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EAN : 9782915825497
304 pages
C&F Editions (01/10/2015)
4.08/5   26 notes
Résumé :
Rencontrer les élèves des collèges et lycées, mettre au jour leur imaginaire de l'internet : Anne Cordier veut se confronter au réel pour éviter les préjugés et les discours marketing sur les jeunes et les réseaux. Loin des mutants annoncés par certains auteurs médiatiques, elle a croisé des jeunes qui ont besoin de comprendre ce qui se joue derrière les écrans. Leur savoir-faire est évident, mais il masque des difficultés à construire une image mentale de l'informa... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
A part quelques articles de revues spécialisées, j'ai un principe pour préserver mon optimisme professionnel : ne jamais lire d'ouvrages ayant rapport aux sciences de l'information et de la communication. Discours relayant les directives officielles et utopiques du ministère de l'Education nationale ou bien au contraire beaucoup trop militants, ils sont soit trop abstraits et emplis d'un jargon universitaire barbant et démagogique, soit trop revendicatifs et défaitistes. Mais là, bonne surprise ! Tout d'abord, l'ouvrage d'Anne Cordier, ancien professeur-documentaliste aujourd'hui maître de conférences en sciences de l'information et de la communication, s'adresse à quiconque s'intéresse de près ou de loin au rapport de nos adolescents avec le numérique, plus précisément dans la recherche d'information. Parents, enseignants, médiateurs, chacun peut y trouver une analyse fine des pratiques numériques des jeunes. Ensuite, il est écrit de manière très compréhensible et avec beaucoup d'empathie vis-à-vis des jeunes interrogés, sans se départir du sérieux de l'objectif de recherche.

Dans cet ouvrage intelligent et réaliste composé de quatre chapitres, l'auteure s'attache à opposer d'une part les fantasmes et imaginaires qui désignent tous les jeunes nés à partir des années 2000 comme des « digital natives », c'est-à-dire des sortes d'experts innés du numérique ; et d'autre part les pratiques effectives de ces adolescents sur Internet et leur compréhension de tout cet environnement informationnel complexe. Vaste programme…S'appuyant sur des entretiens individuels et des séances d'observation de collégiens et lycéens en situation de recherche, formelle et non formelle, Anne Cordier bat en brèche tous ces discours sociaux, tous ces poncifs qui polluent notre compréhension des pratiques adolescentes et notre relation aux adolescents eux-mêmes. Elle tente également de contribuer aux recherches sur les pratiques informationnelles qui sont déployées dans différents contextes d'observation. En s'appuyant sur ces observations, elle réfléchit à des actions et souhaite avant tout optimiser les actions pédagogiques en lien avec le numérique.

Au fil des questions et des séances d'observation d'Anne Cordier, les adolescents se racontent, s'offusquent, murmurent parfois, et c'est tout un pan de la jeunesse qui se dévoile dans sa relation aux pratiques numériques. Collégiens et lycéens avouent tout d'abord que l'injonction des « digital natives » pèse sur eux et c'est parfois honteux, à demi-mot, que certains reconnaissent qu'Internet ne les intéresse pas ou que « c'est dur ». Quel discours éhonté de faire croire qu'aujourd'hui, le savoir est « déjà transmis » dès lors que l'on est sur Internet. D'autant plus aberrant que ces idées sont relayées par « d'émérites » chercheurs en science de l'information qui confondent information et savoir, accès et appropriation. C'est nier totalement que ces jeunes ont besoin d'une formation au numérique. Or pour ces adolescents, l'expertise en recherche d'information est un facteur d'intégration sociale et amicale non négligeable. Des différences de niveau et de représentation des adolescents à propos d'Internet apparaissent, des inégalités que les discours sociaux répandus tendent à masquer en offrant des portraits-robots trompeurs de ces jeunes vis-à-vis du numérique.

Après avoir vu Internet comme un objet socialement partagé, l'auteur s'intéresse à l'environnement social et numérique des adolescents. Elle aborde les questions de la frontière ténue entre intégration de l'outil par les adolescents et une dépendance consciente ou inconsciente, le rôle des parents à la maison concernant l'accès à Internet et la localisation – primordiale – de l'ordinateur, ainsi que la différence très nette que font les élèves entre la recherche d'information sur Internet qui s'apparente au travail scolaire, et son utilisation comme divertissement dès lors que l'on est chez soi.
Enfin, loin des discours alarmistes qui annoncent la fin de l'ouvrage imprimé, les entretiens avec les adolescents révèlent que pour un tiers des interrogés, le livre « rassure » et demeure objet de plaisir, de « flânerie », tandis qu'Internet rime avec immédiateté, exhaustivité et plaisir aussi. le Centre de Documentation et d'Information reste d'ailleurs pour les élèves un lieu d'information mais aussi de curiosité et de vie, qu'ils ne pourraient imaginer sans livre !

