Suite de mon voyage dans le Mali du 19e siècle. La ville de Ségou comme décor, la famille Traoré comme personnages essentiels.
Pauvre Ségou, deux fois conquises, brisant sa culture, son histoire.
Par la violence, elle est devenue musulmane. Par la violence, elle est devenue française. Et ce en quelques années.... le polythéisme ou l'animisme a été banni, les populations ont été brimées dans leur religion, dans leur liberté.
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Mon voyage s'est également déroulé sur la Gold Coast (le Bénin ou le Nigeria) où là c'est la religion chrétienne qui s'implante. Nous suivons l'un des héritiers Traoré décidé à changer de vie ce qui l'amène à partir en Jamaïque.
Certes c'était intéressant, mais vraiment je préfère les pages centrées sur Ségou. de ce fait je retournais à Ségou avec des petits sauts dans le temps déstabilisants, me perdant un peu dans l'arbre généalogique familial... D'où mon 4 étoiles comparativement aux 5 étoiles du premier tome.
Mais cette nuance reste mineure, ce livre est passionnant riche d'informations et de découvertes.
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Critique globale pour les deux tomes, le découpage ne semblant être qu'éditorial...
"Il faut que tout change pour que rien ne change" est une phrase qui revient en boucle dans le Guépard. Oui, je sais bien que ce n'est pas du tout le même contexte géographique et historique. Mais cette phrase signifie que malgré les bouleversements politiques, religieux, les guerres, les guerres civiles, les déchirures dans les familles, les souffrances des femmes pendant que les hommes combattent, les élites économiques et politiques retrouveront leur place, peut-être sous un autre nom, mais les inégalités se perpétueront.
Et c'est l'impression que j'ai eu à lire cette fresque qui s'étend sur plusieurs générations - quitte à m'y perdre un peu d'ailleurs dans les personnages et leurs liens de parenté, et à trouver un manque de profondeur de plus en plus important aux personnages, là où Nya par exemple avait du caractère, les autres femmes qui apparaissent ensuite dans l'intrigue sont plus effacées. L'intrigue est donc pour moi trop longue, avec des répétitions. Et surtout, j'ai eu le sentiment que l'autrice voulait "tout" caser : chasseurs, commerçants à travers tout le Sahara, arrivée de l'islam, esclaves dans les plantations brésiliennes, missions chrétiennes, explorateurs anglais... Cela donne une impression de trop-plein, plutôt irréaliste que tout ceci arrive aux personnages de la même famille.
Mais la grande réussite, c'est le cadre de l'intrigue, son décor et son époque, la rencontre entre plusieurs mondes, ou plutôt, la domination d'un monde, l'Europe coloniale, sur un autre lui-même fracturé entre ethnies et surtout entre religions. Car ce n'est pas l'Afrique au début de la traite atlantique, mais celle de la fin du XVIIIème et du début du XIXème : la Révolution française a ses conséquences sur les territoires, les Anglais interdisent - officiellement - la traite et rapatrient d'anciens esclaves, les marchandises circulent de plus, dans tous les sens. C'est la reconstitution minutieuse et érudite jusqu'aux détails des objets qui s'imposent dans les cases que j'ai particulièrement appréciée. Un bon complément à un de mes cours de cette année sur le patrimoine malien, déjà au XIXème siècle menacé par une vision intégriste de la religion, et encore plus aujourd'hui.
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J'ai commencé avec grand intérêt ce deuxième tome de Ségou. En fait, je me suis un peu perdue dans les noms et les liens de parenté. le livre est très intéréssant, on y apprend beaucoup sur l'histoire du Mali, mais je crois que l'auteure a été un peu trop ambitieuse... En voulant tout raconter les personnages ont peu d'épaisseur. de toute façon, c'est un livre qui m'a angoissée. L'histoire du Mali et en général, celle de l'Afrique est vraiment douloureuse. Tous veulent les richesses des peuples considérés comme moins civilisés. En se disant civilisateurs, d'un côté l'Islam, de l'autre les Blancs, veulent tous la même chose. Ce qui d'ailleurs est facilité par les luttes intestines et rivalités entre tribus et peuples . C'est triste, c'est poignant, et ç'a m'a fait beaucoup réfléchir sur la nature humaine.
