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EAN : 9782755507683
96 pages
1001 Nuits (10/04/2024)
3.58/5   13 notes
Résumé :

" Le principe moral que dire la vérité est un devoir, s'il était pris d'une manière absolue et isolée, rendrait toute société impossible. Nous en avons la preuve dans les conséquences directes qu'a tirées de ce premier principe un philosophe allemand, qui va jusqu'à prétendre qu'envers des assassins qui vous demanderaient si votre ami qu'ils poursuivent n'est pas réfugié dans votre maison, le mensonge serait un crime. " En 1796, Benjamin Constant, ami de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
En quelques 95 pages, et dans un livre plus petit que ma main – si si je vous assure ! – les éditeurs ont soigneusement sélectionné plusieurs textes de la fameuse polémique du XVIIIème siècle – que je découvre ! – entre Benjamin Constant et le déjà très imposant Emmanuel Kant sur le droit au mensonge. Outre le format, la deuxième bonne nouvelle est que j'ai compris le texte ! Petit miracle en soi, je découvre que la philosophie peut être accessible et que le seul nom d'Emmanuel Kant qui m'effrayait jusqu'alors n'est plus une excuse pour repousser ce type de lecture. En effet, son propos qui amorce l'ouvrage par un extrait des Fondements de la métaphysique des moeurs est extrêmement intelligible, fluide et clarifiant, d'une logique absolument merveilleuse sur l'illégitimité du mensonge. Je découvre par la même occasion que j'aime et admire la logique précise et soigneusement agencée d'un juste raisonnement.

Suit alors la réponse de Benjamin Constant imposant une limite au devoir de vérité : celle-ci ne doit pas nuire à autrui, tout le monde n'a pas droit à la vérité. Il soulève l'exemple de l'ami coursé par des tueurs et que l'on cacherait chez soi, faut-il oui ou non révéler sa présence aux poursuivants qui sonneraient à notre porte ? – là, je vous avoue que le cafard que j'écraserais volontiers du pied ne serait certainement pas le menteur. Et Benjamin Constant de développer tout aussi élégamment – quoique dans un jargon un peu plus difficile sans être illisible – son argumentaire opposé aux thèses d'Emmanuel Kant. le même E. Kant restera sur ses positions en déconstruisant les arguments de B. Constant – comment déterminer qui aurait droit et qui n'aurait pas droit à la vérité ? – mais intègrera dans ses publications suivantes l'exemple de B. Constant pour mieux défendre son propos initial. Un troisième texte d'Emmanuel Kant sur la nécessité d'une sincérité envers soi-même vient compléter les extraits précédents pour la plus grande joie du philosophe en herbe. La polémique reste finalement en suspens – à moins de se rallier à l'idéal de Kant – , la postface de Cyril Morana éclaire l'ensemble, il insiste notamment sur une volonté de faire le bien qui viendrait nuancer les thèses de B. Constant et E. Kant. J'avoue que ce dernier argument me laisse sceptique. C. Morana reformule également les deux propos et en définit les limites.

Pour conclure, cette re-découverte du raisonnement philosophique est une réussite. Je ne sais pas si j'oserai franchir le pas mais l'idée de lire Kant et ses Fondements de la métaphysique des moeurs commence à trotter dans mon esprit et ne me semble plus aussi improbable. Quant à mon questionnement initial sur le mensonge, non seulement, j'y ai trouvé quelques réponses mais j'ai également pu le faire évoluer vers une prise de position moins tranchée…
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Le droit de mentir/Benjamin Constant & Emmanuel Kant
Cet ouvrage contenant des extraits commentés de textes des deux penseurs que furent Kant et Constant demande quelques explications préalables. C'est un petit livre très intéressant qui relate la controverse épistolaire qui en 1796 s'établit entre Kant qui émit sa fameuse règle des impératifs catégoriques et la réponse de Constant et son prétendu droit de mentir.
