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G. Jean-Aubry (Traducteur)
EAN : 9782070405503
384 pages
Gallimard (10/11/1998)
3.78/5   60 notes
Résumé :
Le dernier roman de Conrad, l'auteur de Typhon et de Lord Jim.

Sous la Révolution, tandis que les marines de guerre française et anglaise s'affrontent devant Toulon, Jean Peyrol, un vieil écumeur des océans, qui maintenant aspire au repos, s'installe dans un village de la presqu'île de Giens, près de Hyères.

Et pourtant, il va reprendre la mer, pour une mission sans retour.

Source : Folio
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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"Le frère de la côte" est un des derniers romans de Joseph Conrad. Et d'une certaine façon cela se ressent à la lecture.
Avec ce titre, je m'attendais à une aventure maritime mettant en scène la fameuse confrérie de flibustiers. Ce n'est pas le cas, le récit de Conrad ne prend pas place dans les Caraïbes mais se déroule dans le sud de la France peu après la Révolution, aux alentours de 1800.

Il n'y a pas que le contexte historique et géographique du récit qui m'ont surprise, sa tonalité m'a également étonnée. "Le frère de la côte" est le roman d'un écrivain vieillissant. Comme le dit G. Jean-Aubry, traducteur et ami de l'auteur, dans sa préface, à cette époque Conrad est fatigué et éprouve de moins en moins l'envie d'écrire. Cette lassitude, on la retrouve dans "le frère de la côte". A l'image de son créateur, Peyrol, le héros du roman, un marin vieillissant, n'a plus la soif d'aventures d'autrefois et n'aspire plus qu'à se retirer dans la région de son enfance. Il ne fait aucun doute qu'il y a beaucoup de Conrad en Peyrol. Il n'est pas le seul personnage du roman à exprimer une forme de renoncement. Ainsi Scavola, ancien "buveur de sang" lors de la Révolution, semble lui aussi bien las et vit reclus aux côtés d'une jeune femme quasi-mutique et d'une autre femme, plus âgée, qui vit dans le triste souvenir d'un amour impossible.
Même la façon de raconter échappe aux conventions du récit d'aventure et exhale un parfum de lassitude. Conrad aurait pu choisir de traiter cette intrigue en adoptant un rythme soutenu et en multipliant les péripéties, l'argument s'y prêtait. Il opte, au contraire, pour un rythme lancinant et un ton mélancolique. Il y a comme un refus de l'aventure dans "le frère de la côte".

Ne pensez pas que je n'ai pas aimé le roman. Il ne fait sans doute pas partie des meilleurs ouvrages de Conrad mais il a de nombreuses qualités. Tout d'abord, s'il m'a décontenancée, ce traitement est intéressant. le récit n'est certes pas vraiment palpitant mais il s'agit là d'une oeuvre intelligente, construite de façon réfléchie par son auteur. Nul doute que "le frère de la côte" exprime totalement ce que son auteur a voulu.
Par ailleurs, j'ai retrouvé avec grand plaisir l'immense talent de Conrad pour donner vie à des personnages justes et vrais. La psychologie des personnages est d'une finesse et d'une justesse comme j'ai rarement vu.
La fin du roman est très émouvante et achève de faire de Peyrol un personnage charismatique et marquant.

"Le frère de la côte" est loin de se hisser au niveau du "coeur des ténèbres" et peut surprendre ceux qui s'imaginent lire un véritable roman d'aventures. Il s'agit cependant d'un roman intéressant, attachant à bien des égards et qui n'amoindrit pas mon envie de lire encore et encore ce grand auteur.

