation des conflits, un éclairage des impasses.
èLa subtilité de leur examen et de leur convergence ouvre la voie à des applications et des solutions sur le terrain.

Patricia JARNIER 27 avril 2013
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Le capitalisme est-il immoral ? Pour répondre à cette question, l'auteur propose un mécano de 4 ordres qui dépendent des uns des autres comme dans un jeu de dominos :
 
Ordre n°1 :
Les sciences et les techniques, dont l'économie, sont amorales.
Efficacité, performance, rentabilité, sont leurs enjeux.
Innovation, prise de risque, investissement, rationalité, preuve, la compétence, en sont les moyens.
Ces activités relèvent plus de la nature que de la culture et restent donc incertains, variables et imprévisibles.
On ne commande au marché qu'en lui obéissant avec pertinence et en manifestant sa crédibilité.
 
Ordre n°2 :
Le corpus politico-juridique s'impose de l'extérieur à l'ordre n°1 pour le limiter ou le libérer.
La communauté, le peuple, le groupe y expriment leurs intérêts et leur volonté dans un jeu de rapports de force.
L'outil de la loi formule et finalise les compromis, consensus et conciliation adéquates et nécessaires.
L'ordre n°2 peut ainsi intervenir sur un système qui permet la faute ou révèle une dérive : pourquoi cette erreur d'appréciation sur la sécurité ? Comment corriger ? Ou bien concernant la spéculation outrancière, quel garde-fou envisager ?  (On retrouve ici l'orientation de l'agence de notation VIGEO de Nicole Notat).
 
Démontrant d'une façon toute churchillienne que, comme la démocratie, le capitalisme est le pire des systèmes créateurs de richesse à l'exception de tous les autres, mais considérant que tout n'est pas marchandise, le but de l'action de cet ordre n°2 est de mettre en place une économie de marché, et non pas une société de marché.
Aussi faut-il distinguer par exemple la libre concurrence des groupes pharmaceutiques sans que le droit à la santé soit remis en cause.
C'est cet ordre n°2 qui est aujourd'hui le plus sollicité : la mondialisation et les technologies de l'information notamment font sortir le juridique et le politique des limites nationales et hiérarchiques qui les fondèrent.
 
Ordre n°3 :
La morale relève de la responsabilité strictement individuelle, de ses choix de conscience, du sens donné à sa mission.
Elle s'incarne dans la personne qui, seule, relève les défis du bien et pose la question du mal, et ce dans le contexte des ordres n°1 et n°2 auxquels elle se trouve confrontée.
Ainsi, idéalement, un cadre courageux  fera-t-il preuve de discipline et exercera sa liberté d'esprit.

La corruption est le fait d'individus corruptibles, et non pas la décision du système.
Un chef d'entreprise malveillant est d'abord un homme personnellement malveillant. 
Pas d'en-soi moral des fonctions.
 
Ordre n° 4 :
L'amour, finalité qui ne se commande pas et n'obéit pas. On n'aime pas par devoir.
Un comportement éthique est dicté par un désir.  On peut faire une charte éthique.
Mais sans adhésion intime, c'est au mieux un système de contraintes, au pire une supercherie.
Le travail pour gagner sa vie –bien sûr- mais aussi comme source de convivialité, projet collectif, utilité sociale, épanouissement.
Pas d'amour : pas de joie, pas d'enthousiasme, pas de carburant ?
 
Ordre n°5 : la religion dont on peut dire la même chose que pour l'amour.
 
è è Problématique de la substitution d'un ordre de réalité par un autre :
Angélisme : un client qui préfère un vendeur bon qu'un bon vendeur risque de ne jamais faire un bon achat. Faire descendre la primauté de l'ordre de l'amour n°4 jusqu'au primat de l'ordre économique du marchand n°1 est ridicule et inefficace. Pas de satisfaction client, pas de profit, et vice versa.
De même, les initiatives humanitaires non rentables ne font pas un humanisme fiable. On ne sauve pas de la misère avec les « restos du coeur ». La création étatique de petits boulots ne résout pas le chômage endémique.
è La solidarité bien comprise des intérêts des acteurs économiques (actionnaires, clients, salariés, producteurs) est le moteur du capitalisme. Pas la générosité. Pas la gratuité.
 
Barbarie : le communisme  a eu tort de mélanger le politique, l'économique et la morale, en prônant la vertu de l'adage « à chacun selon ses capacités et ses besoins ». Faire ainsi monter le primat de la création de richesse n°1  à la primauté des ordres n°2  et n°3 est vain et dangereux : l'entreprise qui ne crée pas de plus-value ne saurait non plus garantir à terme de la valeur humaine. le régime soviétique a dramatiquement illustré cette confusion.
è C'est l'humanité qui fait la dignité, pas le travail. Mais sans travail, pas de richesse.
 