Omniprésence du moteur de recherche Google, connaissances techniques opposées aux connaissances « manipulatoires » de l'ordinateur, problème du vocable numérique, rapport du droit à l'image, l'ouvrage d'Anne Cordier est une mine d'informations.
Reconnaissant le rôle légitime des médiateurs quelque soit leur statut, préconisant un regard empathique et compréhensif sur les pratiques informationnelles des adolescents, l'auteur souhaite que les adultes encadrant ces jeunes les aident à développer une culture de l'information essentielle aujourd'hui. Elle montre également que ces adolescents sont très loin de l'image véhiculée par les discours sociétaux et qu'ils sont tout à fait conscients de leurs pratiques. Aux adultes également de les écouter.
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C'est une intervention d'Anne Cordier lors d'une journée d'échanges entre professeurs documentalistes qui m'a donné envie de découvrir son enquête sur ce que les jeunes « pensent d'internet, ce qu'ils y font, comment ils recherchent l'information avec », en vue de réfléchir aux méthodes d'enseignement. J'avoue avoir failli abandonner ma lecture au premier chapitre : dans celui-ci, l'autrice justifie sa démarche en long et en large à grand renfort de définitions de notions, et je n'en pouvais plus des nombreuses notes et circonvolutions universitaires. Heureusement par la suite, elle laisse la part belle aux transcriptions de ses échanges avec les collégiens et lycéens. J'ai beaucoup apprécié qu'elle livre leurs paroles telles quelles, avec leurs hésitations, leur façon de parler, leurs expressions : c'est très réaliste et tellement juste !

Ces dialogues commencent par bousculer les idées reçues : ce n'est pas parce qu'ils sont des « digital natives » que tous les jeunes sont à l'aise avec le numérique (« Le problème, c'est que les profs ils considèrent qu'on doit connaître, et qu'on sait faire »). Les adolescents interrogés insistent également sur les discours « excessifs » des adultes sur les dangers d'internet (« On ne fait pas n'importe quoi. », « Oui je passe beaucoup de temps en ligne, mais j'ai une vie, ça va merci ! »). Enfin, internet a de nombreux bons côtés : on développe sa connaissance de l'anglais, on rencontre de nouvelles personnes, on tisse des liens avec des personnes du monde entier autour d'intérêts communs (« Ils font partie de ma vie numérique »). Et puis ne pas faire comme les autres (sur les réseaux sociaux notamment), c'est prendre le risque de n'avoir rien à dire lors des conversations de groupe : « L'expertise en matière d'internet pèse dans les relations amicales, sociales, que les jeunes entretiennent avec leurs pairs », c'est un facteur d'intégration non négligeable.

Dès lors, on comprend qu'un adolescent qui ne maîtrise pas bien l'outil affiche une nette dévalorisation de soi (« Je suis nul·le », « Je sais pas comment ça marche et j'ai la honte »). Or, seulement 4 à 7 % se familiariseraient au numérique à l'école primaire... Certains évitent le problème, se résignent. D'autres mentent pour faire croire qu'ils maîtrisent. Cependant la plupart vont chercher à se former en s'appuyant sur des démarches d'observation, d'imprégnation, d'imitation des personnes de leur entourage. C'est l'apprentissage non formel au sein du groupe familial qui prédomine (un parent, un grand frère ou une grande soeur, qui partage son savoir en la matière). Mais l'expertise circule aussi entre camarades : l'entraide en cours booste la prise en main par la suite à la maison (« après je cherche toute seule comme une grande »). L'autonomie conquise grâce à la bienveillance des autres procure un véritable sentiment de fierté.

