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Béatrice Didier (Traducteur)
EAN : 9782253045885
219 pages
Le Livre de Poche (01/04/1988)
3.65/5   794 notes
Résumé :
« J'ai été mécontent, malheureux, injuste ; peut-être, en luttant avec trop de violence contre une imagination rebelle, avez-vous donné de la force à des velléités passagères que je méprise aujourd'hui ; mais pouvez-vous douter de mon affection profonde ? Nos dires ne sont-elles pas enchaînées l'une à l'autre par mille liens que rien ne peut rompre? Tout le passé ne nous est-il pas commun? Pouvons-nous jeter un regard sur les trois années qui viennent de finir, sans... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (104) Voir plus Ajouter une critique
3,65

sur 794 notes
"Les sanglots longs des violons de l'automne
blessent mon coeur d'une langueur monotone.
Tout suffocant et blême, quand sonne l'heure,
je me souviens des jours anciens et je pleure."

Merci, ami Verlaine, de synthétiser par ces simples vers "Adolphe", le roman le plus célèbre de l'écrivain franco-suisse Benjamin Constant et sans doute l'une des oeuvres romantiques les plus représentatives de la période.

Adolphe, c'est le narrateur, un jeune bourgeois désoeuvré, plutôt antipathique et associable, guère apprécié dans les salons et qui, coeur esseulé et désinvolte, s'éprend presque par oisiveté de la femme d'un autre. Et pas de n'importe quelle femme, d'Ellénore, la belle maîtresse de monsieur de P*** et mère de leurs deux enfants. Sa première jeunesse est certes passée mais elle reste très belle malgré bien des épreuves ; lors de sa rencontre avec Adolphe, elle occupe une place légitime dans la société pourtant cruelle et rapace de son temps.

La passion d'Adolphe pour Ellénore, passion qui sera payée en retour, sera hélas aussi éphémère que le caprice d'un dandy et ne justifiera en rien les tristes sacrifices consentis par une belle plus âgée que son amant : mari, enfants, fortune, dignité, position sociale, Ellénore se donnera entièrement et sera récompensée par la tiédeur, la dissimulation et enfin la trahison de son amant. Un tiers de cette récompense aurait eu raison des plus blanches oies mais Ellénore, soutenue par son amour, persistera déraisonnablement jusqu'à l'issue fatale d'une histoire d'amour sans espoir.

Personnellement, c'est "Ellénore" que j'aurais donné pour titre à mon roman à la place de l'auteur car c'est vraisemblablement la figure la plus forte et la plus intéressante du récit. Ellénore est à elle seule la voix du coeur et la voie de l'abnégation tandis qu'Adolphe est veule, faible, versatile, horripilant par ses sempiternelles tergiversations. Benjamin Constant explique le titre de son roman dans le dénouement original et inventif, un échange fictif entre auteur et éditeur, en ces termes : "Si [mon récit] renferme une leçon instructive, c'est aux hommes que cette leçon s'adresse : il prouve que cet esprit, dont on est si fier, ne sert ni à trouver du bonheur ni à en donner ; il prouve que le caractère, la fermeté, la fidélité, la bonté, sont les dons qu'il faut demander au ciel [...]. La grande question dans la vie, c'est la douleur que l'on cause [...]".

Un roman certes romantique mais différent car il aborde l'importante thématique de la réciprocité des sentiments liée à la fermeté - ou à l'absence de fermeté - des caractères. Un beau texte à découvrir.


Challenge Multi-Défis 2016
Challenge Petits Plaisirs 2016
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Pourquoi Adolphe est-il allé crier aussi loin son malheur , dans les montagnes de la Calabre , arides comme son coeur ?
Son éternelle timidité , son inconstance , son désir enfantin et capricieux pour une maîtresse plus âgée que lui , n'ont-ils pas été influencés par le manque d'une mère , décédée bien trop tôt .

Qui mieux que lui pouvait décortiquer ses vrais penchants et ses réflexions dans un écrit , au soleil brûlant des Hauts Plateaux , dans lequel il détaille la montée cruelle du tourment de sa belle face à sa galanterie friponne , opposée à son émoi qui décroit pour devenir de plus en plus froid .

" Mais que peut , pour ranimer un sentiment qui s'éteint , une résolution prise par devoir ? "

Sa rage et son désespoir , il les hurle et puis laisse l'écho en dicter tous les trémolos qui s'abandonnent dans une cassette au milieu de vieilles lettres , memento d'une passion passée , aux pieds des pins géants de Sila Piccola .

