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EAN : 9782246808718
336 pages
Grasset (21/08/2013)
  Existe en édition audio
4.27/5   3126 notes
Résumé :
"L'idée de Samuel était belle et folle : monter l'Antigone de Jean Anouilh à Beyrouth. Voler deux heures à la guerre, en prélevant dans chaque camp un fils ou une fille pour en faire des acteurs. Puis rassembler ces ennemis sur une scène de fortune, entre cour détruite et jardin saccagé.
Samuel était grec. Juif, aussi. Mon frère en quelque sorte. Un jour, il m'a demandé de participer à cette trêve poétique. Il me l'a fait promettre, à moi, le petit théâtreux ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (502) Voir plus Ajouter une critique
4,27

sur 3126 notes
4 étoiles...Selon le code Babelio, cela veut dire « J'ai beaucoup aimé ». Aimé ! Quelle ineptie, de parler d'aimer, à propos de ce roman de feu, de sang, de larmes !

Pour la première fois, je me rends compte que c'est très difficile de parler de guerre, de n'importe laquelle, d'ailleurs. Ici, elle se passe à Beyrouth, et pour moi, c'est très difficile aussi de comprendre ce qu'il s'y passe.

En deux mots : Georges, un jeune anarchiste forcené, qui vient à peine de se ranger en se mariant et en ayant un enfant, est happé par le désir – non, la volonté ultime – d'un Grec, juif, metteur en scène, de réaliser au coeur du conflit israélo-palestinien, une pièce de théâtre, LA pièce de théâtre : Antigone. Ce Grec, Sam, va mourir, et il veut à tout prix que cette pièce, qu'il avait si bien « préparée » en amont, se joue. Mais pas de n'importe quelle façon ! Georges en est pleinement conscient !
« Cette fois, il ne s'agissait pas de réciter trois répliques de théâtre dans une Maison des Jeunes, mais de s'élever contre une guerre générale. C'était sublime. C'était impensable, impossible, grotesque. Aller dans un pays de mort sans savoir qui est qui. Retrancher un soldat dans chaque camp pour jouer à la paix. Faire monter cette armée sur scène. La diriger comme on dirige un ballet. Demander à Créon, acteur chrétien, de condamner à mort Antigone, actrice palestinienne. Proposer à un chiite d'être le page d'un maronite. La guerre était folie ? Sam disait que la paix devait l'être aussi. Il fallait justement proposer l'inconcevable. Monter « Antigone » sur une ligne de feu allait prendre les combats de court. Ce serait tellement beau que les fusils se baisseraient. »

Et voilà, tout est dit, la tragédie peut commencer.
A coups de fusils et de bombes, à coups de mots, à coups d'amour.
Car Georges, une fois « là-bas », dans cet antre de terreur, ne parvient plus à s'en défaire.
Et par la plume de Sorj Chalandon, tout entière nourrie de poésie et de souffle épique, je suis malgré moi emmenée là-bas, aussi.
Malgré moi, malgré tout, je suis revenue dans ma petite vie, « dans mon pays à moi, avec le ciel sans avion, les nuits sans frayeurs, les caves qui ne protègent que le vin. Retrouver ma vie, mon amour, ma tendresse. Surveiller les gamins du collège, boire une bière d'automne en terrasse, trouver une place sur les pelouses du dimanche, trembler devant un film, fermer les yeux pour une chanson ».
Car Sorj Chalandon, s'il insuffle l'horreur, nous repousse malgré tout dans l'amour.
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Le premier chapitre du roman ressemble au prologue d'Antigone, il annonce la tragédie. Cette pièce se trouve au coeur du destin de Georges et de sa troupe de comédiens. En 1982, ils répètent Antigone en vue d'une unique représentation à Beyrouth avec des comédiens issus des différentes communautés. le danger et les tensions sont omniprésents. C'est une pure folie dans un pays en proie à de violents combats quotidiens.
« Nous portons des masques de tragédie. Ils nous permettent d'être ensemble. Si nous les enlevons, nous remettons aussi nos brassards, et c'est la guerre. » dit l'un des comédiens.
Georges porte ce projet à bout de bras, fiévreusement. Il l'a promis à Sam, son ami grec mourant, un vieux juif au long passé politique et théâtrale. Georges reste fidèle à ses idéaux et son ami.
C'est un jeune idéaliste en quête d'un idéal autant que d'une figure paternelle, il admire Sam plus que tout mais il va se perdre dans la guerre du Liban. Éternel étudiant, il a endossé un rêve et un costume un peu trop grands pour lui face à l'horreur de la guerre.
« On a toujours deux yeux de trop » le prévient avec sagesse le médecin de Sam. Mais il est déjà trop tard… Il continue le dernier combat de Sam, ce juif assoiffé de liberté, engagé dans la politique dès son plus jeune âge.

