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Nadia Akrouf (Traducteur)
EAN : 9782070314393
688 pages
Gallimard (08/04/2004)
4.38/5   1459 notes
Résumé :
"Body and Soul", 1993.

À New York, dans les années quarante, un enfant enfermé dans un sous-sol regarde les chaussures des passants. Pauvre, sans autre protection que celle d'une mère excentrique, Claude Rawlings semble destiné à demeurer spectateur d'un monde inaccessible. Mais dans la chambre du fond, enseveli sous une montagne de vieux papiers, se trouve un petit piano désaccordé. En déchiffrant les secrets de son clavier, Claude va se découvrir lu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (185) Voir plus Ajouter une critique
4,38

sur 1459 notes
Je ne te ferai pas l'affront de résumer un tel roman qui parle si bien de la musique. J'ai juste envie de m'asseoir sur une chaise brinquebalante dans un bar où l'on sert de la Chouffe, d'attendre la serveuse aux petits seins – oui je sais dans ce bar elle n'est malheureusement pas recrutée pour la taille de ses nibards - et te lire ce paragraphe :

« Monsieur Oliver considéra les touches un moment, retroussa les manches de sa chemise et commença à jouer, laissant échapper un grommellement étouffé du fond de sa gorge, mâchonnant sa lèvre inférieure comme un homme dans la souffrance. Il joua sans interruptions des strides et des boogies pendant plus d'une demi-heure, les mains martelant, les bras pompant, la tête et le torse immobiles. Une sueur légère perla à son front au bout d'un moment. Ce fut une tempête de notes et Claude, fasciné, regarda les bras de l'homme se croiser et se décroiser, se déplacer ensemble et séparément, et ses doigts, fonctionnant à une vitesse incroyable, arracher des thèmes limpides à une lame de fond presque irrésistible de musique. »

Tu entends cette musique, tu vois cette perle de sueur qui coule le long de sa tempe. Les mots ne sont pas que des mots, ils prennent vie dans ce corps, les notes s'envolent du livre et dansent autour de moi dans un esprit même de recueillement tant cette musique est contemplative. La beauté même du classique tel que je le conçois ; une introspection avec soi-même qui rentre en communion avec le sol, le fa ou le si bémol du compositeur. Peu importe d'ailleurs la note ou la fougue, l'âme fugue au-delà des pages et des chapitres.

Claude est cet enfant prodige, né sans père, enfermé presque dans un sous-sol crasseux de New-York. Il a un don, il a une chance, celle de trouver un professeur qui lui donne des cours pour 25 cents, celle de se voir entourer des plus grands interprètes du moment, celle de croiser le regard d'un joueur de blues qui lui donnera un petit bout de papier avec quelques notes de boogie. Mais le don ne suffit pas, ni même la chance. Il y a aussi la volonté, l'abnégation, le désir omniprésent d'apprendre et d'être le meilleur, du moins de faire honneur à ce Steinway et à tous ces professeurs qui ont cru en lui et lui ont donné le coup de pouce nécessaire pour percer dans ce milieu très fermé, bourgeois et guindé.

« Corps et âme », Claude les donnera à sa musique, à son piano, à ce vieux monsieur Weisfeld. Il deviendra virtuose, le pianiste que les plus grands voudront s'arracher mais l'esprit ouvert par son apprentissage incessant, il s'intéressera autant à Beethoven qu'à la musique contemporaine, ira perdre son âme dans les boogies des clubs de jazz, découvrant le sens profond de la musique avec le Be-bop de Charlie Parker ou à la virtuosité et l'improvisation d'Art Tatum. Parce que Frank Conroy n'hésite pas à faire cohabiter le classique au jazz et à les mettre au même niveau d'émotion.