Comme on le constate, cette étude met en avant la psychologie adolescente et aide à prendre conscience de la façon dont les jeunes voient les choses, distinguant bien les pratiques « non formelles » de celles utilisées dans le cadre scolaire. Personnellement, je n'ai pas eu l'impression d'apprendre grand-chose de nouveau, sûrement parce que je suis prof doc en collège et maman d'une lycéenne et d'un étudiant. Je vois bien comment cela se passe au quotidien, dans et hors contexte scolaire, et cet ouvrage enfonce des portes ouvertes. Il conviendrait davantage, je pense, aux autres enseignants (ainsi qu'aux parents) afin qu'ils en tiennent compte lors des séances pédagogiques requérant l'outil numérique.
Anne Cordier conclut d'ailleurs sur quelques suggestions (« Et maintenant ? ») : développer une culture technologique (« s'éloigner d'une conception encore trop souvent procédurale même si elle est nécessaire ») afin que les jeunes comprennent les implications de l'utilisation d'un outil (« construire sa propre carte mentale de l'univers informationnel »), structurer les apprentissages avec des méthodes et des connaissances, encourager le partage d'expérience entre élèves mais aussi entre élèves et adultes car enseigner, c'est autant transmettre que recevoir !
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Lu en 2016. Un ouvrage de référence en ce qui concerne l'EMI (éducation aux médias et à l'information), qui intéressera la toute la communauté éducative, parents y compris, sur les usages et pratiques numériques des jeunes dans leur recherche d'information.
Anne Cordier a mené une enquête auprès des 11-17 ans sur quatre ans dans plusieurs établissements de Lille. Un ouvrage très intéressant et instructif, mais au vocabulaire parfois ardu, s'appuyant sur des thèses de chercheurs en sciences de l'information et de la communication, des sociologues, des spécialistes de l'adolescence.
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Une étude des pratiques informationnelles adolescentes qui laisse pantois et reste toujours d'une brûlante actualité, malgré les quelques années qui séparent l'enquête de la publication. Rien de neuf aujourd'hui. le livre se lit comme un roman et en devient passionnant et montre bien la place, et le rôle important, qu'ont les professeurs documentalistes, titulaires du capes, comme leurs collègues des autres disciplines.
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Ouvrage de référence sur la génération des "digital natives" qui déconstruit les clichés et analyse les pratiques réelles de ces jeunes connectés.
Si certains éléments paraissent "datés" ils sont bien le témoin d'une évolution très rapide des usages du numériques par ces jeunes.
De plus cet essai intelligent nous offre des pistes interessantes pour nous, professeurs-documentalistes, pour comprendre et faire réfléchir les ados sur leurs pratiques numériques.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
On ne le répétera jamais assez : l'accès n'est pas l'appropriation, et la donnée n'est pas l'information, et encore moins le savoir [...]. Disposer de tablettes ou de postes informatiques en nombre ne suffira pas à combler les lacunes, ni à optimiser des pratiques informationnelles.
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La question n'est pas d'être "pour" ou "contre" les réseaux, cela n'a aucun sens. Il s'agit plutôt de maintenir une rigoureuse distinction entre les outils et l'usage que l'on en fait, et surtout la place et la signification qu'une société leur accorde.
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Etre "expert" aujourd'hui en matière de recherche d'information dépasse largement la simple problématique de l'accès ou de la manipulation technique. Des compétences cognitives et des connaissances sont clairement en jeu.
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La dextérité et le sentiment de contrôle, notamment, apparaissent fortement dépendants de l'origine sociale.Tout comme les formes d'appropriation de l'outil numérique sont très disparates selon les milieux sociaux considérés. [...] Les inégalités sociales, reproduites par Internet, [...] sont vivaces en France.
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"Internet, il ne comprend pas bien en fait." On retrouve ici une tendance courante chez l'être humain confronté à la machine : prêter à l'outil des vertus de compréhension propres à l'intelligence humaine, les individus expliquent alors l'échec de leur démarche par une lacune de l'outil, ici numérique.
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Video de Anne Cordier (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Anne Cordier
Conférence de Anne Cordier
Dans le cadre du cycle «Les visiteurs du soir», le Centre national de la littérature pour la jeunesse (CNLJ) de la BnF propose des conférences de spécialistes, universitaires ou professionnels du livre, qui présentent leurs recherches sur la littérature de jeunesse et la lecture.
Comment les adolescents et jeunes adultes s'informent-ils ? Quelles difficultés pour accéder à une information de qualité ? Cette conférence souligne l'importance de l'éducation aux médias et à l'information et propose une plongée dans les pratiques réelles et diverses de la jeunesse.
Conférence par Anne Cordier, professeure des universités en sciences de l'information et de la communication à l'université de Lorraine
Séance enregistrée le 14 mars 2024 à la BnF I François-Mitterrand.
+ Lire la suite
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