La première partie de ce petit livre de philosophie dialectique et éristique est extraite de l'ouvrage de Kant intitulé « Fondements de la métaphysique des moeurs » qui pose la question immorale : puis-je, afin de me tirer d'embarras, faire une promesse que je n'ai pas l'intention de tenir ? Autrement dit, suis-je autorisé à mentir dans certains cas ? Kant développe alors une argumentation mettant en jeu la prudence d'un tel choix et en balance sa légitimité. Avec une conclusion intéressante à savoir que ce qui peut être utile pour soi à savoir dans le cas présent le mensonge ne peut être érigé en règle universelle sans se détruire soi-même.
Dans un second exemple qui confirme le précédent, Kant pose le problème posé au devoir et à la morale par le mensonge d'une fausse promesse en citant le cas d'un individu dans le besoin qui emprunte de l'argent tout en sachant qu'il ne pourra le rembourser et qui sait que s'il ne s'engage pas verbalement à rendre cet argent en un temps déterminé ne trouvera pas de prêteur. Que faire alors ?
C'est du livre « Des réactions politiques » de Benjamin Constant qu'est extrait le chapitre suivant intitulé de façon étrange « Tout le monde n'a pas droit à la vérité » ! le rôle des principes est alors évoqué avec l'opposition entre la théorie et la pratique, l'expérience pouvant parfaitement être fatale à la théorie. Et Constant d'ajouter : « L'exagération des principes est le moyen le plus infaillible de les rendre inapplicables et est une des armes les plus dangereuses que puissent employer les partisans des préjugés. » Car ce qui forge la force des préjugés, c'est leur caractère intime, la familiarité qu'ils entretiennent avec nous. Ils s'opposent aux principes qui ne visent pas l'intérêt particulier mais l'intérêt universel. Ils ne sont pas en relation directe avec nos intérêts contrairement aux préjugés qui protègent ces intérêts. Constant ensuite démontre que « le principe moral que dire la vérité est un devoir, s'il était pris d'une manière absolue et isolée rendrait toute société impossible. » Paradoxalement avec Kant on peut aussi démontrer le contraire à savoir que renoncer au devoir de véracité conduirait à la destruction de la société. Il découle de ce paradoxe que le devoir de véracité ne peut être posé en principe inconditionné. Constant propose donc un devoir de véracité sous condition avec l'élaboration de principes intermédiaires. La logique du tiers inclus qui veut que soit inapplicable le principe moral isolé selon lequel dire la vérité est un devoir car il détruirait la société s'oppose à la logique du tiers exclus par la nécessité de définir un principe intermédiaire. « Dire la vérité n'est un devoir qu'envers ceux qui ont droit à la vérité. Or nul homme n'a droit à la vérité qui nuit à autrui. » La franchise devient ainsi une valeur relative dépendante de la situation.
Il apparaît au fil de la lecture que Kant considère de façon apodictique que la véracité est un devoir absolu et inconditionné alors que Constant estime que le devoir de vérité s'il est pris de manière absolue et isolée rend toute société impossible et qu'il existe des exceptions à ce devoir de vérité contrairement à Kant. Chacun fait sa démonstration et est convaincu d'avoir raison.
Par ailleurs, pour Kant, être sincère est aussi un devoir envers soi-même. Et puis il existe deux sortes de mensonges, le mensonge extérieur où l'homme se rend méprisable aux yeux des autres et le mensonge intérieur où il se rend méprisable à ses propres yeux.
