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G. Jean-Aubry (Traducteur)Pierre Coustillas (Traducteur)
EAN : 9782070356317
128 pages
Gallimard (15/05/2008)
3.5/5   14 notes
Résumé :
En rentrant chez lui après une journée de travail, Alvan Hervey découvre avec stupeur que sa femme l'a quitté. A la surprise et l'incompréhension succède la colère.
Mais voilà que l'infidèle revient. La confrontation peut commencer...
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Une brève lettre de rupture, rapidement griffonnée, dans l'urgence. La femme d'Alvan Hervey, un aristocrate londonien respecté, est partie. Avec un journaliste. Après cinq ans de mariage, elle l'a quitté, lui, son mari, Hervey. Sans discussion, sans échange verbal, juste cette lettre. Hervey entre dans une introspection vertigineuse, se torture l'âme chez lui (chez eux), reprenant le cours des événements passés. Où a-t-il pu fauter ? N'est-ce pas plutôt elle qui vient de faire erreur en l'abandonnant à son sort ? Quand tout à coup des pas. Madame est de retour à la maison. Hervey est là, déstabilisé , désarmé. La confrontation peut commencer, elle sera sans concession.

Quelle nouvelle extraordinaire ! Écrite en 1898, elle nous fait découvrir un CONRAD méconnu dans une ambiance feutrée, intimiste d'une maison bourgeoise, sans témoins, juste deux protagonistes qui naviguent entre colère, incompréhension et rejet de la culpabilité sur l'autre. le couple Hervey est passé au crible, y'a-t-il eu un élément déclencheur pour que la femme décide de partir ? Et maintenant qu'elle est revenue, restera-t-elle ? À quel prix ? le couple pourra-t-il renouer avec son passé afin de préparer sereinement l'avenir ? Hervey avait finir par espérer un accident, un incident définitif : « Si encore elle était morte ! Il en vint à envier une aussi respectable perte, si dénuée de toute maladresse que son meilleur ami même ou son pire ennemi ne pourrait en éprouver la moindre satisfaction. Personne ne s'en fut soucier ». Car dans ce monde, dans cette société coincée, bourgeoise, influente, on évolue au sein du « Qu'en dira-t-on ? ».

« le retour » est une nouvelle exemplaire par sa structure, ses réflexions psychologiques ainsi que sa chute. Elle pénètre au tréfonds de l'âme humaine, l'analyse avec rigueur, froideur, la dissèque, sans cris, sans esbrouffe. Monologue écorché se dirigeant vers un dialogue de sourds, un reflet des pensées intimes des protagonistes, mais non dévoilées entièrement, comme suspendues au-dessus de leurs têtes. Nous sommes proches du chef d'oeuvre, alors que c'est pourtant l'un des tout premiers récits de CONRAD.

Il est rare de parcourir un texte aussi court et pourtant aussi étouffant, aussi cloisonné, aussi hermétique à toute respiration, ils nous rend prisonnier dans la demeure des deux acteurs sortis de l‘imagination de CONRAD, sans espoir de trouver la porte de sortie, il nous rend témoins en même temps que voyeurs par obligation, il nous attache sans fioritures à un pilier en nous forçant à garder les yeux ouverts, mais surtout les oreilles afin de mieux entendre ce dialogue violent, plein d'amertume. Tantôt l'un, tantôt l'autre des époux, prend l'avantage sur le conjoint, l'adversaire devrais-je dire, jusqu'à une sorte de jeu sordide et malsain.

Ce qui est fascinant dans cette nouvelle, est ce qu'elle a peut-être engendré. Par son atmosphère, par son agencement même, elle semble résumer à l'avance toutes les trames des romans durs que SIMENON écrira entre les années 1930 et 1972. SIMENON était un admirateur de CONRAD. Cette nouvelle est terriblement, vertigineusement « proto-Simenonienne », écrite plus de 30 ans avant le premier « roman dur » de SIMENON. Elle est comme la racine stricte, pure et envoûtante de l'oeuvre future d'un autre romancier majeur qui semble avoir puisé la sève de son univers dans ces quelques dizaines de pages. Tout fan de SIMENON se doit de lire cette nouvelle. Mais au-delà de cet aspect tout subjectif et presque cavalier, reste l'esprit novateur. le texte de CONRAD semble ne pas appartenir à la fin du XIXe siècle, pourrait même paraître contemporain sans rougir, sans sonner faux ni suranné, grâce à sa modernité de style, de structure et de sujet, c'est une autre force a posteriori de cette nouvelle, peut-être l'une des plus belles qui m'ait été permis de lire.

CONRAD a souvent été un peu hâtivement rangé du côté des romanciers maritimes, « le retour » montre tout le contraire, et pour tout dire une facette tout aussi séduisante (peut-être plus) d'une oeuvre protéiforme. Cette nouvelle est régulièrement réédités, la dernière en date vient de paraître à la République des Lettres, toujours dans la traduction de George-Jean AUBRY qui continue à faire autorité dans l'oeuvre de CONRAD. CONRAD nous a quittés il y aura 100 ans dans quelques mois, Des Livres Rances est déjà sur le pont pour participer à cette commémoration, l'année 2024 sera agrémentée de lectures de Joseph CONRAD, ce dont je me réjouis.