Ce projet artistique est-il la dernière part d'humanité possible ou une terrible utopie inutile ou futile face à de tels évènements ?

Sorj Chalandon trouve les mots justes, qui percutent ou nuancent, ses phrases sont courtes et élégantes, son roman est bouleversant et les personnages saisissants de vérité.






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Paris, début des années 70, Georges étudiant et militant , rencontre Aurore, la femme qui va changer sa vie (elle le rend père et mari) et Samuel Akounis, grec, juif de Salonique, exilé en France pour fuir le régime des colonels, qui LUI, bouleversera sa vie.

Leur passion commune le théâtre.

De cette rencontre naît une indéfectible amitié qui s'avérera destructrice pour Georges car une décennie plus tard, son ami à l'agonie le charge d'une mission, un projet artistique et culturel a réalisé à sa place dans Beyrouth partagée par la Ligne verte.

Le rêve de Sam: jouer l'Antigone d'Anouilh (et non de Sophocle) au Liban avec des acteurs amateurs de toutes confessions.
Un pied de nez à la guerre civile qui ravage le pays du cèdre.
Un rêve de paix et de fraternité.

C'est beau et émouvant.
C'est grand et violent.

Une tragédie bien réelle (avec le souvenir des massacres de Damour en 76 et ceux de Chabra et Chatila en 82) qui dépasse celle de la fiction.

"Nous portons des masques de tragédie. Ils nous permettent d'être ensemble. Si nous les enlevons, nous remettons aussi nos brassards, et c'est la guerre."

Merci pour cette invitation à franchir le quatrième mur.
Bravo à Sorj Chalandon pour la démonstration.
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Je continue mon exploration de la bibliographie de Sorj Chalandon avec énormément d'intérêt.
Après nous avoir parlé de l'Irlande avec "l'ami irlandais", l'auteur va nous emmener cette fois au Liban au plus fort du conflit, un livre intéressant à plus d'un titre principalement en raison de l'approche proposée.
"L'idée de Samuel était belle et folle : monter l'Antigone de Jean Anouilh à Beyrouth.", ce livre va nous parler d'un rêve fou, d'une utopie, il va surtout nous faire réfléchir à plusieurs niveaux et je l'ai apprécié pour cela.
Difficile de dire ce que chacun gardera de cette lecture, s'il sera question du Liban bien sûr, l'auteur ne nous instruira pas sur les causes du conflit, cela-dit il va par contre nous présenter les différentes factions au travers des acteurs pressentis pour jouer la pièce, acteurs qui doivent représenter toutes les composantes de ce Liban en guerre.
Réflexion sur la violence, réflexion sur la violence qui engendre la violence, réflexion sur l'engagement pour une cause, réflexion sur la paix, réflexion sur la réconciliation et le pardon, réflexion sur les convictions, réflexion sur la justesse des convictions, beaucoup de grain à moudre, beaucoup...
Réflexion aussi sur la vision de la guerre selon que l'on soit en France ou selon que l'on s'y confronte sur place, la scène n'est pas la même et le décor non plus.
Sorj Chalandon va étayer son histoire en nous proposant des portraits d'une belle intensité, des gens avec des qualités et des défauts, cela-dit si la trame de l'histoire est claire, l'auteur va de façon admirable nous laisser nous débrouiller avec nombre de contradictions car son propos semble être de ne pas prendre parti et j'ai fini par apprécier cette idée.
J'ai aimé le personnage de Samuel, beaucoup, même si on peut se poser au moins une question, beaucoup moins aimé Georges, personnage bancal et peu fiable, aimé les acteurs, les libanais toutes factions confondues.
J'aurais aimé pouvoir discuter avec l'auteur pour comprendre quelles étaient exactement ses attentes en écrivant cette histoire, j'ai rarement "phosphoré" à ce point au moment de terminer un livre.
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Sacré coup de poing que ce choix des lycéens 2013 pour le prix Goncourt!

