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Odette Lamolle (Traducteur)Sylvère Monod (Auteur de la postface, du colophon, etc.)
EAN : 9782862607108
103 pages
Autrement (17/01/2008)
4.09/5   23 notes
Résumé :
Le remorqueur blanc fonçait à toute vapeur vers le milieu de la rivière. Les pales rouges de ses hélices tournant à une rapidité folle transformaient le plan d'eau tout entier en monceaux d'écume. La Diane se balançait , aussi élégante qu'une vieille grange, et courait après son ravisseur. A travers l'écran de fumée déchiqueté qui filait sur l'eau, j'aperçus les larges épaules immobiles de Falk sous un chapeau blanc grand comme une roue de charrette, son visage colo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Allez, venez ! Je vous emmène au vent. Ça vous dirait une petite virée dans les mers du sud ? Ça ne vous dérange pas si c'est Falk qui tient la barre ? Un brave type ce Falk, droit, carré, fiable. Il ne peut rien vous arriver…, enfin… sait-on jamais ?

Falk est un récit emboîté, façon poupées russes, à trois niveaux, qui évoquent des personnages et des époques différentes, ce qui, par définition, nous oblige à considérer l'ouvrage non comme une nouvelle mais comme un petit roman.

Sans chercher à tout prix un jeu de mots facile, Falk se situe entre deux eaux ; c'est à la fois un portrait type (agrémenté d'une brochette de quelques autres personnalités intéressantes) et à la fois une étude de moeurs.

Le récit est introduit de façon très classique, à la Maupassant ou à la Tourgueniev, ou, plus simplement comme d'autres récits de Joseph Conrad, tels Jeunesse ou Au Coeur Des Ténèbres ; au cours d'une discussion entre amis où chacun relate des souvenirs. Tous ces vieux loups de mer se sont réunis sur les bords de la Tamise, quelque peu en aval de Londres et évoquent des épisodes où ils ont eu soit à souffrir de la faim, soit à affronter un naufrage, soit à faire acte d'héroïsme, soit un peu des trois combinés.

C'est d'ailleurs à ce propos que l'un d'eux évoque son expérience surprenante dans un port lointain, qu'on imagine être Bangkok. Il y raconte comment il s'est vu confier la direction d'un navire marchand britannique dont le capitaine était décédé en mer et dont l'équipage était lui aussi en fort mauvais état, dévoré par la fièvre, notamment.

Son navire à quai attendait patiemment son chargement et les quelques papiers administratifs qu'il est toujours impossible d'obtenir simplement. Durant ces longs jours et longues semaines, ce jeune capitaine fait la connaissance d'un navire allemand, dirigé impeccablement par le capitaine Hermann.

Ce dernier fait briquer son bateau comme un sou neuf et accueille à son bord toute sa petite famille, femme et piaillante marmaille, dans un confort presque inimaginable pour l'époque et pour la condition de marin. Mais ce n'est pas la seule personne de la famille à bord. Il y a également une nièce orpheline de dix-neuf ans qui s'occupe activement des enfants de son capitaine d'oncle.

Il n'est probablement pas un seul officier blanc qui n'ait remarqué cette charmante jeune fille tellement ses atours sautent aux yeux, si bien que notre jeune capitaine ne tarde pas à être chaque soir sur le pont de la Diana, le navire d'Hermann. Il n'est pas le seul. Un certain capitaine Falk est aussi de chaque soirée et considère la demoiselle avec la plus grande attention.

Falk est à la tête d'un remorqueur à vapeur qui fait la navette sur le bras de fleuve qui sépare le port de la pleine mer afin de permettre aux grands voiliers de s'extraire de ce boyau peu praticable. Comme il est le seul à assurer ce service, Falk fait un peu la pluie et le beau temps sur le fleuve et impose tant ses conditions que ses prix. Cet homme taciturne, très droit de silhouette, au profil rigide, jouit d'une réputation déplorable parmi les marins sans que quiconque sache au juste exprimer pourquoi.

Qu'en sera-t-il lorsqu'il s'agira de remorquer les deux vaisseaux des deux capitaines amis ? C'est ce que je vous laisse le plaisir de découvrir par vous-même.

Joseph Conrad imprime un rythme assez particulier à ce roman où, à plusieurs reprises on change de registre de perception ; d'abord récit d'aventure, puis, manifestement histoire d'amour, pour finalement aboutir à une réflexion plus profonde et philosophique sur le jugement d'autrui et l'acceptation des moeurs, où il est notamment question de cannibalisme.