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Alvan Hervey, grand bourgeois londonien, compassé et corseté, rentre plus tôt que prévu à son domicile où l'attend une courte lettre de son épouse lui annonçant qu'elle le quitte pour un autre.

Sensible au qu'en-dira-t-on et désireux de garder son flegme en toute occasion, il s'apitoie d'abord sur son propre sort et s'ingénie à trouver le meilleur moyen de garder la tête haute face au petit monde dans lequel il évolue. Las, l'épouse infidèle (qui n'a pas vraiment pris le temps de l'être) rentre inopinément pensant avoir le temps d'effacer la preuve de sa sortie de route et désireuse de rentrer dans le rang. Une explication s'impose entre ces deux étrangers...

Conrad, dans cette longue nouvelle aigrelette, dissèque le cadavre encore chaud d'un amour qui n'en avait que le nom : entre un époux aveuglé par les conventions et qui confond le sentiment amoureux avec le ronron du conformisme et sa légitime avide de romantisme, de passion mais elle aussi esclave d'un conservatisme de classe, la vision idyllique du couple implose. Tels "deux habiles patineurs qui dessinent des figures sur une glace épaisse pour éblouir les spectateurs, et qui ignorent dédaigneusement le flot caché, le flot mouvant et sombre, le flot de la vie, profond et hors d'atteinte du gel", les Hervey ont fait le choix de la cécité du coeur.

Proche de James, Conrad, dans ce récit saturé de miroirs, nous donne l'occasion d'ausculter nos propres reflets. " L'amour le plus exclusif pour une personne est toujours l'amour d'autre chose." écrit Proust, ici la notabilité, la respectabilité et l'orthodoxie, là la peur de l'inconnu et du jugement.

Une démangeaison littéraire avec une fin pour le moins surprenante car paradoxale.
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Londres, fin du XIXe ou tout début du XXe siècle. Un homme de la haute bourgeoisie rentre chez lui et découvre un billet de sa femme lui disant qu'elle quitte le domicile conjugal pour rejoindre un leurs amis, journaliste et poète. Puis, comme le révèle déjà le titre de cette nouvelle, la femme reviendra à leur domicile. Conrad nous fait un récit circonstancié de cette scène en nous la racontant du point de vue du mari. Le ralenti qu'opère Conrad nous dévoile les moindres pensées du mari, ses emportements comme ses hésitations. Il s'agit donc d'une sorte d'autopsie d'une crise conjugale. C'était sans doute très nouveau, surtout de la part d'un homme, au moment où Conrad écrivait cette nouvelle. Ça l'est sans doute moins aujourd'hui mais la finesse du récit, la richesse de la langue dont fait preuve Conrad reste néanmoins tout-à-fait remarquable, je trouve.
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La confrontation se terminera d'une manière pour le moins surprenante. Mais la pirouette est loin d'être gratuite. Quelle sagacité, du grand art.
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en une centaine de pages, denses et fermes, une évolution intérieure avec combats, vers l'humanité.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
“Et l’idée lui vint tout à coup qu’il avait été fou de se marier. Cela revenait trop à une trahison de soi-même, à une aventure — ne serait-ce que momentanée — en terrain découvert. Mais tout le monde se mariait. L’humanité entière était-elle donc folle ?”
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Il était en proie à cette frayeur pénétrante, vacillante qui, au beau milieu d'un battement, semble vous changer le coeur en une poignée de cendres. La souillure du crime de cette femme se propageait, corrompait l'univers, le corrompait lui-même ; elle réveillait toutes les infamies qui couvent dans notre monde, le douait personnellement d'une sorte d'horrible voyance qui lui faisait voir les villes et les champs de la terre, ses lieux sacrés, ses temples et ses maisons, peuplés de monstres - de monstres de duplicité, de luxure et de meurtre.
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Il vivait dans l'indicible sagesse du silence, protégé par une foi indestructible promise à l'éternité, et qui résisterait sans se laisser entamer à tous les assauts - qu'il s'agisse des bruyantes exécrations des apostats ou de la secrète lassitude de ses confesseurs ! Il était ligué avec un monde d'avantages incalculables. Il représentait la force morale d'une merveilleuse discrétion capable de vaincre toutes les pitoyables trivialités de la vie
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Il comprit subitement que la morale ne mène pas au bonheur. La révélation fut terrible. Il s’aperçut aussitôt que rien de ce qu’il savait n’avait la moindre importance. Les actions des hommes et des femmes, la réussite – rien de tout cela ne comptait.
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Ils évoluèrent dans ce cercle élargi parmi des hommes et des femmes tout à fait délicieux qui redoutaient l'émotion, l'enthousiasme ou l'échec, plus que l'incendie, la guerre ou les maladies mortelles , qui ne toléraient que l'expression la plus ordinaire des idées les plus ordinaires, et n'admettaient que les faits avantageux.
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Un navire de croisière qui s'échoue. le commandant qui prend la fuite. Une trentaine de passagers qui perd la vie. Ca c'est passé il y a quelques années, vous vous en souvenez. Pour un marin, déserter le bord c'est le déshonneur suprême. Et pour un romancier, c'est l'occasion de sonder les abysses de l'âme humaine.
« Lord Jim » de Joseph Conrad, un classique à lire chez Folio.
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