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Marc Escola (Éditeur scientifique)
EAN : 9782081205482
211 pages
Flammarion (11/05/2007)
3.69/5   699 notes
Résumé :
Fallait-il tuer Camille ? La question fut posée dès l'année 1640 qui vit une "querelle d'Horace," dernier acte de la "querelle du Cid." Horace est-il un de ces "fanatiques" dont l'Histoire moderne nous a révélé différents visages ou le héraut d'une morale pour temps de guerre ? Il semble que l'on en débatte encore aujourd'hui. Mais ne peut-on espérer enfin échapper au conflit des interprétations ?
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Vous savez tous que Pierre Corneille avait fait un long voyage aux Antilles avant d'écrire Horace et c'est sur place, en sirotant un ti-punch en joyeuse compagnie, qu'il recueillit un dicton populaire local, qu'il a, par la suite, quelque peu remanié pour coller au plus près du sujet de sa pièce. Il nous faut donc remercier les Antilles et le ti-punch pour cette remarquable contribution à l'histoire littéraire nationale. le dicton en question est toujours en vigueur ici ou là et je vous en donne la meilleure traduction possible :
« Rhum, l'unique objet de mes bons sentiments !
Rhum, lequel vient mon bras de verser franchement !
Rhum qui m'a vu ivre, et que mon corps adore !
Rhum enfin que je bois dès qu'il se colore ! »

Bon, trêve de plaisanterie, Horace est une pièce qui a compté plus que tout autre dans mon devenir de lectrice.
En effet, contrairement à beaucoup d'entre-vous sur le site, je n'ai pas toujours été une amoureuse de lecture, et assurément pas depuis ma plus tendre enfance. J'avais certes soif de découvertes, mais ma curiosité allait surtout vers les sciences et l'histoire-géographie. La littérature me laissait complètement indifférente et, pour être tout-à-fait exacte, elle m'ennuyait cordialement. À telle enseigne que je redoutais les lectures imposées, que je ne terminais, pour ainsi dire, jamais.
C'est en classe de troisième que ma professeur de français m'imposa, de son doigt inquisiteur et démoniaque pointé sur le bout de mon nez réfractaire, la lecture d'Horace. Ma réaction fut quelque peu disproportionnée puisqu'en grand secret, mais fermement, je décidai, je me jurai même, de ne jamais lire cette vieillerie qui devait sentir bien fort la naphtaline, coincée qu'elle était au fin fond d'un coffre humide, plus sombre que l'âme ténébreuse de Judas et que plus grand monde ne devait ouvrir. Ma résolution semblait prise et irrévocable.
Je ne sais par quel sortilège, probablement histoire de faire moindrement illusion, je me risquai à lire les quelques premières pages, avec la ferme intention de m'arrêter très vite et de ne pas perdre mon temps dans cette lecture inutile.
Or, à mon grand étonnement, je me suis surprise à aimer. Beaucoup, même ! Énormément, même ! Pierre Corneille venait de réussir le tour de force de sortir de l'obscurantisme et de l'ignorance une petite ado merdeuse de quinze ans tout juste, d'entrebâiller irrémédiablement la porte qui conduit à l'amour de la littérature, ou du moins d'en faire sauter le verrou. Balzac y mit un coup d'épaule, Hugo la poussa en grand et Laclos alluma la lumière. Les trois mousquetaires avaient fait leur apparition, mais c'est bien lui mon petit D Artagnan, cette fine lame de Corneille, qui en fut le déclencheur avec cet Horace de malheur. Merci Pierre Corneille pour ce que vous fîtes et me procurâtes, à l'époque, et à jamais.

Il faut probablement qu'à ce stade je vous entretienne au moins un peu de la pièce elle-même. Alors songez, vous êtes à Rome, pas de cette Rome impériale et présomptueuse, qui de son glaive ardent domine la Méditerranée et même un peu plus loin. Non, Rome n'est encore qu'une cité-état, qui a tout à prouver et tout à plier sous son coude imposant, à commencer par la cité voisine d'Albe (aujourd'hui Castel Gandolfo), dont les fondateurs légendaires de Rome, les jumeaux de la louve, sont issus.