Le pharisien est celui qui formate la foi à la loi, l'ordre n°5 de la religion à l'ordre n°3 de la morale sans passer par l'ordre n°4 de l'amour. Manque de flexibilité, de résilience, de négociation.
è Même en entreprise, pas de lettre, sans esprit et/ou sans coeur.
 
Le Tartuffe , le pur concupiscent, est celui que formate la foi, l'ordre n°5 de la religion, à l'ordre n°1 économique : chute des ordres de l'esprit (n°5) , du coeur (n° 4), de la morale (n°3), et même de la loi (n°2) qui représente toujours l'intérêt collectif. 
è Notre temps est-il victime de la tyrannie des bons sentiments  et de leurs « tartuffes » médiatiques ?
 
Conclusions
Du déficit économique à la déficience humaniste, il n'y a qu'un pas vite franchi dès lors que la logique intrinsèque de chacun des 4 ordres et son articulation avec l'ordre descendant du possible et l'ordre ascendant du sens ne sont pas respectées. 
 
Chaque ordre requiert un template et mobilise une essence : les distinguer est une méthode de lecture des situations, une aide à l'interprétation des conflits, un éclairage des impasses.
èLa subtilité de leur examen et de leur convergence ouvre la voie à des applications et des solutions sur le terrain.

Patricia JARNIER 27 avril 2013
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La philosophie a quelque chose de fort pratique: on peut l'utiliser pour défendre à peu près n'importe quelle opinion. Il suffit de sélectionner ses sources. Tiens, par exemple, Aristote avait bien justifié l'esclavage!

Comte-Sponville en appelle à Kant, à Rousseau, et surtout à Pascal, pour défendre le capitalisme. Lequel n'en avait pas vraiment besoin, d'ailleurs: il me semble qu'il se porte plutôt bien.

Sa théorie repose habilement sur l'utilisation du mot "ordre", terme popularisé par Pascal pour exprimer le fait que le corps, la raison, et le coeur sont régis par des lois différentes. Comte-Sponville le transpose à sa guise, et décide que l'économie et la morale sont de deux "ordres" différents, que chacune est régie par ses propres lois, et que par conséquent l'économie ne peut être morale. Il nous affirme que l'économie, comme par exemple les maths ou la physique, est une science; il est vrai que si la pomme chute de l'arbre, la morale n'a rien à voir là-dedans.

Mais, à part la classique loi de l'offre et de la demande, quelles seraient ces fameuses "lois" incontournables de l'économie? L'auteur ne s'engage pas dans ce débat, dont on sait qu'il est controversé, les économistes se disputant beaucoup sur ces sujets. Il se borne à nous seriner que les êtres humains seraient "naturellement" habités par le désir de posséder, de s'enrichir. Il semble donc être passé à côté de nombre de travaux d'anthropologues et d'historiens du travail... Marshall Salins, Philippe Descola, David Graeber, ou encore, Dominique Méda. La prédominance de l'argent, de la propriété, on peut la dater du 17ème siècle. Les grecs et les romains méprisaient le travail; l'Eglise catholique prônait la pauvreté. C'est le développement du protestantisme qui a chamboulé le paysage: tout à coup, le fait de s'enrichir n'était plus négatif. Au contraire, cela marquait la reconnaissance par Dieu de la valeur d'un individu.

Compte-Sponville, disais-je, a soigneusement sélectionné ses sources. Il en appelle beaucoup au Rousseau du Contrat social, mais on ne trouvera aucune référence au Discours sur les inégalités. Rousseau, en avance sur l'anthropologie, y avançait déjà que la source des inégalités est dans le développement de la propriété privée. Et que celle-ci n'avait rien de naturel: nombre de sociétés dites "primitives" l'ignoraient totalement.

Et si la morale et le capitalisme n'ont vraiment rien à voir, peut-être Comte-Sponville pourrait-il nous montrer en quoi il favorise (ou pas) le développement de ces grandes vertus, dont il s'était fait le chantre? La justice, par exemple? Il ne peut ignorer l'emprise de l'économie sur la politique, que l'on voit tous les jours (*). Il a certainement lu Milton Friedman, connu pour avoir déclaré que trop de démocratie mettait l'entreprise en danger.