Et comment ne pas être ému par certains passages décrivant les pulsions créatrices de ces musiciens. Des larmes s'écouleraient presque tant je suis surpris par la perception de ces mots qui font échos en moi comme une petite musique venue bercée mon corps et mon âme. Quand Claude joue, je l'écoute, j'ai des frissons, je pleure même – et même si le roman traîne parfois en longueur, il est parcouru par certains moments de grâce. Quand Claude s'installe dans son costume de pingouin avec ou sans queue de pie, qu'il s'installe sur le petit tabouret devant le majestueux Steinway du Carnegie Hall ou qu'il s'échappe dans un club de jazz et de noirs pour jouer quelques notes de blues furieusement sauvage, quand il s'installe seul dans son sous-sol qui lui sert de studio et qu'il fredonne quelques goualantes à la mélodie triste et mélancolique, c'est toute ma lecture qui s'en trouve bouleversée et émue.
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Corps et âme, c’est l’histoire d’un don. Un don accordé par la grâce, ou la génétique, à Claude, petit garçon chétif, qui vit dans un sous-sol avec sa mère, à New-York dans les années ’40. Livré à lui-même pendant que sa mère fait le taxi, Claude a découvert sous un tas de vieux papiers au fond de l’appartement, un petit piano désaccordé. L’enfant essaie d’apprivoiser l’instrument, d’en comprendre le clavier. C’est la naissance d’une passion, d’un pur talent de musicien, et le début d’années de travail acharné. Le hasard (quasiment un miracle) mettra sur la route de Claude un certain Mr. Weisfeld, qui comprend très vite que ce petit bonhomme est un prodige, et qui deviendra son premier professeur, son mentor et protecteur, véritable père de substitution. Grâce à lui, Claude aura par la suite les professeurs les plus prestigieux, fera ses études dans les meilleurs collèges.
D’un appartement miteux aux ors des plus grandes salles de concert de la planète, Corps et âme est l’histoire d’une vie consacrée au piano, d’une vocation, comme quand on entre en religion. La musique classique constitue le noyau de ce roman, autour duquel gravitent d’autres thèmes : le jazz, les différences sociales, l’amour, la paternité, le succès et la jalousie, les relents du nazisme, l’argent et le boom immobilier new-yorkais.
Voilà pour le résumé. Maintenant…Comment vous faire comprendre ce que j’ai ressenti pendant cette lecture… On dit qu’après Mozart, le silence qui suit est encore de Mozart. Je fais partie d’un chœur amateur, et il m’arrive aussi d’assister à des concerts de musique classique. Certaines œuvres procurent des sensations intenses, de bien-être, de plaisir pur, sans oublier le stress, le trac qui précède l’entrée en scène. Souvent, à la toute fin du morceau, le temps reste suspendu à la baguette du chef pendant quelques secondes, personne ne bouge ni ne souffle le moindre mot, comme si tous, chanteurs, musiciens, chef, auditoire, voulaient prolonger les émotions éprouvées pendant le morceau, au-delà de la partition. Quelques secondes pour que les dernières ondes sonores se dissolvent dans les plafonds de la salle de concert, pour que les corps et les âmes, habités par la musique, reviennent à la réalité. C’est là que la tension se relâche, que le chef abaisse le bras, que les musiciens et choristes reposent instruments et partitions, que le public se déchaîne en applaudissements. Soulagement et euphorie mêlés, c’est jouissif et fascinant. De la même façon, il est tout aussi fascinant d’observer un musicien ou un chef d’orchestre pendant un concert, et d’assister au moment du lâcher-prise par rapport à la réalité, le corps et l’esprit emportés et portés par les nuances de la partition, totalement étranger à tout ce qui n’est pas musique. L’expression « corps et âme », c’est exactement ça. En l’occurrence, le petit miracle de Frank Conroy, c’est d’avoir su restituer à la perfection les états d’âme de son héros, futur pianiste virtuose, et de réussir à nous faire entendre la musique qu’il décrit. Les non-musiciens pourraient trouver ces descriptions rébarbatives, et j’avoue que je n’ai pas tout compris de la musique atonale, mais ce n’est pas gênant. Les sceptiques pourraient aussi trouver cette histoire trop belle pour être honnête, avec cette incroyable succession de coups de chance, mais je ne crois pas que ça nuise à sa crédibilité. Vous allez me trouver guimauve, mais tant pis, moi, à Noël, j’aime bien les belles histoires…
Joyeux Noël à tous ! :-)
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A la fermeture de ce livre, je me retrouve identique à la dernière note d'un concert fabuleux : hébétée, les bas en l'air, incapable d'applaudir tellement ce fut beau et bon. Quelqu'un disait qu'après Mozart, le silence qui suivait était encore du Mozart……….l'après de ce livre est encore le livre.
L'écriture se déroule tel un legato, sans rupture ni temps mort ; l'intensité est modulée au gré des mots et des chapitres.
Les pages s'enchainent, tel un mouvement perpétuel dans lequel le lecteur rentre, sans y éprouver la moindre lassitude, aucun mot de trop, aucune longueur. Tout y est intense, concentré, fort.
Je me souviens particulièrement du passage lorsque Claude déchiffre le concerto pour 2 pianos de Mozart…………..j'en entendais presque les notes………frustrée tout de même de pas avoir l'enregistrement à portée de main pour m'accompagner.
La musique est omniprésente, tel un personnage à part entière. Elle fait corps avec Claude Rawling.
« Aussi singulier ou mystérieux que fût l'environnement (…), où qu'il se trouvât, dès qu'il s'asseyait au piano, le monde qui l'entourait n'avait simplement plus d'importance. Sa relation physique avec le piano était immuable. Tout le reste était là. Ses repères étaient là » p 210
Les références musicales sont nombreuses, sans élitisme. Même non averti dans le domaine, le lecteur ‘y retrouvera.
Quel bonheur de se promener avec Mozart, Chopin, Bach, mais aussi les plus grands jazzmen de l'après guerre……