D'autres questions de casuistiques sont posées par un commentateur, Cyril Morana, comme celle-ci : peut-on considérer comme mensonge la fausseté commise par pure politesse comme les compliments ou les formules de bas de lettre ? Et jusqu'où la vérité est-elle bonne à dire ? Des exemples simples cités en fin de livre montrent que le mensonge pour sauver une vie ou même l'humanité vaut mieux que la vérité. Il existe bien un droit de mentir par humanité n'en déplaise à Kant et que Constant soutenait qui affirmait que certains individus n'ont pas droit à la vérité. Mais alors se pose une autre question : quel juge peut dire quel individu a droit à vérité et quel n'y a pas droit ? La morale, c'est de vouloir faire le bien donc il n'est pas forcément immoral de mentir. C'est la valeur morale de l'action et surtout de l'intention qui prévaut in fine. Ce n'est pas l'utilité qui fait la valeur morale d'une action mais son intention. Mais quoi qu'il en soit, pour Kant on ne saurait mentir par bienveillance contrairement à Constant, car le résultat d'un tel mensonge est incertain. Tout au plus Kant accepte-t-il un mensonge par bienveillance au titre d'un impératif hypothétique de prudence. En choisissant l'avis de Benjamin Constant qui s'en prend délibérément au caractère inconditionnel du devoir posé par Kant, on considère qu'il doit y avoir une hiérarchie des valeurs et qu'il n'y a pas de devoirs absolus. Et Kant se retourne dans sa tombe car pour lui il n'y alors plus de monde possible !!
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Ce livre m'a beaucoup plus...d'autant que
- ce n'était pas gagné d'avance, vu que mes profs m'avaient dégoûté de la lecture
- je suis assez d'accord avec M. Kant...
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Le mensonge bien intentionné, dont il est ici question, peut d'ailleurs, par un effet du hasard (casus), devenir punissable aux yeux des lois civiles. Or, ce qui n'échappe à la sanctiot que par l'effet du hasard peut être aussi jugé une injustice d'après des lois exté rieures. Avez-vous arrêté par un mensonge quelqu un qui méditait alors un meurtre, Vous êtes juridiquement responsable de Ont er toutes les consequences qu1 pourr résulter; mais etes-vous resté dans Ia en vérité, la justice publique ne saurait . s' stricte prendre à vous, quelles que puissent être les conséquences imprevues qui en resultent. I est possible qu'apres que vous avez lovale ment répondu oui au meurtrier qui voue demandait si son ennemi était dans la mai son, celui-ci en sorte inaperçu et échappe ainsi aux mains de l'assassin, de telle sorte que le crime n'ait pas lieu; mais, si vous avez menti en disant qu'il n'était pas à la maison et qu'étant réellement sorti (à votre insu), il Soit rencontré par le meurtrier, qul com- mette son crime sur lui, alors vous pouvez etre justement accusé d'avoir causé sa mort. En effet, si vous aviez dit la vérité, comme vous la saviez, peut-être le meurtrier, en cher chant son ennemi dans la maison, eût-il ete saisi par des voisins accourus à temps, et le crime n'aurait-il pas eu lieu. Celui donc qu ment, quelque gënéreuse que puisse ètre son intention, doit, même devant le tribunal Civil, encourir la resposabilité de son mensonge et porter la peine des Conséquences. si imprévues qu' elles puissent être. C'est que la véracité est un devoir qui doit ètre regardéé comme la base de tous les devoirs fondés sur un contrat, et que, si l'on admet la moindre exception dans la loi de ces devoirs, on la rend chancelante et inutile. C'est donc un commandement sacré de la raison, un commandement qui n'admet pas de condition, et qu'aucun inconvénient ne saurait restreindre, que celui qui nous pres- crit d'être véridiques (loyaux) dans toutes nos déclarations..