Cela raconte cette courte mais exubérante existence où Ellénore prit consistance ce fameux jour :
Ah ! Comme elle est bouleversée ! Tout son corps et ses pensées plongent , déjà et inéluctablement , vers ce brasier brûlant de passion , à l'écoute de ces mots divins qu'ose lui murmurer ce fieffé galopin .

" Enfin , je vous vois , je vous vois et je respire , et je vous contemple , et je m'arrête comme le fugitif qui touche au sol protecteur , qui doit le garantir de la mort . "

Même la plus grande puritaine sourirait , intérieurement , à cette fredaine . Cela Adolphe le sait , et , il poursuit sans vergogne son compliment . Car comment apprivoiser cette femme au charme slave dont les manières sont la grâce incarnée et la retenue juste démesurée .
Il suffit de palabrer , de vanter sa bonté . le tour est joué .

Mais Adolphe est vite dépassé par un amour aussi puissant . Il voulait juste conquérir un coeur , il en a avalé l'âme et la vie ; il désirait satisfaire son orgueil en acquérant les faveurs de la belle Polonaise , il n'en a retiré que rancoeur vis-à-vis de lui ; lui , qui jamais n'a su exprimer les mots cachés au plus profond de soi , à l'instar de son père , éternellement statufié à la seule idée de divulguer un seul sentiment .
Un jeu de séduction qui s'est refermé en un piège mortel pour ce couple improbable .

Ellénore s'est consumée d'amour-passion pour un gamin versatile , désoeuvré , fragile , qui a enflammé son esprit plus par des paroles romanesques que par des actes virils et concrets .
Elle l'a aimé plus que ses enfants , plus qu'elle-même , pendant qu'Adolphe admirait son tempérament mais refusait cette passion autoritaire , intransigeante , dévastatrice , trop parfaite .

" Je voulus réveiller sa générosité , comme si l'amour n'était pas de tous les sentiments le plus égoïste , et , par conséquent , lorsqu'il est blessé , le moins généreux . "

Il est rarissime que deux personnes s'aiment aussi violemment , en même temps .
Adolphe a réalisé trop tard qu'il était surtout dépendant du qu'en dira-t-on de la société qui n'accepte pas que l'on s'écarte de ses normes .
Il ne s'est pas vraiment permis d'être heureux .
A-t-il fui la civilisation pour un repère de brigands où , peut-être , la règle d'or s'appelle liberté !

Ce roman sublime m'a émue comme jamais encore tant par le thème que par l'écriture magique .

Lecture par édition électronique FREDA et ebooksgratuits.com

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Adolphe est un classique peu connu. Ou alors c'est peut-être juste moi mais je n'en avais jamais entendu parler avant de le voir sur une des étagères d'Emmaus. J'ai lu brièvement le résumé et je me suis laissée séduire. J'ai eu un vrai coup de coeur pour ce roman, il m'a rappelé mon année de seconde ou j'avais adoré étudier le romantisme. La on est en plein dedans.

Adolphe est un jeune homme qui va rencontre Ellénore, maîtresse du comte de P*** : "Offerte a mes regards dans un moment ou mon coeur avait besoin d'amour, ma vanité de succès, Ellénore me parut une conquête digne de moi." Entre eux va naître une complicité "Je la considérais comme une créature céleste." bientôt suivi par l'amour "J'aimai, je respectai mille fois plus Ellénore après qu'elle se fut donnée. Je marchais avec orgueil au milieu des hommes ; je promenais sur eux un regard dominateur. L'air que je respirais était a lui seul une jouissance. Je m'élançais au-devant de la nature, pour la remercier du bienfait inespéré, du bienfait immense qu'elle avait daigné m'accorder." Ellénore, elle, l'aime et renonce a tout pour le jeune homme. Mais Adolphe se rend compte a ce moment la, qu'il ne l'aime pas autant que ça, il voudrait la quitter mais a peur de la faire souffrir. "C'est un affreux malheur de n'être pas aimé quand on aime ; mais c'en est un bien plus grand d'être aimé avec passion quand on n'aime plus."

Voila une histoire d'amour qui commence bien et qui se termine de façon tragique, un amour destructeur, une incompréhension entre deux êtres qui au lieu de se faire du bien se font souffrir mutuellement. Un très beau classique, l'auteur, Benjamin Constant a une écriture vraiment sublime qui même avec les années n'a pas pris une ride et qui se lit très rapidement.

En ce qui concerne les personnages, beaucoup jetteront la pierre sur Adolphe. Pourtant moi il m'a beaucoup plu. Alors oui, il fait souffrir Ellenore, oui il lui ment, lui fait croire qu'il l'aime et est un lâche mais en même temps il le fait toujours pour la protéger. Il l'aime peut être pas de la même façon qu'elle mais je ne doute pas d'un profond attachement qui le lit a Ellénore.