En dehors de la musique, l'auteur a su donner de la consistance à son autre personnage clé du roman Claude Rawling. Nous faisons la connaissance d'un jeune garçon, pauvre, un peu livré à lui-même, qui vit avec une mère fantasque dans le New York bouillonnant des années 40.Son destin était tout tracé………….sauf qu'à New York, dans ces années là, pour peu que l'on soit un peu ambitieux, et travailleur, tout était possible. Si l'on rajoute à cela un petit coup de pouce du destin, la confiance d'un voisin dans lequel Claude va trouver le père manquant, l'avenir s'ouvre en grand devant lui. Un prodige, très vite conscient de ce qu'il est, va prendre le lecteur et l'accompagner dans son ascension musicale, et sociale ; dans sa vie d'homme, avec ses joies et ses meurtrissures, ses secrets.
Assurément ce livre est un immense coup de coeur.












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Souvent j'ai pensé que les musiciens avaient un supplément d'âme, un savoir qui leur donnait accès à un monde extraordinaire, un domaine que ma méconnaissance de la musique m'avait rendu inaccessible, malgré la passion que j'en avais.

Un univers décrit formidablement dans ce roman des rencontres et des partages d'un élève et de ses professeurs livrés corps et âme à la musique, l'histoire de la naissance d'un jeune prodige devenu un pianiste virtuose, un garçon pauvre que rien ne prédisposait à ce destin, si ce n'est un vieux piano désaccordé au fond de l'antre où sa ma mère l'abandonnait quotidiennement.

Lire ce récit envoûtant de Frank Conroy, qui évoque longuement la technique et la complexité de la composition musicale pour mieux nous faire entrevoir l'immensité de l'étendue de ses possibles, est pour les profanes (et les autres peut-être) ne plus jamais écouter la musique et ses interprètes de la même manière, j'en ai fait l'expérience hier soir à Gaveau.
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Pour Claude, les journées dans le petit appartement de la cave offrent peu de distraction : le passage des piétons devant le soupirail et un peu de musique à la radio. Quand il trouve le petit piano blanc, il commence par jouer pour conjurer la solitude, car la cacophonie vaut mieux que le silence ou la pesante présence de sa mère dont les activités nocturnes semblent lui attirer bien des ennuis. Emma est « une grande femme en colère, prisonnière d'un discours perpétuel qui semblait se nourrir de lui-même. » (p. 115) Rapidement, Claude se découvre une passion et un don pour la musique. Avec l'aide d'Aaron Weisfeld, le propriétaire du magasin de musique voisin, le petit garçon apprend et travaille avec patience et acharnement. « La musique était là, simplement, sans qu'il y pense, sans qu'il se concentre sur elle. Il n'en était pas plus conscient que de sa propre respiration. Il n'avait pas l'impression qu'il la faisait mais qu'elle existait indépendamment, circulant dans un coin de son cerveau. » (p. 79)