Pour tenir une promesse faite à son ami Sam, qui vit ses derniers jours, Georges prend l'avion pour le Liban avec ce projet fou de mettre en scène Antigone à Beyrouth au milieu du champ de bataille qu'est cette ville, et avec une troupe hétéroclite rassemblant des acteurs qui hors de la scène se tireraient dessus…

Ce destin était écrit pour Georges, militant dans l'âme, prêt à en découdre contre les fascistes de tout acabit. L'arrivée de Sam, juif chassé De Grèce dans les années 70 au temps de la dictature des colonels, étaye et canalise sa soif d'agir. Son mariage et la naissance de sa petite fille aurait même pu éteindre cette flamme combattive qui l'anime. Mais Sam va mourir, et confie à Georges la lourde tâche de mener à bien sa propre utopie.

Beyrouth agonise sous les bombardements. Les massacres répondent aux massacres, aveugles, odieux. La canonnade incessante rend les instants de silence insoutenables. Chaque au-revoir est un potentiel adieu. Et Georges donne son corps et son âme au sein de ce combat qui n'aurait pas dû être le sien. Au risque d'atteindre le point de non-retour…

Sorj Chalandon connaît la question et embarque le lecteur au coeur de ce conflit complexe où se croisent et se déchirent Druzes, chiites, sunnites, chrétiens et palestiniens. La haine mène la danse. Les scènes sont dures, et l'on n'a pas ici la bulle isolante de la fiction pour épargner la sensibilité : on n'est pas dans un polar!