Un récit très bien mené, très agréable, qui, comme toujours chez Conrad, nécessite soit de très bonnes connaissances en navigation à voile, soit un lexique explicatif de qualité à portée de la main pour saisir tous les termes précis propres aux navires et à la navigation. Hormis ce petit bémol qui n'en est pas vraiment un, cette histoire m'est apparue fort plaisante et dépaysante.

Je vous la recommande donc très volontiers mais gardez à l'esprit que ceci n'est qu'un avis, fruit tombé au sol d'un arbre passablement tordu et mal exposé, c'est-à-dire, bien peu de chose.
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Quel étonnant petit livre ! (en la jolie Edition Sillage, élégante). Joseph Conrad, je ne risquais pas grand chose en achetant ce livre à la volée, c'est le genre d'écrivain devant lequel je me prosterne. Confirmation,
tudieu le gaillard,
il sait écrire !
L'âme humaine prise avec une bienveillance qui fait chaud au coeur. Ses turpitudes exposées tranquillement. du désespoir s'il le faut, mais qui se mue en compassion sous sa plume, sous son oeil. C'est le gars le plus humain du monde,
et il écrit merveilleusement bien.
La mer est son territoire. Il la vit il la sent, il y a bâti ses références, il a adopté son rythme, il la considère comme un personnage à part entière. La mer,
et le monde des marins. Des habitants d'un monde à part. Ils vivent sur le mouvant, ne se targuent d'aucun pouvoir sur l'élément aquatique, ils obéissent à des règles strictes que ne connaissent pas les terriens, la mer est leur infini, le bateau leur pays, les ports, seulement des étapes, ils sont un monde et Conrad est leur prophète.
Quel écrivain ! Descriptions, traits d'humour, appréciations précises et souvent gourmandes, et la beauté des mots. Cet homme est un régal d'écrivain, doublé d'un régal d'humaniste.
L'histoire du livre ? C'est une sorte de longue nouvelle, assez étonnante, avec ses personnages truculents : le narrateur, jeune commandant, le commandant "épicier" allemand et sa famille, et Falk le gars arrogant qui truste tout ce qui est remorquage dans le port innommé, qu'on suppose être Bangkok. L'Asie n'apparait que peu, car encore une fois, le monde décrit est celui des marins, ça pourrait se situer n'importe où.
Et alors je n'arrive décidément pas à m'y faire, on a encore droit à une fin un peu abrupt. Alors que, dans ce livre-là, on n'a vraiment, vraiment pas envie de rester sur sa faim…
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Un récit au goût authentique, sans doute grâce à des éléments biographiques du premier commandement de Joseph Conrad. Cela commence par une affaire maritime assez futile ; le monopole d'un remorqueur. L'auteur qui a l'habitude de fouiller dans les tréfonds des âmes perdues parviendra à en extraire une histoire d'amour peu commune, et puis surprise, l'horreur. Loin de tout manichéisme, même le personnage exécrable de Falk a une histoire qui explique son comportement. La dernière partie, récit doublement imbriqué, n'atteint pas les sommets sanguinolents qu'on aurait pu en attendre, Conrad préférant l'elipse, mais sa pudeur sera pardonnée par l'élégance et le propos.
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Nouvelle ambiguë, Falk : un souvenir augure dès son titre du clair-obscur dans lequel elle se dissout. Ce récit est en effet constitué d'un souvenir (a reminiscence) comme la résurgence d'une source que l'on croyait tarie, des images immémoriales qui semblent remonter à la surface d'une conscience volatile. Son personnage central est ce Falk dont le nom évoque de possibles dérivés : false, falsch, faux... f(alk) For Fake !

Conrad laisse sa plume à un narrateur anonyme : celui-ci remonte dans ses souvenirs pour rapporter des faits dont une grande partie provient de la confession du personnage-titre et dont la véracité implicite est polluée par des ragots émoussés. Autant dire que l'on navigue dans le brouillard...

Thaï Song : Cette rumeur, le Chao Praya...? Oui. Cette lumière ? La mousson. ...aucun vent... ...cette poussière... ? Bangkok...

Le narrateur, alors commandant d'occasion d'un navire fatigué, passait ses longues soirées à bord du Diana, une sorte de chalet bavarois flottant, propriété de la famille Hermann (le père, jovial et sanguin, la mère plantureuse machine à marmots et une nièce innommée, accorte et muette Vénus de Willendorf -de tout le récit nul son ne sortira jamais de ses lèvres purpurines-). Vaguement épris de la jeune vierge, notre conteur devait cependant souffrir la présence d'un ombrageux rival, Falk, le patron de l'unique remorqueur du port. Quelques clabaudages de la part de l'aubergiste Schomberg (on pense à Akim Tamiroff dans Touch of Evil) attisèrent le malentendu entre les deux sigisbées de la donzelle aphasique jusqu'au moment où, le narrateur s'étant retiré du jeu, Falk crut bon d'accoucher de son terrible secret... Que cachait-il sous sa barbe (bleue) ? Pourquoi ce régime ichtyophagique ? Et cette manie de passer "la paume des deux mains sur la figure en frissonnant légèrement, presque imperceptiblement" ?