Claude apprend vite et développe son talent avec une aisance qui impressionne ses maîtres. Jeune prodige, il entre très tôt dans le monde des concertistes. La musique lui est aussi nécessaire que l'air, elle est même un second souffle indispensable. « À l'exception possible de Weisfeld, nul ne savait que la musique l'avait sauvé. Que grâce à elle, il l'avait échappé belle. […] Sans musique, il serait encore, et toujours, cet enfant vague, faible, aussi évanescent qu'une volute de fumée. » (p. 301) Par certains côtés, et en dépit des nombreuses rencontres qu'il fait, Claude est coupé du monde, en apesanteur dans une bulle qui vibre d'accords et de notes. Entre répertoire classique et rythmes jazzy, Claude fait chanter les pianos et il donne à la musique une densité légère et enveloppante. « La musique est ce qui compte le plus au monde, pour moi. […] Plus je fais de la musique, plus ça me paraît évident. Je voudrais jouer, je voudrais composer. La musique ne s'épuisera jamais. Elle ne disparaîtra jamais. Je voudrais donc lui consacrer ma vie. » (p. 282)

Il y a beaucoup de théorie musicale dans ce roman, mais il n'est pas besoin de la comprendre pour saisir l'extraordinaire mélodie qui sourd des mots et qui émane du roman tout entier. Corps et âme est un texte émouvant, parfois drôle et acerbe. C'est un roman fleuve qui entraîne le lecteur dans une frénésie harmonique, au sein d'une New York qui se déconstruit et revêt les atours de la modernité. Chaque fois que j'ouvrais le livre, je plongeais dans un monde très beau et délicat, suivant l'histoire de Claude en retenant mon souffle devant la beauté de cette partition littéraire.
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Citations et extraits (154) Voir plus Ajouter une citation
Au bas de la rue, dans la lumière brillante qui se déversait du Loew's Orpheum, un petit orchestre de l'Armée du Salut jouait America The Beautiful, et les passants jetaient de la monnaie sur une couverture étalée devant lui - une pluie continuelle de pièces étincelant dans l'air du soir. Partout les gens souriaient, riaient, s'envoyaient des tapes dans le dos. Claude remarqua un vieil homme assis sur un pare-choc de voiture, les joues ruisselantes de larmes. Un chien échappé courait dans la foule, trainant sa laisse derrière lui. Du temps à autre, il se dressait sur ses pattes arrières.
Étourdi par l'excitation générale, Claude roula son bras autour d'un réverbère et continua à regarder, tourna la tête à droite et à gauche pour ne rien rater du spectacle. Un drapeau américain avait été déployé à la fenêtre du second étage d'une salle de billard.
Un homme, avec une barbe grise qui lui arrivait au milieu de la poitrine, était juché sur une caisse devant une épicerie et hurlait des mots que Claude ne comprenait pas, en agitant les bras de façon saccadée comme s'ils étaient mus par des ficelles. Des Klaxons retentissaient sur la chaussée. Sous la terre, le métro grondait.
Claude comprit que tous ces inconnus étaient entrainés dans quelque chose de commun, qu'une force invisible avait balayé toutes leurs différences. Ils ne faisaient qu'un, ils étaient unis. Et tandis qu'il se cramponnait encore plus fort au réverbère, il sentit ses propres larmes couler, parce qu'il était absolument seul, entièrement à part, et qu'il savait que rien en lui ne pourrait jamais changer cela.

P 23 24 (Edition Gallimard)
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"Hors du corps, hors du monde"

Dans la lueur rose pâle, elle lui enleva sa veste, glissa sa langue entre ses lèvres. Elle déboutonna sa chemise, pressa sa joue contre sa poitrine. Étourdi par la gout de sa salive, l'odeur de ses cheveux, la chaleur lisse de son cou, il la déshabilla comme elle le déshabillait. Ce fut facile, leurs mains savaient tout, comme s'ils l'avaient fait des milliers de fois.

Leur nudité totale semble miraculeuse, un cadeau du ciel, qui les laissa le souffle court.

