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Critique de Satyasaibaba


L'histoire commence par un coup de sang, un brelan de folie : celui d'un baron sicilien, grand propriétaire terrien qui, à bout portant, abat un ado venu lui voler quelques amandes… DANS SA PROPRIÉTÉ ! Sauf que l'ado n'était pas un vagabond. Il s'appelait Louis, il avait quinze ans, et c'était le neveu d'un parrain de la mafia. La pègre est torturée : le parrain veut venger son neveu, quoi de plus normal, mais d'un autre côté, le baron est un homme droit et important qui fait vivre la région. le faire disparaître ne serait pas bon pour les affaires. Un entre-deux est finalement trouvé : le baron sera exilé dans un hôtel de Palerme où il sera surveillé jour et nuit depuis l'immeuble d'en face.
On pourrait croire à un jugement de complaisance à la portée éphémère. L'enfermement durera cinquante ans !

Pour son quatrième roman, Oscar Coop-Phane s'empare de ce huis clos à peine croyable pour en tisser les heures à coup de petits chapitres qui vont s'intéresser, par touches au prisonnier, bien sûr, mais aussi à la galerie de personnages qui vont graviter autour de lui : Camille, la belle Isabelle, le barman toxico, le réceptionniste aigri et calculateur, la femme de chambre, les putes et les fêtards, l'écrivain au bord du suicide…
Dans les lustres passéistes d'un hôtel classieux, mais un peu décrépi, une vie va s'écouler comme en dehors du temps, en dehors de toute réalité, dans un monde rétréci qui s'arrête aux portes de l'hôtel. Une vie en pointillé qui nous émeut et nous fait aimer ce baron meurtrier, un peu salaud aussi, qui accepte son sort avec la droiture et l'humilité d'une époque révolue. L'atmosphère, le décor, les couleurs ajoutent au côté quelque peu suranné du personnage. En quête d'une raison de vivre, de petits bonheurs qui sans cesse se déroberont, le baron va perdre de sa superbe jusqu'à avoir peur de la vie ordinaire, celle qui se déroule dehors, de l'autre côté de sa fenêtre.

Mâcher la poussière est un très beau roman. D'un personnage à l'autre, l'écriture papillonne et vagabonde. Les phrases, d'une extraordinaire légèreté, tantôt s'emballent, tantôt s'apaisent. Elles courent d'un chapitre à l'autre, disséquant les âmes et mettant à nu les fragilités, les bassesses, les rêves des uns et des autres. Mâcher la poussière est un roman sur l'emprisonnement : celui d'un homme contraint à passer le reste de sa vie dans les ors vieillissants d'un hôtel, celui de l'aliénation aux substances qui apaisent et déconnectent du réel, celui de petites gens qui rêvent d'un ailleurs, d'une vie les libérant de leur condition. Tous se débattent, avec dignité, maladresse ou calcul, avant de s'effondrer dans l'indifférence d'un monde qui déjà les a oubliés. Mais pas nous…
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