Grinçante, cette séduisante nouvelle de Conrad, entre ombre et lumière, nous égare dans des contrées d'épouvante, celles d'un coeur ténébreux.
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A conseiller.
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Les forces naturelles ne sont pas querelleuses. Vous ne pouvez pas vous quereller avec le vent qui vous embrasse et vous humilie en vous arrachant votre chapeau dans une rue pleine de monde. Il n'avait avec moi aucune querelle. Pas plus que n'en aurait eu un bloc de pierre qui me serait tombé sur la tête. Il me tombait dessus conformément à la loi qui le mettait en mouvement, loi non pas de gravitation comme pour une pierre détachée, mais de conservation.
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La seule personne à laquelle je pusse penser pour remplir cet office était un certain Johnson qui avait jadis commandé un navire du pays, mais qui avait maintenant pour légitime une femme du pays et avait tout à fait mal tourné. [...] Les employés, d'excellents jeunes gens désireux de m'aider, appartenaient néanmoins à une sphère de la colonie européenne pour laquelle ces Johnson-là n'existaient pas. Ils me conseillèrent d'aller moi-même à la recherche de cet homme avec l'aide de l'officier de police du consulat, ancien sergent-major d'un régiment de hussards. [...]
Nous explorâmes ensemble cet après-midi-là une infinité d'infâmes petits caboulots, de tripots et de fumeries. [...] Nous grimpâmes dans des logis ouverts à tous les vents comme des caisses à claire-voie ou descendîmes dans des endroits sinistres comme des caves. [...] À la fin, notre véhicule s'arrêta une fois de plus avec un soubresaut et le conducteur, sautant à terre, ouvrit la portière.
Un noir cloaque de boue bloquait l'allée. Un monticule d'ordures que couronnait le cadavre d'un chien ne nous arrêta pas. Une boîte vide de corned-beef bondit avec un bruit joyeux devant le bout de mon soulier. Soudain nous grimpâmes par la brèche d'une palissade aux lattes pointues...
C'était un compound de demeures indigènes fort bien tenu, et la grosse indigène aux jambes brunes et nues aussi épaisses que des colonnes de lit, qui poursuivait à quatre pattes un dollar d'argent roulant je ne sais d'où, se trouvait être Mme Johnson elle-même. " Votre homme est là ", me déclara l'ex-sergent.
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J'avais du mal à percevoir le sens véritable de ses réponses. J'aurais dû le voir immédiatement ; mais il n'en fut rien, tant il est difficile pour nos esprits, nourris de tant de souvenirs, de tant de connaissances, de tant d'informations, d'entrer en contact avec la réalité vraie qui nous côtoie. Et la tête farcie de notions préconçues sur la manière dont doivent se faire les choses.
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C'était une bête étrange. Mais les femmes, peut-être, aiment cela. Vu sous ce jour, il valait bien la peine qu'on l'apprivoisât, et je suppose que chaque femme au fond de son cœur se considère comme une dompteuse de bêtes étranges.
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Elle avait un joli teint, et ses yeux bleus étaient si pâles qu'on eût dit qu'elle contemplait le monde avec la candeur vide et blanche d'une statue. On ne pouvait pas dire qu'elle fût jolie. C'était quelque chose de beaucoup plus impressionnant. La simplicité de sa mise, l'opulence de ses formes, sa stature imposante et l'extraordinaire impression de vitalité qui semblait se dégager d'elle comme le parfum qu'exhale une fleur lui communiquaient une beauté à la fois rustique et olympienne. À la regarder atteindre les cordes à linge, les deux bras levés au-dessus de la tête, on tombait dans une rêverie empreinte de piété païenne.
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Un navire de croisière qui s'échoue. le commandant qui prend la fuite. Une trentaine de passagers qui perd la vie. Ca c'est passé il y a quelques années, vous vous en souvenez. Pour un marin, déserter le bord c'est le déshonneur suprême. Et pour un romancier, c'est l'occasion de sonder les abysses de l'âme humaine.
« Lord Jim » de Joseph Conrad, un classique à lire chez Folio.
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