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Critique de helenew_fr


Je viens de lire Alias Caracalla de Daniel Cordier et Radio Libre, un texte de Maurice de Cheveigné que l'on peut trouver sur internet, tous deux recommandés par des amis. Et ça me fait un peu de peine d'écrire que je préfère le second au premier. Cela me fait de la peine, car sur bien des plans, le travail d'historien de Daniel Cordier est bien plus complet et plus sérieux, mais force m'a été de constater que je l'ai trouvé moins intéressant à lire. Les quatre cents premières pages offrent certes une histoire qui se lit facilement : après un rapide portrait de cet adolescent énergique, bon élève, idéaliste (il changera d'idéal plus tard, troquant l'Action Française tendance royaliste et l'antisémitisme contre une idéologie de gauche), on le voit, dégoûté du Maréchal et convaincu par l'appel de De Gaulle, à la tête d'un groupe de camarades qui veulent faire quelque chose, genre “tuer du boche”, on le suit ensuite à bord d'un bateau, puis pendant sa formation militaire et d'espionnage en Angleterre, où il est plutôt enchanté de l'accueil réservé par les britanniques aux Free French. A la fin de cette période, on est avec lui dans l'avion qui le parachute en France pour mettre à profit ses compétences nouvellement acquises de sabotage, de radio et d'espionnage, pour rejoindre la Résistance, quoi.
A peine s'est-il débarrassé de son parachute qu'il se voit recruté par “Rex” (Jean Moulin) qui lui confie son secrétariat. Toutes clandestines et extrêmement périlleuses qu'elles soient dans un contexte de guerre, les tâches des secrétaires sont répétitives et peu passionnantes à lire : planification et suivi de rendez-vous, prise de notes et réunions de debrief avec le patron (on sent bien que les monologues de Jean Moulin devant son secrétaire l'aident à clarifier ses idées), recrutement de personnel supplémentaire, transmission de messages (les fameuses boîtes aux lettres à trouver puis à relever), recherche de lieux d'hébergement, distribution de ressources (des sommes d'argent parfois importantes). Outre le grave danger qui plane sur tous les militants, avec la menace constante d'arrestation, les tâches sont compliquées par la surcharge de travail, qui fait courir “Alain” (c'est un des noms de code de Daniel Cordier) toute la journée à Lyon et plus tard à Paris, le manque de ressources de toutes sortes, les bâtons mis dans les roues par les bureaucrates de Londres, ou tout simplement les erreurs de transmission des équipes là-bas, et puis aussi les divergences de points de vue des différents “mouvements”, entendez par là les différents groupes de toutes sortes et les courants politiques qui participent à la Résistance.

Et cela en prend des pages, ces foutus mouvements, avec leurs chefs qui cherchent noise au grand chef émergent, Jean Moulin, et qui n'hésitent pas à exercer le maximum de pression sur le plus jeune et le moins gradé, à savoir le secrétaire. Au passage, on s'émeut que le mouvement de la Résistance ait dépensé tant d'énergie dans des luttes intestines, même si on ne s'étonne pas. J'aurais été l'éditeur, j'aurais conseillé une compression impitoyable de cette partie du récit. C'est tout à son honneur d'historien que Daniel Cordier nous livre une histoire au jour le jour, mais, lectrice impatiente que je suis, je trépignais. Et puis, ce n'est pas comme s'il y avait beaucoup de suspense : Comme chacun le sait, Jean Moulin sera arrêté; par définition, le narrateur survivra.
La chronique méticuleuse du travail de secrétaire de Jean Moulin contient des éléments intéressants. En jouant au psychanalyste on peut facilement conclure que Daniel Cordier remplace son père avec qui il a rompu et le beau-père qu'il a laissé avec le reste de sa famille pour faire la guerre, avec un autre père, en la personne de Jean Moulin. (D'ailleurs, Wkipedia me dit que Caracalla est un empereur romain qui a régné avec son père jusqu'au décès de ce dernier). Les prémices d'une fascination avec l'art moderne que lui révèle son patron sont esquissées (Daniel Cordier sera un grand marchand d'art après la guerre). Et un détail m'intrigue un peu : je crois me souvenir que l'auteur dit tôt dans le livre qu'il a tenu un journal toute sa vie. Et on en lit pas mal d'extraits, notamment en fin de chapitre, pendant la première partie du livre, et plus du tout après. Simple pression du travail qui a empêché “Alain” de se consacrer à cette vieille habitude ? Auto-censure ?
En tout cas, l'espèce de déférence dont témoigne Daniel Cordier tout au long de Alias Caracalla, déférence envers son patron, envers sa contribution à la guerre, et la longueur de toute une partie de ce récit ternissent à mon sens un peu une histoire qui mérite tellement pourtant d'être racontée.
Lien : https://helenewilkinsonbookr..
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