Si à la place du mot "ordre", il avait utilisé les mots de domaine, ou de système, sa théorie montrerait ses faiblesses. L'ordre, cela s'impose, cela fait indiscutable, incontournable: qui serait pour le désordre? Mais dans la réalité, tout est imbriqué... Comme le défend Edgar Morin dans sa Méthode, l'organisation influence le système, et réciproquement, dans une boucle continue. Depuis l'invention de l'agriculture, jusqu'à la révolution industrielle, puis à l'émergence du secteur tertiaire, l'histoire ne cesse de montrer que l'organisation de la production influe sur le système social.

Très logiquement, Comte-Sponville sépare l'économie, les sciences, et la politique, de l'éthique, où il confine les valeurs des individus. Même s'il admet du bout des lèvres que les frontières ne sont pas closes, on lit en filigrane dans son bouquin le récit habituel des adeptes de l'individualisme et du développement personnel: certes, la société marchande capitaliste n'est pas parfaite, mais c'est comme ça, c'est la moins pire de toutes, et ceux qui en souffrent peuvent toujours se réfugier dans leur sphère de valeurs privée: l'amour, la compassion, la politesse...

(*) la liste en serait infinie, du renversement du gouvernement Allende au Chili par les multinationales américaines, au développement de ce que l'on appelle les banlieues moches, en passant par l'affaire Orpea, la mainmise sur les groupes de presse par des milliardaires, les crédits d'impôts accordés aux mécènes qui leur permettent de valoriser leur collections d'art,....
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Le capitalisme, malgré ses travers, malgré ses injustices, qui sont innombrables, jouit d'une espèce de quasi-monopole idéologique. C'est un cadeau empoisonné: en même temps qu'il perd son adversaire historique (le communisme), le capitalisme perd aussi l'espèce de justification négative que cet adversaire lui offrait comme sur un plateau. Aussi le "triomphe" du capitalisme n'a d'égal que son désarroi. Le soupçon nait qu'il ait vaincu pour rien. A quoi bon vaincre, quand on ne sait pas pour quoi vivre? Le capitalisme ne se pose pas la question. C'est en partie ce qui fait sa force: il n'a pas besoin de sens pour fonctionner. Mais les individus, si. Mais les civilisations, si. L'Occident a-t-il encore quelque chose à proposer au monde? Croit-il assez à ses propres valeurs pour les défendre? Ou bien, incapable lui-même de les pratiquer, ne sait-il plus que produire et consommer - que faire du business en attendant la mort?
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Bien naïfs, ceux qui croyaient que l'athéisme supprimait la question morale ! C'est plutôt l'inverse : nous avons d'autant plus besoin de morale que nous avons moins de religion - parce qu'il faut bien répondre à la question "Que dois-je faire ?" quand Dieu n'y répond plus. C'est pourquoi nous avons, aujourd'hui, terriblement besoin de morale ! C'est pourquoi, même, nous avons besoin de morale, aujourd'hui, davantage sans doute qu'en aucune autre époque connue de l'humanité civilisée.
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Un système économique, c'est fait pour créer de la richesse, si possible au moindre coût social, politique et écologique. [...] L'errreur serait de croire que la richesse suffise à faire une civilisation, ou même une société qui soit humainement acceptable. C'est pourquoi on a besoin aussi du droit et de la politique. Et comme la politique et le droit ne suffisent pas non plus, on a besoin encore de morale, d'amour, de spiritualité... Ne demandons pas à l'économie d'en tenir lieu !
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Solidarité : vertu politique. Elle nous dit à peu près : puisque nous sommes tous égoïstes, essayons, collectivement, de l'être ensemble et intelligemment, plutôt que bêtement et les uns contre les autres.
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On ne vote pas sur le vrai et le faux, ni sur le bien et le mal. C'est pourquoi la démocratie ne tient lieu ni de conscience ni de compétence.
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Videos de André Comte-Sponville (67) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de André Comte-Sponville
Lundi 18 décembre a eu lieu la première "Fabrique des idées", la série de masterclass philosophiques que nous avons initiée dans le cadre de la nouvelle formule de Philosophie magazine.
Pour cette première édition, André Comte-Sponville s'est entretenu avec Martin Legros pendant 2 heures au Club de l'Étoile, à Paris, et a également répondu aux questions des participants. L'événement, qui était accessible en présentiel ou par visioconférence, était gratuit pour les abonnés.
Pour voir ou revoir la masterclass d'André Comte-Sponville, cliquez sur ce lien :
https://www.philomag.com/articles/replay-revivez-la-masterclass-dandre-comte-sponville-pour-philosophie-magazine
Bon visionnage !
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