Pendant trois nuits et deux jours ils firent l'amour. La première fois sur la tapis, il la suivit, se glissant dans le sillage de sa certitude, stupéfait par sa force, confondu par la profondeur de son abandon aux puissances qui les entrainaient. Il comprit rapidement que pour elle - très vite aussi pour lui - ce qui se passait était une façon d'aller au-delà du corps (comme en musique, Fredericks lui avait appris à aller au-delà du mur.) La passion était une force qu'il fallait nourrir ardemment, avec gratitude, nourrir comme un ange affamé qui serait avec eux dans la pièce et aurait le pouvoir de les soulever hors d'eux-mêmes. Hors du corps, hors du monde, vers un ailleurs d'un bleu profond, où leurs âmes se joignaient dans, et avec le bleu. Voguaient ensemble dans le bleu - le bleu insupportable à une âme seule. Que l'on ne peut connaitre seul.

La deuxième fois, dans le grand lit de la chambre du fond, il fut son égal. Au tréfonds de lui-même, il sentit des mois dormants s'éveiller, s'avancer vers la complétude, comme s'il était un vaisseau qui réalisait aujourd'hui seulement sa destinée. Il rit et pleura en même temps. Elle couvrit son visage de baisers. Plus tard, tandis que sa tête reposait près de la sienne, il entendit soudain le bruit d'une voiture à cheval dans la rue. Le son s'éloigna, il se rendit compte qu'il était devenu temporairement sourd.
A ce moment précis elle dit : "Écoute comme le monde revient."
Et Claude en fut changé à jamais.

p 468 (Edition Gallimard)
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J'ai l'impression d'avoir dormi toute ma vie, dit-il
- Bonjour, alors.
- Le sexe est si puissant qu'il m'a toujours aveuglé. Je n'ai jamais vraiment su ce que je faisais, d'une certaine façon. Tu sais, tellement avide - peut-être un peu effrayé, me semble t-il à présent.
- Eh bien...un nombre terrible de femmes n'aiment pas particulièrement le sexe, si la vérité devait être dites, fi-elle. La plupart, je pense.
- Tu plaisantes" Bien qu'il apprit vite, il n'était pas simple de se libérer de la méséducation romantique qu'ils avait reçue du cinéma et des livres.
" Pour certaines, c'est un truc social, pas plus important que ça. D'autres y voient la preuve qu'on a besoin d'elles. Une sorte de réconfort. Cela peut être également une façon d'exercer le pouvoir sur une autre personne. Rien dans tout cela n'implique qu'on doive l'aimer.
- Un outil tu veux dire.
- Quelquefois. Parfois juste un cadeau pour l'homme.
- Personne n'en parle jamais ainsi.
- Bien-sur que non, fit-elle. Mais n'oublie pas : il y'a des femmes pour qui c'est aussi important que pour les hommes.
- Oublier ! protesta t-il. Comment pourrais-je ? Où en étions-nous?
- Bon, bon..." Elle sourit, lui donna un baiser léger par surprise. "Pare que ça s'en va, tu sais.
- Jamais
- La passion s'en va. C'est trop intense. Ça se fane. Pense aux couleurs. Les couleurs se transforment progressivement en nuances. C'est ainsi.
- Je ne veux pas penser de cette façon.
- Je sais.
- C'est comme si tu me prévenais."
Elle lui prit la main. "Il est bon que je sache ces choses-là. Je ne te préviens pas. Je ne reculerai pas, lorsque les couleurs changeront.

p475 (Edition NRF)
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Le canapé bleu les mit à l'épreuve pendant plus d'un mois. Ils gardaient leurs vêtements, mais leurs mains et leurs bouches n'ignoraient rien de l'autre. Claude parvenait à se contrôler mais l'effort le rendait fou. Lorsqu'il atteignait le point de saturation - le corps tendu à la limite, les lèvres sensibles, gorgées de sangs, le pelvis endoloris, le pénis gourd et dur comme du bois, le cœur battaient à coups redoublés dans sa poitrine - il se jetait en arrière et roulait sur le sol, loin d'elle.
Puis un soir, alors qu'elle était allongée avec lui sur le canapé bleu, sa chevelure brune se balançant librement sur les tempes de Claude tandis qu'elle lui mordillait la bouche, elle releva soudain sa jupe, dégrafa le jean, prit le sexe de Claude dans sa main, écarta son slip, se coula en lui dans un gémissement tremblant. Il s'épanouit dans sa chaleur moelleuse.
"Ne jouis pas, chuchota t-elle, ne jouis pas, ne jouis pas..."
tout en se mouvant de haut en bas avec une lenteur atroce. Cela s'était passé si vite - tout à coup il était en elle - que le cerveau de Claude eut besoin d'un moment pour rattraper son corps. Il se contrôla aussi longtemps qu'il put puis repoussa très vites ses hanches du plat de la main et éjacula en l'air. Elle retomba cramponnée à lui de toutes ses forces. Étourdis, ils restèrent étendus en silence un long moment.

