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Roger Hibon (Traducteur)
EAN : 9782070380909
384 pages
Gallimard (04/01/1990)
3.32/5   45 notes
Résumé :
Le Ferndale est bien le navire le plus inquiétant qui soit, dans le sens où notre planète est inquiétante, avec son atmosphère trouble de passions, de jalousie, d'amour, de haines, avec la calamité des bonnes volontés transcendantes. Et il a fallu que le hasard choisisse le Ferndale, entre tous les navires alors dans le port de Londres, pour assurer au jeune Powell son premier pas dans la vie. Le voilà désormais sous le coup du funeste enchantement qu'exercent sur l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Le grand Conrad nous y a habitués : la plupart de ses romans est constituée de témoignages, de propos rapportés (et déformés ?) ou de confessions recueillies fervemment.

Avec Fortune qui nous narre les déboires familiaux et sentimentaux de la fière Flora de Barral, l'écrivain base la totalité de son récit sur le discours indirect, voire sinueux ou tortueux... La jeune Flora, abandonnée par les siens lorsque son père, le financier de Barral, ténébreux affairiste, est envoyé au bagne, trouve un havre de salut dans le mariage que lui propose le noble Capitaine Anthony. le lendemain de cette union de raison, le couple recueille l'aigrefin à sa sortie de prison. le trio embarque pour plusieurs mois de traversée sur le Ferndale. Un lieutenant candide, le jeune Charles Powell sera le témoin discret d'un voyage où les passions s'exacerbent. Marlow, le porte-paroles de Conrad, reconstitue à un narrateur tapi dans l'ombre cette douloureuse histoire d'amour, d'argent et de haine.

Pour cela Marlow convoque ses souvenirs de conversations lointaines, âpres discussions ou babillages innocents, qui ne sont pas toutes de première main : il lui arrive ainsi de se remémorer un dialogue que lui a révélé un comparse à qui le conciliabule avait été relaté par l'un des protagonistes de l'entrevue passée (un téléphone arabe à 5 degrés) . Ce qui multiplie de façon gaguesque tirets, guillemets français et anglais -doubles ou simples- et complexifie un tant soit peu la lecture de l'ouvrage.

Si j'ajoute que Marlow, cynique et égotiste, pontifie de façon exaspérante et que l'action du récit est souvent hypertrophiée à l'extrême, on en déduira que je sors déçu de ce périple. A tort.

Conrad sait naviguer comme personne dans les canaux étroits de l'âme humaine ou dans les océans des passions les plus folles. Son art du récit est même à son zénith dans certains chapitres comme celui, plan-séquence de génie, intitulé "La Gouvernante" : succession d'accélérations brutales puis de contractions soudaines, la parole échappe alors à son locuteur pour devenir action pure, saccades violentes et introspections flash. Un tour de force. Multipliant les chausse-trapes, le romancier éblouit le lecteur, interdit par son brio à déjouer les attentes, raviver le suspense ou rebattre les cartes.

Il est piquant de constater que cette histoire, forgée entièrement de dialogues, repose sur des non-dits, des aveux avortés et des sentiments réprimés. La "fortune" est aveugle.

Un grand roman malade.
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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Bien m'a pris de m'embarquer en cette fin d'automne dans ce volumineux roman de Joseph Conrad dont l'auteur assume lui-même la longueur dans sa préface ; il y répond aux critiques qui lui avaient reproché la longueur de ce récit en précisant qu'il aurait pu, en effet, écrire l'histoire qu'il raconte sur une feuille de papier à cigarette, mais que ce cela aurait supposé un détachement dont il ne se sentait pas capable. Effectivement, l'auteur s'attache de fort près à ses personnages et nous fait partager la proximité qu'il entretient avec eux.

Dans un salon où, avec force détails et commentaires psychologiques, le narrateur nous expose les prémices d'une histoire dont on ne saisit que très progressivement l'intrigue, la question met du temps à être posée. Conrad concentre par petites touches successives l'attention du lecteur sur Flora de Barral, femme malheureuse toute jeune, qui s'avère être le personnage principal. Tout l'art du romancier est de nous faire partager la fascination qu'il éprouve lui-même à voir et sentir vivre ses personnages.

Un rapprochement a-t-il jamais été fait entre Conrad et Proust ? Ils ont l'un et l'autre un irrésistible talent pour nous décrire avec un apparent détachement et une minutie presque maniaque les états d'âme de leurs personnages.

Après quelque deux cents pages initiatiques, les quatre personnages principaux embarquent sur un grand voilier (le Ferndale) qui, au terme d'une longue traversée, les emporte vers leurs destins. le huis clos les enferme.

À en juger par le nombre de cigares fumés par le narrateur, une fois revenus à terre, nous aurons passé un grand nombre d'heures à son écoute, mais sans que jamais l'ennui ne nous ait gagné. C'est que, pour partie, la qualité de la traduction (que l'on doit à Roger Hibon) entretient le charme avec lequel l'auteur dresse pour nous un tableau où l'amour ou [la faillite de l'amour ?] le dispute à la haine.