Concernant Ellenore, c'est elle qui m'a vraiment agacé, elle se jette dans cet amour, renonce a tous pour lui (même a ses enfants ?!) et l'étouffe. Quand elle sent qu'Adolphe lui échappe, elle se montre malheureuse, le fait culpabiliser. Elle savait je pense que cette histoire ne durerait pas mais voulait en repousser l'échéance, donc pour le coup souffrait deux fois plus....

J'ai vu que le roman a été porté a l'écran avec la jolie Isabelle Adjani, c'est exactement comme cela que je me représentais Ellénore et il me tarde de découvrir cette adaptation.
Lien : http://missmolko1.blogspot.i..
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C'est en regardant la dernière émission de la saison de "La grande librairie" que j'ai entendu parler de cet ouvrage. Il ne s'agit pas d'une nouveauté, certes, mais bel et bien d'un classique de la littérature française, que l'un des auteurs présents sur le plateau, recommandait à tous les auditeurs de livre, voire de relire. Connaissant l'auteur mais n'ayant jamais entendu parler de cet ouvrage, je me suis précipitée pour l'emprunter à la médiathèque afin de voir ce que cet ouvrage avait de si grandiose. J'avoue avoir un avis mitigé sur cette lecture, ne sachant pas trop quoi en penser sur à cette lecture toute fraîche mais je vous laisse, à vous, lecteurs, le soin d'en juger par vous-mêmes afin de lui attribuer la note qu'il mérite probablement à juste raison.

Adolphe est un jeune homme de vingt-six ans qui s'éprend éperdument pour une femme plus âgée que lui, et qui plus est, n'est pas libre. Cette dernière, Ellénore, a d'ailleurs déjà deux enfants et appartient à la haute bourgeoisie. Bien que n'étant pas sans ressources non plus grâce à la renommée de son père, Adolphe, lui, est encore un jeune homme sans expérience qui n'a pas encore réellement fait son entrée dans la vie, n'ayant pas acquis de statut social à proprement parler. Il se montre être quelqu'un d'extrêmement égoïste, que la compagnie des autres ennuie, et ne peut pas s'empêcher de faire certaines railleries qui le font mal voir en société. Il réussit cependant à conquérir le coeur d'Ellénore mais, étant un homme très instable, celui-ci ne va pas pouvoir s'empêcher de faire du mal à cette dernière à ses dépens. A ses dépens ? Qu'ai-je dis ? C'est la première impression que j'en ai d'abord eu mais il faut cependant accorder à cet ouvrage une attention extrême car les intentions d'Adolphe ne sont pas toujours faciles à cerner, tout comme son être même d'ailleurs qui est extrêmement complexe.
J'ai d'abord pris ce dernier pour un homme charitable, qui ne voulait surtout pas blesser celle qui s'est entièrement dévouée à lui mais si c'était complètement l'inverse ? Si c'était en réalité Ellénore, qui, s'était fait piéger par un être imbus de sa personne et manipulateur qui plus est ?

Un livre qui ne m'a ni plu ni déplu mais que je suis vraiment contente d'avoir découvert...enfin ! Comme dirait le proverbe :"mieux vaut tard que jamais !" mais il existe tant de classiques que nous devrions tous avoir lus (moi la première) et pour lesquels nous ne prenons pas assez souvent le temps. C'est bien dommage et je ne peux donc que vous recommander la lecture de cet ouvrage, si ce n'est pas déjà fait, afin de vous faire à votre tour votre propre opinion sur ce dernier.
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Le jeune Adolphe est un être sensible, taciturne et doté d'une nature sombre. Ouvertement indépendant, il entend mener sa vie à sa guise et nourrir son orgueil par toutes les considérations que les autres pourront lui accorder. le jour où il décide d'être aimé, il jette son dévolu sur la belle Ellénore. Plus âgée que lui, elle est la maîtresse du comte de P***. « Je ne croyais point aimer Ellénore ; mais déjà je n'aurais pu me résoudre à ne pas lui plaire. » (p. 45) Obtenir l'attention et les sentiments d'Ellénore est donc une conquête d'amour-propre. Passées les premières exaltations et les premières preuves véhémentes d'amour, Adolphe s'agace d'une relation qui entrave son quotidien et le prive d'une liberté à laquelle il est furieusement attaché. « Ellénore était sans doute un vif plaisir dans mon existence, mais elle n'était plus un but : elle était devenue un lien. » (p. 69) Il faut peu de temps pour que le jeune homme cesse d'aimer, mais il ne se résout pas à quitter Ellénore puisque tout le monde le presse d'y parvenir. Son indépendance est mêlée d'orgueil et il refuse qu'on décide pour lui une chose qui est pourtant évidente. Certes, la société et son père s'offusquent de cette liaison qui entrave sa carrière et les ambitions qu'il peut nourrir, mais Adolphe entend décider seul de la rupture. le problème est qu'il ne se résout jamais à cette issue.