Malgré cela, l'auteur parvient à nous faire sourire! Pas à toutes les pages, certes, mais sa plume acérée lance des coups de griffe bien inspirés lorsque l'absurdité tient lieu de rituel.
L'écriture est superbe et c'est ce qui rend ce roman attrayant malgré l'agression que l'on subit.
Et puis Antigone est là, en filigrane, magnifiée par l'enjeu qu'elle représente, et ça, c'est inestimable.
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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critiques presse (12)
LaPresse
20 mai 2014
À l'origine du Quatrième mur, il y a le massacre de Sabra et Chatila par les phalanges libanaises, entre le 16 et le 18 septembre 1982. Sorj Chalandon, alors grand reporter au quotidien Libération, sera parmi les premiers journalistes à pénétrer dans les camps palestiniens et à y découvrir l'horreur, la vraie, celle qui ignore les frontières et qui marque pour la vie.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Bibliobs
12 novembre 2013
Dans ce roman qui a le souffle d'une tragédie, Chalandon n'hésite pas à malmener un héros dont il met en lumière, parfois avec humour, les faiblesses et les contradictions.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LaPresse
10 octobre 2013
Un grand roman magnifiquement écrit et une fiction tout imprégnée de vrai sang, de vraies larmes, de vrais conflits guerriers.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Lhumanite
07 octobre 2013
C’est écrit avec la lucidité d’un correspondant de guerre (Sorj Chalandon obtenait le prix Albert-Londres en 1988 pour ses reportages dans 
Libération) et ça rend parfaitement compte d’un théâtre des opérations.
Lire la critique sur le site : Lhumanite
Liberation
24 septembre 2013
On retrouve dans ses romans sa profonde connaissance de ces terrains, son empathie pour ces pays déchirés, leurs habitants, leurs militants et leurs guerriers. Et si l’écrivain cherche à s’effacer derrière le reporter, on retrouve un style, une manière d’écrire et de décrire qui fut la sienne dans notre quotidien.
Lire la critique sur le site : Liberation
LeFigaro
23 septembre 2013
Son Quatrième Mur se déploie sur le fil tendu de la sidération qu'elle provoque (non, parfois, sans une certaine emphase).
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Lexpress
17 septembre 2013
Et rarement fiction fit autant ressentir l'intensité d'une guerre civile en y accolant la thématique du théâtre comme arme rhétorique et politique. Ici battent des coeurs et tonne le monde.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Culturebox
13 septembre 2013
Ce « Quatrième Mur » n’est certes pas un grand message d’espoir, mais son final bouleversant force à ouvrir les yeux, à regarder la vie telle qu’elle est. Dans ce qu’elle a de plus sauvage.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Telerama
04 septembre 2013
Le Quatrième Mur est le récit d'une utopie et une ode à la fraternité. Antigone n'y est plus une simple pièce : c'est un bloc de mots jeté dans les flaques de sang.
Lire la critique sur le site : Telerama
LesEchos
23 août 2013
Brûlant, fiévreux et désespéré, d'une violence inouïe, « Le Quatrième Mur » explose comme une bombe à fragmentation dans l'esprit du lecteur dont il hantera longtemps la mémoire.
Lire la critique sur le site : LesEchos
Lexpress
12 août 2013
Dans ce sixième roman au style particulièrement affûté, sans se payer de mots, Sorj Chalandon confronte les illusions de son narrateur à la réalité d'une violence qui le dépasse. Et restitue une aventure aussi exaltante que dramatique, au sens propre.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LePoint
31 juillet 2013
Romancé par Sorj Chalandon, c'est poignant. Parce que le journaliste [...] connaît son sujet, la guerre. Parce que l'écriture du romancier [...] est d'une puissance telle qu'il nous fait sentir la tension, l'horreur, l'absurdité, en des scènes d'une force visuelle rare.
Lire la critique sur le site : LePoint
Citations et extraits (431) Voir plus Ajouter une citation
Je suis tombé comme on meurt, sur le ventre, front écrasé, nuque plaquée au sol par une gifle de feu. Dedans et dehors, les pieds sur le talus, les mains sur le ciment. Mon corps était sidéré. Une lumière poudrée déchirait le béton. Je me suis relevé. La fumée lourde, la poussière grise. Je suffoquais. J’avais du sable en gorge, la lèvre ouverte, mes cheveux fumaient. J’étais aveugle. Des paillettes argent lacéraient mes paupières. L’obus avait frappé, il n’avait pas encore parlé. La foudre après l’éclair, un acier déchiré. Odeur de poudre, d’huile chaude, de métal brûlé. Je me suis jeté dans la fosse au moment du fracas. Mon ventre entier est remonté dans ma gorge. J’ai vomi. Un flot de bile et des morceaux de moi. J’ai hurlé ma peur. Poings fermés, oreilles sanglantes, recouvert par la terre salée et l’ombre grasse.
Le blindé faisait mouvement. Il grinçait vers le garage. Je ne le voyais pas, j’entendais sa force. Le canon hésitait. Droite, gauche, mécanique enrouée. L’étui d’obus avait été éjecté. Choc du métal creux en écho sur la route. Silence.
— C’est un T55 soviétique, un vieux pépère.
J’ai sursauté. Voix de rocaille, mauvais anglais. Un homme âgé était couché sur le dos, dans le trou, à côté de moi dans la pénombre. Je ne l’avais pas remarqué.
— Baisse la tête, il va remettre ça.
Keffieh, barbe blanche, cigarette entre deux doigts, il fumait. Malgré le char, le danger, la fin de notre monde, il fumait bouche entrouverte, laissant le nuage paisible errer sur ses lèvres.
— C’est confortable ?
Il a désigné mon ventre d’un geste. J’écrasais son arme, crosse contre ma cuisse et chargeur enfoncé dans mon torse. Je m’étais jeté sur un fusil d’assaut pour échapper à un obus.

