Un coup d’œil sur la carte suffira pour faire connaître au lecteur la position de la côte orientale de l’île de la Grande-Bretagne, en face de laquelle sont les rivages du continent européen. Entre ces deux côtes se trouve cette mer resserrée, connue du monde entier depuis bien des siècles comme le théâtre d’une foule d’exploits maritimes, et le grand canal par lequel le commerce et la guerre ont fait passer les flottes des nations septentrionales de l’Europe. Les habitants de cette île ont longtemps prétendu avoir sur cette mer des droits que la raison ne peut accorder à aucune puissance sur le domaine commun des peuples, et cette prétention a souvent amené des contestations qui ont en pour résultat une effusion de sang et une dépense nullement proportionnée aux avantages qu’ils peuvent se promettre en cherchant à maintenir un droit incertain et inutile. C’est sur les flots de cet océan disputé que nous allons conduire nos lecteurs, et la scène s’ouvrira à une époque particulièrement intéressante pour tout Américain, non seulement parce que c’est celle de la naissance de la nation dont il fait partie, mais parce que c’est aussi l’ère à laquelle la raison et le bon sens commencèrent à prendre la place des coutumes antiques et des usages féodaux chez les peuples de l’Europe.
À
WILLIAM BRANDFORD SHUBRICK,
OFFICIER DE LA MARINE DES ÉTATS-UNIS
Mon cher Shubrick,
Chaque année efface tristement quelque nouveau nom dans la liste aujourd’hui bien courte de mes amis et de mes camarade de la marine. La guerre, la maladie et les hasards multipliés de la profession de marin diminuent de plus en plus ce nombre déjà si limité, tandis que les morts sont remplacés par des noms qui me sont étrangers. Quand je réfléchis à ces tristes vicissitudes, c’est avec un intérêt particulier que je chéris le souvenir de ceux avec qui j’ai vécu dans l’intimité : leur réputation croissante m’inspire un sentiment de triomphe qui égale presque le juste orgueil qu’ils ressentent eux-mêmes.
Ni le temps ni l’absence n’ont ébranlé notre amitié, mon cher Shubrick, et je sais qu’en vous dédiant ces volumes, je ne vous apprends rien de nouveau lorsque j’ajoute que c’est un hommage offert à un éternel attachement,
Par
Votre vieux camarade,
F. COOPER.
Le Dernier des Mohicans, film, 1992 - Bande-annonce VO