Adolphe fait preuve d'une grande lâcheté et ses tentatives de rupture échouent devant les larmes d'Ellénore. Il se fait un devoir de la protéger et de la soustraire au jugement de la société, mais ce devoir lui pèse et il l'accomplit sans noblesse. Ellénore elle-même ne s'y trompe pas : « Vous vous dévouez à moi parce que je suis persécutée, vous croyez avoir de l'amour, et vous n'avez que de la pitié. » (p. 95) Sous couvert d'indépendance, Adolphe est en fait un capricieux qui s'entête dans une folie de jeunesse en voulant la parer des vertus de la sagesse et de la passion. Son amour pour Ellénore a disparu et sa tiède affection tient plus de l'habitude que du sentiment. « Nous vivions, pour ainsi dire, d'une espèce de mémoire du coeur, assez puissante pour que l'idée de nous séparer nous fût douloureuse, trop faible pour que nous trouvassions du bonheur à être unis. » (p. 108) Ce n'est que tragiquement que cette histoire pourra s'achever et Adolphe comprendra enfin qu'il était le seul obstacle au repos tant espéré par Ellénore.

Ce roman est l'expression littéraire la plus archétypale du romantisme : le héros est jeune, tourmenté par on ne sait quoi, fréquemment saisi par l'idée de la mort et vaguement décidé à contrer la société. Finalement, sa médiocre révolte avorte et il n'y a rien gagné. Adolphe est un personnage résolument insupportable, voire odieux : ce jeune homme capricieux est faussement amoureux, faussement fidèle, faussement noble, etc. Si j'ai eu peu de sympathie pour lui, je n'en ai eu pour Ellénore qu'à la fin, à la lecture de son ultime lettre : c'est évidement la volonté de l'auteur de ne dévoiler la vraie et pure nature de la malheureuse que lorsque l'irréparable est accompli. Adolphe est intéressant d'un point de vue littéraire et dans une étude du mouvement romantique, mais cette intrigue ne m'a pas plu : les jeunes godelureaux infatués n'obtiennent jamais mes faveurs.
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critiques presse (1)
ActuaBD
01 octobre 2013
On retrouve dans cette adaptation faite par Croci tout ce qui fait les qualités (et parfois les défauts) de cet auteur inclassable ; style très esthétisant, mise en page aérée, personnages traversés par une sensibilité à fleur de peau.
Lire la critique sur le site : ActuaBD
Citations et extraits (201) Voir plus Ajouter une citation
Adolphe, pourquoi vous acharnez-vous sur moi ? Quel est mon crime ? De vous aimer, de ne pouvoir exister sans vous. Par quelle pitié bizarre n'osez-vous rompre un lien qui vous pèse, et déchirez-vous l'être malheureux près de qui votre pitié vous retient ? Pourquoi me refusez-vous le triste plaisir de vous croire au moins généreux ? Pourquoi vous montrez-vous furieux et faible ? L'idée de ma douleur vous poursuit, et le spectacle de cette douleur ne peut vous arrêter! Qu'exigez-vous ? Que je vous quitte ? Ne voyez-vous pas que je n'en ai pas la force ? Ah ! C'est à vous, qui n'aimez pas, c'est à vous à la trouver, cette force, dans ce cœur lassé de moi, que tant d'amour ne saurait désarmer. Vous ne me la donnerez pas, vous me ferez languir dans les larmes, vous me ferez mourir à vos pieds.