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En 1793, Peyrol, un flibustier de l'océan Indien, décide de prendre sa retraite dans le pays de son enfance sur la presqu'ile de Giens. Il s'installe dans une ferme où habitent un féroce républicain prénommé Scevola, ainsi qu'une vieille femme et sa nièce, Catherine et Arlette, dont la famille royaliste a été massacrée par les sans-culottes. Une très étrange et complexe association que celle de ces quatre personnages, isolés et haïs des autres villageois.
Mais ce n'est que l'introduction, car toute l'action se passe quelques années plus tard, sous Napoléon, alors que l'amiral Nelson dirige le blocus de Toulon. Un certain lieutenant Réal surgit et vient bousculer la vie de la ferme et de ses occupants qui avaient réussi à entretenir pendant les dix années précédentes une sorte de paix ou de calme apparent. A l'intrigue militaire se mêlent les drames personnels de chacun.
Un roman sans prétention mais à la réalisation impeccable : Les personnages principaux sont biens caractérisés, Conrad multiplie les pistes de narration, expliquent peu à peu les différentes histoires, avec quelques passages qui rappellent les romans d'aventure. Un excellent travail. Par ailleurs, Conrad porte sur la Terreur un regard d'Anglais, c'est-à-dire intransigeant mais pas non plus buté ou partial. S'il ne trouve pas d'excuse à « ces passions désordonnées et ces erreurs bruyantes de la Révolution », il s'intéresse autant aux coupables qu'aux victimes. Arlette, la fille de la ferme dont les parents ont été assassinés, est en ce sens un personnage merveilleux. Au début, Conrad la décrit comme un fantôme, une personne presque immatérielle, égarée dans un monde qu'elle ne voit plus. « Elle porte la mort dans les plis de sa jupe et elle a les pieds dans le sang. Elle n'est pas faite pour un homme », juge sa vieille tante implacable qui n'est pas non plus sans drame personnel. Et c'est captivant de suivre l'évolution de tous les personnages de ce roman.
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Un livre sans défauts et que je trouve étonnamment moderne ( 1923) dans sa construction qui, vers la fin, n'est pas chronologique (un même moment est repris en se centrant sur un nouveau personnage). le récit est intéressant : j'ai eu envie de connaître la suite sans cesse. Des personnages forts et bien campés - dont le principal, que j'ai imaginé sous les traits de Jean Gabin dernière époque et qui a été interprété par Antony Quinn dans le film de 67 (pas mal non plus ! ). C'est un récit assez étrange par les personnages mystérieux et tourmentés qu'il présente et une manière originale et évocatrice, réaliste, d'évoquer le climat pendant la révolution française (la Terreur puis le Consulat). Dans l'édition de poche (Folio) de 1976, la préface du traducteur est intéressante et modeste. Pour visualiser les lieux du récit j'ai recherché sur google earth et ai trouvé les lieux de l'action qui existent encore (escampobariou ou quelque chose comme ça) sur lesquels se trouvent les ruines d'une bâtisse qui pourrait être celle du roman. Jack London avait semble-til du respect pour Conrad et, si vous allez jusqu'au bout du livre, vous verrez qu'il y a une certaine similitude avec Martin Eden...
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Le frère de la côte est le dernier roman de Conrad. le 4ème de couverture résume assez mal le livre: "Un vieil écumeur des océans qui aspire au repos et pourtant va reprendre la mer". Il s'agit plutôt de la "retraite" d'un ancien corsaire de retour sur sa terre natale, la Provence et qui est sollicité pour lutter contre les marines anglaises. Pendant tout le livre il retape une vieille tartane se demandant s'il aura le courage de reprendre la mer.
La construction de ce livre est assez étrange. Il n'y a pas vraiment d'action et les personnages, tous présents dès le début, nous sont présentés au fur et à mesure du déroulement des événements. On découvre ainsi progressivement leurs pensées, leurs sentiments, leurs comportements ainsi que leurs implications dans cette période lourde de conséquences : Sous la Révolution française, sur la côte provençale en face de l'île de Porquerolles, la marine s'affronte contre les anglais dans la rade de Toulon. le personnage principal, Peyrol, exprime la dignité du corsaire au passé chargé. Autour de lui s'affrontent les caractères et les idées d'une période trouble qui lui ait étrangère puisque la vie de marin du héros l'a laissé à distance du tumulte. Vers qui se tourner alors, comment s'impliquer, pourquoi s'engager ? Tels sont les questions qui vont surgir dans l'esprit de Peyrol. Un livre difficile d'accès, très bien écrit mais qui souffre d'une traduction approximative et confuse (référence à celle de 1976).
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"(...) son instinct de repos avait enfin trouvé son gîte."

Dernier roman achevé de l'immense Conrad, le Frère-de-la-Côte a des allures testamentaires. Plus ramassé que ses devanciers, ce récit de l'ultime exploit d'un vieux forban sous le Consulat se déroule, quasi huis-clos, dans une ferme varoise en bord de mer. Il confronte une poignée d'épaves humaines : un sanguinaire et fanatique sans-culotte, Scevola ; Catherine, une vieillarde qui expie une faute de jeunesse ; sa nièce mutique Arlette, traumatisée par les excès de la Terreur ; Michel, un simple d'esprit soumis ; Réal, un officier français au service du 1er Consul et notre écumeur des mers en retraite, le faussement paisible Peyrol. Cette laisse humaine de la Révolution s'abandonne au flux et reflux d'un destin sardonique.