Chapitre 1: Tripoli, nord du Liban.
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- Georges, connais-tu Victor Hugo?
J'ai ouvert la bouche en grand. Le phalangiste a ajusté son arme, regard perdu dans le jour tombé.
- Tu connais?
"Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends..." a récité le tueur.
J'ai tremblé à mon tour. Mon corps, sans retenue. J'ai pleuré. Tant pis. (...)
"J'irai par la forêt, j'irai par la montagne,
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au-dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit".

Et puis il a tiré. Deux coups. Un troisième, juste après. Cette fois sans trembler, sans que je sente rien venir. Son corps était raide de guerre. Mes larmes n'y ont rien fait. Ni la beauté d'Aurore, ni la fragilité de Louise, ni mon effroi. Il a tiré sur la ville, sur le souffle du vent. IL a tiré sur les lueurs d'espoir, sur la tristesse des hommes. Il a tiré sur moi, sur nous tous. Il a tiré sur l'or du soir qui tombe, le bouquet de houx vert et les bruyères en fleur.
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Aller dans un pays de mort avec un nez de clown, rassembler dix peuples sans savoir qui est qui. Retrancher un soldat dans chaque camp pour jouer à la paix. Faire monter cette armée sur scène. La diriger comme on mène un ballet. Demander à Créon, acteur chrétien, de condamner à mort Antigone, actrice palestinienne. Proposer à un chiite d’être le page d’un maronite. Tout cela n’avait aucun sens. Je lui ai dit qu’elle avait raison. Ses remarques étaient justes. La guerre était folie ? Sam disait que la paix devait l’être aussi. Il fallait justement proposer l’inconcevable. Monter Antigone sur une ligne de feu allait prendre les combats de court. Ce serait tellement beau que les fusils se baisseraient.

Chapitre 8 : Jean Anouilh
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La plainte du vent était revenue. Le souffle de la mer. Le vieux Palestinien s’est retourné sur le flanc, coude à terre et la joue dans la main. Il m’a observé. J’ai secoué la tête. Non, je ne pleurais pas. Je n’avais plus de larmes. Il m’a dit qu’il fallait en garder un peu pour la vie. Que j’avais droit à la peur, à la colère, à la tristesse.
(...) Sous sa moustache usée, il avait les lèvres ouvertes. J’ai cru qu’il allait m’embrasser. Il m’a observé. Il cherchait quelque chose de moi. Il est devenu grave.
— Tu as croisé la mort, mais tu n’as pas tué, a murmuré le vieil homme.
Je crois qu’il était soulagé. Il a allumé une cigarette, s’est assis sur ses talons. Puis il s’est tu, regardant la lumière fragile du dehors.
Et je n’ai pas osé lui dire qu’il se trompait.
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- Il t'a rendu ton passeport?
J'ai hoché la tête.
- Qu'est-ce qu'il faisait avec la tomate? j'ai demandé
- Il voulait savoir si j'étais palestinien.
Les Syriens faisaient la chasse aux combattants d'Arafat.
Quand ils arrêtaient un homme, ils lui montraient une tomate et lui demandaient de nommer le légume. Avec son accent, le Libanais répondait "banadora" et le Palestinien "ban'dora". Des centaines avaient été arrêtés comme ça.
- Pourquoi ils ne répondent pas comme un Libanais?
Marwan m'a regardé de côté.
- Parce qu'ils ont leur fierté.
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Vidéo de Sorj Chalandon
Rencontre avec Sorj Chalandon autour de son roman l'enragé paru aux éditions Grasset.


Sorj Chalandon, après 34 ans à Libération, est aujourd'hui journaliste au Canard enchaîné. Ancien grand reporter, prix Albert-Londres (1988), il est l'auteur de 10 romans, tous parus chez Grasset. le Petit Bonzi (2005), Une promesse (2006, prix Médicis), Mon traître (2008), La Légende de nos pères (2009), Retour à Killybegs (2011), le Quatrième Mur (2013), Profession du père (2015), le Jour d'avant (2017), Une joie féroce (2019) et Enfant de salaud (2021).
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13/01/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER
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