p296 (Edition NRF)
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"Venez dit Fredericks. Placez vous là" Il tenait quelque chose à la main.
Claude traversa la pièce et se mit en face de lui. Fredericks lui tendit une bille de verre d'environs la taille d'un noyau de pêche, attachée par une ficelle.
"Tenez- la ainsi" Fredericks en avait une aussi. Il serrait la ficelle entre le pouce et l'index et la laissait pendre immobile, devant lui. Claude fit comme lui. "Vous allez découvrir qu'il existe une attraction entre ces deux billes, dit Fredericks. Une sorte de force magnétique, bien qu'elles soient en verre."
Fredericks imprima un mouvement à la bille de Claude de manière à lui faire décrire un cercle. "Ne bougez ni la main ni les doigts. Restez absolument immobile, laissez la bille tourner. D'elle-même"
Claude obéit et regarde sa bille tourner.
Alors, très doucement, Fredericks fit décrire sa propre bille un cercle qui arrivait à quelques centimètres du chemin de celui de Claude.
"A présent ne bougez plus et regardez."
Lorsque, au bout d'un mouvement, les orbites des deux morceaux de verre les rapprochèrent l'un de l'autre, Claude vit, et sentit en même temps, sa bille se déplacer légèrement, sortir de son orbite et aller vers l'autre. Ce fut tout à fait distinct. Un petit saut.
" Vous voyez ? dit Fredericks. Vous la teniez parfaitement immobile, n'est-ce pas?
- Oui, fit Claude, ébahi. Magique. Est-ce magique ?"
Fredericks prit les billes et les remit dans son bureau. "Certains pourraient vous le faire croire, mais il n'en est rien. Cela parait magique, voilà tout.
- Mais de quoi s'agit-il ? Qui lui a fait faire cela?
- Vous.
- Non, je n'ai pas bougé. Pas même un peu. De toute façon, je l'ai bien senti. J'ai senti la petite secousse, lorsque la bille a sauté.
- Vous avez cru que les morceaux de verres étaient attirés l'un vers l'autre.
- Mais vous l'avez dit, je veux dire, je ne savais pas réellement s'ils...
- Écoutez, Claude, dit Fredericks. C'est important. C'est parce que vous y avez cru.
- Mais c'est de la magie. Vous avez dit que...
- Je dis que vous l'avez fait. Vous l'avez fait sans le savoir. Par de minuscules micromouvements de la pulpe de votre pouce, de votre index. Des mouvements infimes situés au dessus du niveau de votre conscience physique, amplifiés par la longueur de la ficelle, qui ont fait sauter la bille."
Le regard de Claude se perdit au loin. Il fixa le vide un certain temps. "En êtes-vous sur? demande t'il enfin.
- Absolument. Formel." Fredericks s'éloigna et s'assit sur un coin du bureau.
Claude retourna sa main, contempla ses doigts. Il pressa son pouce contre son index.
"Comprenez vous ce que cela signifie ? demande Fredericks.
- Je n'en suis pas certain." Claude continua à remuer les doigts. "Cela parait si étrange.
- C'est l'autre côté du mur."
Claude leva les yeux.
"Je vous ai simplement montré que vos doigts pouvaient faire plus de choses que vous ne les sentez physiquement le faire." Il dessina avec sa main un petit arc en l'air. "L'autre côté du mur"
Claude réfléchit. "Oui...mais comment ? Comment faites-vous ?"
Fredericks quitta le bureau et vint se placer devant Claude. "Vous devez imaginer la musique dans votre tête. L'imaginer, avec la force et l'équilibre que vous voulez lui donner. La porter dans votre tête, puis y croire. Concentrez-vous, croyez-y, vos doigts la feront.
- Mon Dieu...chuchota Claude.
- Tout ce que vous imaginerez clairement, vous le jouerez. Voilà le grand secret.
- Alors, c'est au-delà du corps...., souffla Claude.
- Exactement.

P122 à124 (Edition NRF)
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