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Celui qui accepte la demande qu'un autre lui adresse, de répondre si, dans la déclara- tion qu'il va avoir à faire, il a ou non l'inten- tion d'être véridique, celui, dis-je, qui accepte cette demande sans se montrer offensé du soupçon qu' on exprime devant lui sur sa véracité, mais qui réclame la per- mission de réfléchir d'abord sur la possibilité d'une exception, celu1-là est déjà un menteur (in potenti car il montre par là qu'il ne Tegarde pas la veracité comme un devoir n en soi, mais qu il se réserve de faire des exceptions a ue régle qui par son essence même n' est susceptible d'aucune exception, puisque autrement elle se contredirait elle- meme. Tous les principes juridiquement pra tiques doivent renfermer des vérités rigoureuses, et ceux qu' on appelle ici des principes intermédiaires ne peuvent que déterminer d'une maniere plus précise leur application aux cas qui se presentent (suivant les règles de la politique), mais ils ne elles détruiraient l'universali à laquell om de principes. peuvent jamais y appOrter d exceptions, car elles détruirait l'universalité à laquelle Seule ils doivent leur nom de principes.
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M. Benjamin Constant, ou, pour parler comme lui, « le philosophe français», a confondu l'acte par lequel quelqu'un nuit (nocet) à un autre, en disant la vérité dont il ne peut éviter l'aveu, avec celui par lequel il commet une injustce à son égard (ledit). Ce n'est que par l'effet du hasard (casus) que la véracité de la declaration a pu tre nuisible à celui qui s'était réfugié dans la maison; ce n'est pas l'effet d'un acte volon- taire (dans le sems juridique). En effet, nous attribuer le droit d'exiger d'un autre qu'il mente à notre profit, ce serait une préten- tion contraire à toute légalité. Ce n'est pas seulement le droit de tout homme, c'est aussi son devoir le plus strict de dire la vérité dans les déclarations qu'il ne peut ev ter, quand mëme elles devraient nuire à lui ou à d' autres. A proprement parler, il n'est donc pas lui-même lauteur du dommage éprouvé par celui qui souffre par suite de sa conduite, mais c'est le hasard qui en est la cause. IIn'est pas du tout libre en cela de choisir, puisque la veracité (lorsqu'il est une fois forcé de parler) est un devoir absolu.
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[...] pour arriver le plus vite et le plus sûrement possible à la solution de la question de savoirs'il est légi- time de faire une promesse trompeuse, je me demande si je verrais avec satisfaction ma maxime (me tirer dembarras par un mensonge) érigée en loi universelle (pour moi comme pour les autres), et si je pour- rais admettre ce principe selon lequel cha- cun peut faire une fausse promesse, quand il se trouve dans un embarras dont il ne peut se tirer autrement? Je reconnais aussitot que je puis bien vouloir le mensonge, mais que je ne puis vouloir en faire une loi universelle". En effet, avec une telle loi, il n'y aurait plus à proprement parler de promesse; car à quoi me servirait-il d' annoncer mes intentions pour l'avenir à des hommes qui ne croiraient plus à ma parole, ou qui, s'ils y ajoutaient foi légèrement, pourraient bien, revenus de leur erreur, me payer en retour de la même monnaie. Ainsi ma maxime ne peut devenir loi générale sans se detruire elle-même.
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Le « philosophe allemand » ne prendra donc pas pour principe cette proposition (p. 124) : « Dire la vérité n'est un devoir qu' envers ceux qui ont droit à la vérité ». d'abord parce que c'est là une mauvaise for- mule, la vérité n'étant pas une propriété sur laquelle on puiSse accorder des droits à l'un et en refuser à lautre, et ensuite surtout parce que le devoir de la véracité (le seul dont il soit ici question) n'admet pas cette distinction entre certaines personnes envers qui l'on aurait à le remplir, et d'autres à T'égard desquelles on pourrait s'en affran- chir, mais que cest un devoir absolu qui s'applique dans tous les cas.
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C'est l'une des découvertes essentielles de Kant, l'idée qu'il existe un mobile sensible, qu'il nomme le respect, susceptible de relier les êtres humains à la loi morale. Une exigence qui est au coeur de l'éthique contemporaine, du rap au sport en passant par les luttes contre les discriminations.
Martin Legros, rédacteur en chef à Philosophie magazine, présente cette notion en vidéo ! Retrouvez son article en intégralité dans notre hors-série spécial Kant, en kiosque jusqu'au 8 mai.
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