Un grand final époustouflant
La rose blanche est le troisième roman du meta-cycle de la Compagnie noire, et le dernier des Livres dits du Nord. Cette fois, on entre dans le vif du sujet : la lutte de la nouvelle Rose Blanche contre la Dame. Six ans après les événements du tome 2, la Compagnie noire (ou plutôt ce qui en reste…) s'est retranchée au fin fond de la Plaine de la Peur, dans un QG souterrain d'où sont gérées toutes les cellules de Résistance éparpillées à travers la Domination. Un empire qui, d'ailleurs, couvre maintenant la moitié du monde. le gros problème est que si les prophéties sont correctes, la victoire finale de la Rose sur la Dame ne pourra avoir lieu que lors du prochain passage de la comète, dans quelques décennies. Autant dire que l'attente va être longue pour Toubib et ses camarades…
La Compagnie est mal en point. Réduite à environ soixante-dix hommes, elle n'est que l'ombre de sa gloire passée. Les figures de proue sont encore là, pour la plupart (Toubib, bien entendu, mais aussi Elmo, Silence, Qu'un-oeil ou Gobelin), et c'est le Lieutenant qui mène désormais la danse. Leur volonté de protéger la Rose est farouche, mais leurs moyens sont limités face à ceux, démesurés, de la Dame. D'où le fait de se terrer (au propre comme au figuré) au beau milieu de la Plaine de la Peur, un désert où les menhirs et les arbres se déplacent et parlent, et où existent les titanesques Baleines de vent ou encore des mantes volantes géantes crachant le feu. D'une façon bizarre, toutes ces étrangetés, qui devraient logiquement être de nature magique, sont complètement immunisées au champ annihilant les facultés mystiques projeté en permanence par la Rose. Les créatures de la Plaine de la Peur leur apportent leur aide, ce qui signifie mobilité et puissance de feu (notamment grâce aux redoutables Baleines). Mais l'endroit reste dangereux, notamment à cause des terribles tempêtes transmuantes, qui peuvent vous transformer en tout et surtout n'importe quoi. L'origine des créatures habitant la Plaine et de ses particularités est passionnante (elle sera dévoilée dans le dernier tiers du roman).
- Une nouvelle structure narrative
Ce qui est intéressant avec
Glen Cook, c'est qu'aucun des trois Livres du Nord ne ressemble au précédent : le tome 1 adoptait un point de vue unique (celui de la Compagnie) et une narration des événements dans l'ordre chronologique, tandis que le tome 2 proposait une alternance de points de vue (pdv) d'un chapitre à l'autre, celui de Toubib dans l'un puis celui de Shed et / ou Corbeau dans le suivant (mais en gardant une unité temporelle : par exemple, une péripétie pouvait débuter à la fin d'un chapitre vu selon le pdv de Shed puis se conclure au début du paragraphe vu selon le pdv de Toubib qui le suivait).
Le tome 3 est nettement plus complexe du point de vue narratif : cette fois, ce sont trois (et non plus deux) points de vue qui alternent (Compagnie noire / Choucas / Bomanz), à raison d'un par chapitre (jusqu'à la page 170 environ, après on peut avoir le même pdv dans plusieurs chapitres consécutifs). Mais la grande particularité est que ces récits se situent à différentes époques de l'histoire de cet univers : le point de vue de l'Unité est situé six ans après les événements du tome 2, celui de Bomanz juste avant la libération de la Dame et des Asservis, et celui de Choucas se situe entre la fin du tome 2 et le début du 3. de plus, tout est lié : Choucas fait des recherches sur Bomanz, et expédie des courriers à Toubib pour lui expliquer l'implication de ce dernier dans l'évasion de la Dame des Tumulus. A partir d'un certain stade de l'intrigue, les différents points de vue se rejoignent, tout simplement parce que les personnages le font : Toubib et les autres vont se rendre aux Tumulus, et connaître le destin de Choucas et Bomanz.
Il y a beaucoup de révélations dans ce tome 3, et le rythme auquel elles ont lieu est bien maîtrisé. Certaines se voient venir des kilomètres avant (Choucas, Saigne-Crapaud le Chien), d'autres en revanche sont hautement inattendues. En tout cas, entre l'entrelacement de lignes narratives, de lignes temporelles, et la chronologie des révélations, on peut dire que
Glen Cook a fait preuve à la fois de maîtrise et d'ambition.
- Personnages
Les nouveaux personnages sont énigmatiques : je ne pense pas tellement à Choucas mais plutôt à Traqueur et surtout à Saigne-Crapaud le Chien. Remarquons d'ailleurs la présence significative dans ce livre de personnages non-humains (arbres, chiens, etc) assez fascinants. Bomanz, dont on entend parler depuis le tome 1, se révèle également intéressant. J'ai apprécié le fait que
Glen Cook boucle la boucle en nous révélant comment tout a commencé, et en donnant une conclusion satisfaisante aux différents mystères ou questions laissé(e)s en suspens.
Mais le gros point fort, le gros changement au niveau personnages (outre un rôle très accru de Chérie, évidemment) est la présence beaucoup plus nette et la participation beaucoup plus « directe » (difficile d'en dire plus sans spoiler) de la Dame aux événements.
- Un final époustouflant pour la trilogie des Livres du Nord
Glen Cook fait preuve d'une imagination prodigieuse pour ce tome 3 : on pense à la Plaine de la Peur, à ses créatures et à leur origine, bien sûr, mais aussi aux nouveaux tapis volants, véritables chasseurs-bombardiers avant l'heure.
Les scènes à grand spectacle ne manquent pas, comme les incursions de Bomanz ou de Choucas sous forme physique ou astrale dans les Tumulus, comme les combats impliquant Asservis, Baleines de Vent et Mantes, ou comme, évidemment, le combat final contre… mais j'en dis trop.
Il est important de noter que ce tome 3 relève nettement moins de la Dark Fantasy et de la Fantasy militaire que ses deux prédécesseurs, on a presque le sentiment d'avoir affaire à une version sombre d'une High Fantasy par moments. A moins que vous ne soyez complètement réfractaire à la première et / ou allergique à la seconde, le côté épique de ce tome 3, et par extension de la trilogie des Livres du Nord, fait, à mon humble avis, de cette dernière un cycle incontournable pour tout amateur de Fantasy qui se respecte.
- En conclusion
Glen Cook a su, avec ce tome 3, comme il l'avait fait avec le tome 2, ne pas s'enfermer toujours dans le même schéma et nous surprendre, d'abord grâce à une structure narrative différente et plus complexe, ensuite grâce à de nombreux rebondissements dont tous, loin de là, ne sont pas prévisibles. On ne s'ennuie jamais, on est happé, on tourne les pages avec envie et frénésie car on veut savoir. La fin est extrêmement réussie, bouclant la trilogie des Livres du Nord de façon satisfaisante tout en posant de fascinants jalons pour ceux du Sud. Une fois de plus, le destin de la Compagnie noire est modifié de façon radicale, tout comme le sont ceux des personnages que nous avons appris à aimer (ou à détester aimer, pour certains). Et le lecteur n'a qu'une hâte : ouvrir le roman suivant.
Vous trouverez une version un peu plus complète (et illustrée) de la critique sur mon blog, avec une hypothèse très personnelle sur ce qui pourrait avoir donné à
Glen Cook l'idée du personnage de la Dame.
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