PS- Un bémol relatif à la mise en pages peu moderne : la surabondance de guillemets (" et « ») est exaspérante et serait dans doute mieux maîtrisée de nos jours, malgré les emboîtements successifs de paroles rapportées (celles du narrateur qui dit qu'untel a révélé qu'on lui avait dit ─ou il aurait entendu─ que ...).
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Une jeune femme traumatisée par le procès suite à la banqueroute honteuse commis par son père, ressentie comme une humiliation et brisée par les discours de personnes “charitables” concernant le déshonneur de celui-ci, se marrie dans la précipitation avec le capitaine du navire le Ferndale. On sent que se mariage est un peu une fuite de la part de cette demoiselle complètement détruite dans son amour propre, que l'amour est loin d'être le motif principal de l'union, mais qu'elle est plutôt poussée par la volonté farouche de quitter le monde mesquin et malfaisant des “terriens”, de soustraire son père au sortir de la prison du regard des humains et de vivre de manière fusionnelle avec lui. Mais voilà le père ne pardonne pas ce mariage advenu la veille de son élargissement avec un obscur marin et le vit comme une trahison, lui qui se considère comme victime d'une cabbale et qui aspirait à un mariage digne d'une fille de grand financier qu'il se croit être. le capitaine, quant à lui, est le type même des héros de Conrad, mu par une très haute idée, quasi aristocratique, de l'honneur et du devoir.
Ainsi Conrad hisse la vie romanesque au niveau du tragique; les hommes sont les jouets de leurs passions aveugles, souvent déjouées par le hasard, le destin ou la providence, appelez cela comme vous voudrez. L'auteur comme à plaisir et avec une grande maitrise technique, triture le temps du récit et jongle avec les points de vue narratif, apportant une grande profondeur à son récit qui, n'est pas dénué d'une ironie mordante. Néanmoins le roman met beaucoup de temps à se mettre en place et je n'est pas ressentit le plaisir poétique de Lord Jim ou la complexité passionnante de Nostromo.
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Je suis bien déçu par cette lecture, compte tenu du grand intérêt que je porte par ailleurs aux oeuvres de Conrad. J'ai dû m'accrocher pour le terminer, tant de nombreux passages, sinon une bonne partie du récit, sont longs, ennuyeux, verbeux. J'ai l'impression que l'auteur a dû bien peiner à l'écrire. Que de considérations et de généralités creuses sur "la femme", "l'homme", "l'amour"… L'intrigue est pourtant intéressante mais elle est mal construite et il faut attendre la moitié de l'ouvrage avant de saisir quels sont les enjeux et héros principaux.
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Conrad reste un excellent auteur, mais ce roman en question est très compliqué à suivre. D'ailleurs l'auteur le reconnaît. J'ai totalement perdu le fil de l'histoire, bien que je suis parvenu à le terminer. La qualité de l'écriture reste bien évidemment grande. Mais il faut s'armer de patience pour arriver au bout.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
“Je dis qu’une femme est sincère”, reprit Marlow après m’avoir donné un cigare et en avoir allumé un lui-même, “je dis qu’une femme est sincère quand elle énonce spontanément une assertion dont la forme ressemble de loin à ce qu’elle aimerait vraiment dire, à ce qu’elle pense vraiment qu’on devrait dire, s’il ne fallait pas ménager la susceptibilité stupide des hommes. Le jugement des femmes, plus fruste, plus simple, plus droit, embrasse toute la vérité, que leur tact, leur méfiance de l’idéalisme masculin, les empêche toujours d’exprimer complètement. Et leur tact est infaillible. Nous ne pourrions souffrir que les femmes disent la vérité. Nous ne pourrions le supporter. Cela causerait ne souffrance infinie, amènerait les plus effroyables bouleversements dans ce paradis illusoire assez médiocre, mais cependant idéaliste, dans lequel chacun d’entre nous vit sa propre petite vie, simple unité dans la vaste somme de l’existence. Et elles le savent. Elles ont pitié.
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Je ne sais pourquoi, j'imaginais que le capitaine Anthony appartenais à un genre d'hommes qui ne sont pas susceptibles de prendre l'initiative ; non pas, peut-être, par indifférence, mais en vertu de cette étrange timidité devant les femmes qui va souvent de pair avec les instincts chevaleresques, avec un grand besoin d'affection et une grande stabilité des sentiments. Ces hommes là sont faciles à émouvoir. Au moindre encouragement, ils vont de l'avant avec l'ardeur irréfléchie des affamés. Cela expliquait la soudaineté de l'aventure.
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"Comme elle a de grands yeux", se disait-il, surpris.
Rien d'étonnant à cela. Elle le fixait de toute la force d'une âme qui s'élève lentement d'un sommeil empoisonné où elle ne pouvait que trembler de douleur sans pouvoir ni se dilater ni se mouvoir. Il plongea dans ces yeux, tendu, le souffle coupé, toujours plus profondément, comme un marin fou qui se jetterait à corps perdu de la pomme du mât dans l'insondable mer bleue que tant d'hommes ont haïe et aimée à la fois.
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Je me flatte de comprendre toutes sortes de curiosités. La curiosité pour les faits, les choses, les hommes ordinaires. C’est la faculté la plus respectable de l’esprit humain – et même, je ne puis concevoir à quoi servirait un esprit dépourvu de curiosité. Ce serait comme une chambre perpétuellement fermée à clé.
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Je crois que tout comprendre n'est pas bon pour l'intelligence. Un cerveau bien garni freine l'élan de l'action; un cerveau trop encombré mène doucement à l’imbécillité.
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Un navire de croisière qui s'échoue. le commandant qui prend la fuite. Une trentaine de passagers qui perd la vie. Ca c'est passé il y a quelques années, vous vous en souvenez. Pour un marin, déserter le bord c'est le déshonneur suprême. Et pour un romancier, c'est l'occasion de sonder les abysses de l'âme humaine.
« Lord Jim » de Joseph Conrad, un classique à lire chez Folio.
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