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A bien réfléchir, c'était les Français qui lui avaient mis cette idée-là en tête, confondant systématiquement Malinkés, Bambaras, Ouoloffs, Toucouleurs, Séreres, et ne reconnaissant pas le lendemain un homme qu'ils avaient vu la veille sous prétexte "qu'ils se ressemblent tous". Et il en venait à se poser cette question incongrue : la couleur de la peau constitue-t-elle un lien ?
Qu'est-ce que la vie ? Est-ce que c'est une femme folle qui vient, hurle et déchire ses haillons en les jetant au vent ? Est-ce un aveugle qui, dans la nuit de ses jours, va, vient, culbute à chaque précipice et se rattrape aux ronces ? Est-ce que c'est un estropié qui claudique ? Est-ce que c'est un unijambiste sans béquilles ? Dites-moi ce que c'est, la vie ?
Pendant cet hivernage-là, un des plus rudes que l'on ait connus de mémoire de Ségoukaw, les femmes accouchèrent de monstres, enfants enveloppés dans d'épaisses membranes laiteuses que le couteau des matrones ne parvenait pas à déchirer, enfants reliés par le tronc ou à hauteur des jambes, enfants au pied-bot. Les forgerons féticheurs qui les sacrifiaient rituellement, se penchant sur les petits cadavres fumant, inlassablement, répétaient à l'invisible la question qui les hantait. Quelle était la cause de la fureur qui approchait et qui, tel un incendie, allait réduire en cendres floconneuses et noirâtres la forêt de l'univers? Quels crimes avaient été commis et par qui, puisque tous allaient y passer? Peuls, Bambaras, Somonos, Sonraïs, Bozos et les Toucouleurs eux-mêmes... Lequel avait fauté le premier, de manière si irréparable que tous les autres s'en trouvaient condamnés! Voilà que des inconnus venaient se pendre au faite des dubales!
Aucune ville n'a un sommeil identique. Pour certaines, après l'extrême turbulence du jour, il est pesant, inerte. Pour d'autres, il est fiévreux, entrecoupé de musique et de bruits. Pour d'autres encore, il est paisible, comme souriant, reposant en tout cas. Le sommeil de Mopti était, en réalité, une succession de crêtes de veille, entourées de plage de silence.
Les enfants le fixèrent, les yeux ronds, et il réalisa avec une poignante douleur qu'ils ne le comprenaient pas. Il revenait parmi les siens, et les siens ne l'entendaient pas.
Augustin Trapenard rend hommage sur le plateau de la grande librairie à Maryse Condé décédée mardi 2 avril 2024 à l'âge de 90 ans. Sa disparition marque la fin d'une époque littéraire marquante. Cette écrivaine guadeloupéenne laisse derrière elle un héritage littéraire riche, composé de près de 70 livres qui ont profondément marqué les esprits avec notamment Segou, La migration des coeurs, En attendant la montée des eaux. Professeur et journaliste, elle était souvent citée pour le prix Nobel, reconnaissance de son engagement et de son talent indéniable.
À travers ses écrits, Maryse Condé a toujours cherché à mettre en lumière les questions cruciales de son temps, notamment le racisme, l'esclavage et le colonialisme. Son oeuvre puissante a fait écho bien au-delà des frontières de son île natale, résonnant à travers les Antilles, l'Afrique et au-delà. En 2018, à Stockholm, elle exprimait avec fierté sa contribution à la reconnaissance de la voix de la Guadeloupe.
Maryse Condé restera dans les mémoires comme une figure majeure de la littérature francophone, ayant enrichi le monde des lettres par sa sensibilité, son engagement et son talent incontestable
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