Tête blanche et bras tatoués, Peyrol, alter ego touchant de l'écrivain au crépuscule de sa vie, se lance bien malgré-lui dans une ultime aventure. A bord de sa rutilante tartane, il bravera le blocus de l'Amiral Nelson et se sacrifiera pour la beauté du geste.

Savonné, rincé, le style de Conrad gagne en efficacité ce qu'il perd en profondeur. Plus question ici de discordances testimoniales, ni de chronologie convulsée : l'histoire, même si elle s'autorise quelques coups d'oeil rétrospectifs, reste linéaire. Unité de lieu, peu d'action, des dialogues étrangement hiératiques, le Frère-de-la-Côte ne cherche pas à cacher sa théâtralité douce-amère.

La mélancolie envahit rapidement ce récit désenchanté où regrets et remords constellent les consciences. Les vies rognées des personnages se font alors minuscules : chacun se dépouille et se résigne qui à la solitude, qui à la fidélité aveugle, qui à l'amour ou à la mort acceptés.

J'ai été vivement touché par ce miroir de la mer où se reflète la jeunesse du vieil écrivain bourlingueur. le roman dont l'épigraphe deviendra l'épitaphe de Conrad constitue un baroud d'honneur émouvant.

Sleep after toyle, port after stormie seas,
Ease after warre, death after life, does greatly please. (Spencer)
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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critiques presse (1)
Telerama
01 avril 2021
On y retrouve le génie du conteur maritime et sa parfaite maîtrise des enjeux politiques. Une formidable introduction – ou synthèse – de l’œuvre de Conrad, en partie rassemblée dans un beau volume paru chez Omnibus.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Ce n'est qu'une fois parvenu au terre-plein qui s'étendait devant la maison que Peyrol prit le temps de s'arrêter et de reprendre contact avec le monde extérieur.
Pendant qu'il était resté enfermé avec son prisonnier, le ciel s'était couvert d'une légère couche de nuages, par un de ces brusques changements du temps qui ne sont pas rares en Méditerranée. Cette vapeur grise, en mouvement très haut, tout contre le disque du soleil, semblait élargir l'espace derrière son voile et ajouter à l'étendue d'un monde dépourvu d'ombres, non plus un monde étincelant et dur, mais dont tous les contours de ses masses et la ligne d'horizon s'adoucissaient , comme prêts à se dissoudre dans l'immensité de l'infini.
Indifférente et familière aux yeux de Peyrol, palpable et vague tout ensemble, l'étendue de la mer changeante avait pâli sous le pâle soleil par une réaction mystérieuse et émotive.
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« Le vin, les trottoirs, les armes et les figures, tout était rouge. J’étais toute éclaboussée de taches rouges. Il me fallut courir avec eux toute la journée et il me semblait tout le temps que je tombais, que je tombais. Les maisons se penchaient sur moi. Le soleil par moments s’éteignait. Et tout à coup, je m’entendis hurler exactement comme les autres. Comprenez-vous cela, monsieur l’abbé
? Exactement les mêmes mots ! »
Les yeux du prêtre, du fond de leurs orbites, glissèrent vers elle, puis reprirent leur distante fixité. Pris entre son fatalisme et sa foi, il n’était pas très éloigné de penser que Satan s’était emparé de cette humanité rebelle, pour mettre à nu les cœurs de pierre et les âmes homicides des révolutionnaires.
« J’ai un peu entendu parler de cela », murmura-t-il furtivement.
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Entré à la pointe du jour dans l'avant-port de Toulon, aprés avoir échangé de bruyants saluts avec un des canots de ronde de la flotte qui lui montra où prendre son mouillage, le maître-canonnier Peyrol jeta l'ancre du bâtiment, usé par la mer et délabré, dont il avait la charge, entre l'arsenal et la ville, en vue du quai principal.
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La vieille femme secoua doucement sa nièce. « Les rêves ne signifient rien, dit-elle, tu es éveillée maintenant… » Et, à vrai dire, Catherine pensait qu’il n’y a pas de rêves aussi affreux que les réalités qui prennent possession de vous pendant les longues heures de veille.
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Un navire de croisière qui s'échoue. le commandant qui prend la fuite. Une trentaine de passagers qui perd la vie. Ca c'est passé il y a quelques années, vous vous en souvenez. Pour un marin, déserter le bord c'est le déshonneur suprême. Et pour un romancier, c'est l'occasion de sonder les abysses de l'âme humaine.
« Lord Jim » de Joseph Conrad, un classique à lire chez Folio.
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