Guingamor : Le chevalier aux sortilèges (1CD audio)

Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants.

Fin.

Les contes s'attachent énormément aux moments magiques de la rencontre, les vrais amoureux s'y reconnaissant par l'opération d'un destin dessiné et donc travailleront de façon déterminée, dans leur histoire, à balayer les obstacles sur le chemin pour atteindre les marches de la noce finale.

Ca, c'est fait!



Les conteurs prennent soin de fermer la porte après l'histoire car ce qui s'y passe n'est pas une histoire qui appartient aux petits lecteurs, vos parents vous le diront (oui oui, on vous la dit, ils se font des bisous, chut!).

Avec le conte de Bretagne de Pierre Coran, le récit s'attachera aux coeurs moins honnêtes, réouvrirant l'histoire vers une nouvelle aventure.

L'amour est un combat, vous diraient sagement vos maman en tricotant, les preuves d'amour sont faites d'épreuves quotidiennes et cela ne fait que commencer, vous chuchoteraient les papas en couvrant leur voix par leur activité de bricolage.



Hormis les cheveux défaits et en chantier de la reine, la mauvaise haleine du matin du roi, le conteur Pierre Coran révélera ici un peu de cette histoire qu'on ne connait pas.

Nous reviendrons sur ces couples royaux dont la vie n'est pas un conte de fée et qui, eux, ne se choisissent pas par la raison du coeur.

Le roi et la reine se marièrent et parfois, il arrive ceci.



Il était une fois, un jeune chevalier du nom de Guingamor.

La fortune a voulu que le roi fut son oncle et que celui-ci n'eût pas d'héritier à part lui.

La reine ne connaissait pas encore le neveu et quand elle le vit, son coeur chavira.

Si d'aventure, les contes nous présentent surtout des hommes faisant des pieds et des mains pour obtenir amour auprès d'une qui ne les aime pas, ici, cela sera l'inverse.

Et la reine essaiera de tenter le jeune Guingamor.

Malheur!

N'était-elle pas belle après tout et n'était-elle pas la reine?

Mais c'était sans compter sur les valeurs et la fidélité du neveu ("l'idiot!", entendez-vous crier d'ici la reine).



Et c'est là que l'épreuve qualifiante de héros commence pour Guingamor qui devra surmonter les épreuves de la reine visant à le faire taire mais pas que, vous le verrez.

De tous récits de rois cupides, qu'il soit David ou un autre, il suffisait d'envoyer son rival à la chasse ou à la guerre et l'affaire était faite pour ne plus le revoir.

La reine devait le savoir.

La quête du Sanglier blanc réserve bien d'autres surprises et d'autres tourments, si Guingamor sut ne pas se laisser tenter par les charmes de la reine, il ne put résister à ceux de la belle qui se baignait nue dans un lac et qui le convia trois jours dans son château.

Ceux et celles qui ont entendu parlé des légendes bretonnes savent qu'il faut faire attention sur les chemins.

Attention, à l'appel des sirènes, pauvre Guingamor.

Dès lors qu'il prit la main de la jeune dame, le chevalier fut, à son insu, la proie de sortilèges puissants...



Le récit est doux-amer, romantique dans sa tragédie.

Pauvre chevalier qui aura su se montrer fidèle à lui-même jusqu'au bout même dans la désobéïssance.

Nous ne révélerons pas tout, pour ne pas gâcher.

L'écriture, bien qu'en vers et dans un style qui rapelle fortement le moyen-âge, est fluide et agréable. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, on ne bute pas sur les mots ou les tournures de phrases. Même s'il faut reconnaître que ce n'est pas non plus pour de jeunes enfants.
L'histoire contient tout ce que l'on attend d'une histoire d'époque : un preux chevalier, un bon roi, une partie de chasse, un royaume merveilleux, une jolie sorcière et une vilaine reine. Mais il y a aussi beaucoup d'antiquité grecque là-dessous : la reine et Guingamor rapelle de manière évidente Phèdre et Hippolyte, et le séjour du chevalier dans le royaume magique n'est pas sans évoquer celui d'Ulysse chez Calypso ou même Circé, et on peut même voir du Perséphone en lui quand on lui donne pour consigne de ne pas se nourir s'il veut pouvoir revenir.
Côté illustration, on trouve ici un habile mélange entre tradition et modernité. le trait est résolument moderne, mais la mise en scène elle est clairement moyen-âgeuse. Une partie du texte est écrit comme dans un manuscrit : présence de la réglure, de lettrines ornées, de marginalia, de miniature, de texte dans une couleur différente.
Enfin la musique est un parfait accompagnement. Chaque étape de l'histoire, avant d'être lue, est annoncée par une introduction musicale qui nous plonge dans l'ambiance de l'époque et de l'histoire.
Bref, très complet, très agréable : il ne manque absolument rien à ce conte.