Dites un mot. Est-il un pays où je ne vous suive ? Est-il une retraite où je ne me cache pour vivre auprès de vous, sans être un fardeau dans votre vie ? Mais non, vous le voulez pas. Tous les projets que je propose, timide et tremblante, car vous m'avez glacée d'effroi, vous les repoussez avec impatience. Ce que j'obtiens de mieux, c'est votre silence. Tant de dureté ne convient pas à votre caractère. Vous êtes bon ; vos paroles sont nobles et dévouées : mais quelles actions effaceraient vos paroles ? Ces paroles acérées retentissent autour de moi : je les entends la nuit ; elles me suivent, elles me dévorent, elles flétrissent tout ce que vous faites. Faut-il donc que je meure, Adolphe ? Eh bien, vous serez content ; elle mourra, cette importune Ellénore que vous ne pouvez supporter autour de vous, que vous regardez comme un obstacle, pour qui vous ne trouvez pas sur la terre une place qui ne vous fatigue ; elle mourra : vous marcherez seul au milieu de cette foule à laquelle vous êtes impatient de vous mêler ! Vous les connaîtrez, ces hommes que vous remerciez aujourd'hui d'être indifférents ; et peut-être un jour, froissé par ces cœurs arides, vous regretterez ce cœur dont vous disposiez, qui vivait de votre affection, qui eût bravé mille périls pour votre défense, et que vous ne daignez plus récompenser d'un regard.
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J’avais, dans la maison de mon père, adopté sur les femmes un système assez immoral. Mon père, bien qu’il observât strictement les convenances extérieures, se permettait assez fréquemment des propos légers sur les liaisons d’amour : il les regardait comme des amusements, sinon permis, du moins excusables, et considérait le mariage seul sous un rapport sérieux. Il avait pour principe, qu’un jeune homme doit éviter avec soin de faire ce qu’on nomme une folie, c’est-à-dire de contracter un engagement durable avec une personne qui ne fût pas parfaitement son égale pour la fortune, la naissance et les avantages extérieurs ; mais du reste, toutes les femmes, aussi longtemps qu’il ne s’agissait pas de les épouser lui paraissaient pouvoir, sans inconvénient, être prises, puis être quittées ; et je l’avais vu sourire avec une sorte d’approbation à cette parodie d’un mot connu : "Cela leur fait si peu de mal, et à nous tant de plaisir !"
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[...] j’entendais ces hommes répéter machinalement les paroles funèbres, comme si eux aussi n’eussent pas dû être acteurs un jour dans une scène pareille, comme si eux aussi n’eussent pas dû mourir un jour. J’étais loin cependant de dédaigner ces pratiques ; en est-il une seule dont l’homme, dans son ignorance, ose prononcer l’inutilité ? Elles rendaient du calme à Ellénore ; elles l’aidaient à franchir ce pas terrible vers lequel nous avançons tous, sans qu’aucun de nous puisse prévoir ce qu’il doit éprouver alors. Ma surprise n’est pas que l’homme ait besoin d’une religion ; ce qui m’étonne, c’est qu’il se croie jamais assez fort, assez à l’abri du malheur pour oser en rejeter une : il devrait, ce me semble, être porté, dans sa faiblesse, à les invoquer toutes ; dans la nuit épaisse qui nous entoure, est-il une lueur que nous puissions repousser ? au milieu du torrent qui nous entraîne, est-il une branche à laquelle nous osions refuser de nous retenir ?
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Ellénore n'avait qu'un esprit ordinaire ; mais ses idées étaient justes, et ses expressions, toujours simples, étaient quelquefois frappantes par la noblesse et l'élévation de ses sentiments. Elle avait beaucoup de préjugés ; mais tous ses préjugés étaient en sens inverse de son intérêt. Elle attachait le plus grand prix à la régularité de la conduite, précisément parce que la sienne n'était pas régulière suivant les notions reçues. Elle était très religieuse, parce que la religion condamnait rigoureusement son genre de vie. Elle repoussait sévèrement dans la conversation tout ce qui n'aurait paru à d'autres femmes que des plaisanteries innocentes, parce qu'elle craignait toujours qu'on ne se crût autorisé par son état à lui en adresser de déplacées. Elle aurait désiré ne recevoir chez elle que des hommes de rang élevé et de mœurs irréprochables, parce que les femmes à qui elle frémissait d'être comparée se forment d'ordinaire une société mélangée, et, se résignant à la perte de la considération, ne cherchent dans leurs relations que l'amusement. Ellénore, en un mot, était en lutte constante avec sa destinée.
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Charme de l’amour ! qui pourrait vous peindre ? Cette persuasion que nous avons trouvé l’être que la nature avait destiné pour nous, ce jour subit répandu sur la vie, et qui nous semble en expliquer le mystère, cette valeur inconnue attachée aux moindres circonstances, ces heures rapides, dont tous les détails échappent au souvenir par leur douceur même, et qui ne laissent dans notre âme qu’une longue trace de bonheur, cette gaieté folâtre qui se mêle quelquefois sans cause à un attendrissement habituel, tant de plaisir dans la présence, et dans l’absence tant d’espoir, ce détachement de tous les soins vulgaires, cette supériorité sur tout ce qui nous entoure, cette certitude que désormais le monde ne peut nous atteindre où nous vivons, cette intelligence mutuelle qui devine chaque pensée et qui répond à chaque émotion, charme de l’amour, qui vous éprouva ne saurait vous décrire !
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