Les deux cités soeurs, imbriquées l'une dans l'autre par d'innombrables liens familiaux et conjugaux, n'en peuvent plus de ne point savoir laquelle domine l'autre et c'est donc à la guerre qu'il se faut résoudre. Non moins braves d'un côté que de l'autre c'est tout de même avec un lourd pincement au coeur que les combattants forment leurs rangs, découvrant dans la rangée d'en face un beau-frère, un cousin ou son meilleur ami.
Sur le point d'engager une lutte fratricide, il est finalement décidé qu'il n'était point besoin de verser tout ce sang, mais qu'on pouvait jouer le destin des deux fougueux voisins, non pas vraiment aux dés, mais à l'épée de certains. Trois chez les Romains, trois chez les Albains. Les rois respectifs et leurs états-majors doivent donc désigner lesquels parmi tant de vaillants soldats sont dignes de se battre pour la domination ou pour l'asservissement. L'issue du combat règlera le destin des deux états voisins.
Pour Rome, ce seront les trois frères Horace qui combattront, pour Albe, les trois frères Curiace. Horace et Curiace sont les meilleurs amis du monde, et plus encore, ils ont chacun une soeur qui est l'épouse de l'autre. Camille, soeur d'Horace, est l'épouse de Curiace et Sabine, soeur de Curiace est la femme d'Horace.
Corneille dresse un tableau parfaitement symétrique et croisé, mais applique à ses protagonistes des profils psychologiques variés qu'il est très intéressant de comparer. de force et de vaillance égale, Horace et Curiace diffèrent néanmoins sensiblement : Curiace est animé de sentiments humains et se retrouve en proie à des hésitations cruelles et à un cas de conscience par cette situation qu'il n'a pas voulu. Horace, lui, bien qu'embêté de devoir s'en prendre à Curiace place avant tout son devoir et sa mission vis-à-vis de sa cité.
Même chose pour les soeurs, qui dans le même cas devraient éprouver des sentiments comparables. Or, Sabine est toujours animée par un espoir d'arrangement tandis que Camille ne se fait aucune illusion et est déjà convaincue et résignée à son malheur.
Le message de l'auteur semble clair, celui qui vainc est l'inhumain, celle qui a raison est la désespérée. Outre ce constat, les ressorts de la tragédie sont étirés à bloc, comme aux plus belles heures des tragédiens grecs, et s'achèvent non sur le point d'orgue du quatrième acte mais sur la réflexion du cinquième.
Le mot de la fin du roi Tulle me laisse toujours assez songeuse. Quel est le sens profond de cette tragédie ? Est-ce que la mort et le sacrifice de soi pour son pays revêtent toujours un petit quelque chose d'inutile et de vain ? Est-ce que l'opinion publique est bien ingrate et qu'elle oublie trop vite les brillantes actions d'un homme pour se focaliser sur ses errances ? Est-ce que seuls les êtres supérieurs sont capables de juger des actes et des éventuels châtiments car la frénésie des foules ne lui dit rien qui vaille ? je me pose encore ces questions sans y trouver de réponse, si ce n'est un certain désabusement de l'auteur.
D'ailleurs est-ce vraiment d'Horace qu'il parle ou de lui-même, lorsqu'il met son héros aux prises avec les réactions de la foule et sous l'arbitrage royal ? il y a fort à parier que sous un habit romain se cache une petite corneille au noir plumage...
Il me reste encore à glisser deux ou trois mots sur ce qui fait le plus grand intérêt de cette tragédie, à savoir, la forme.
Quelle rythmique sensationnelle ! À quels plus hauts sommets a déjà été hissée la langue française qu'à ceux de la tragédie du XVIIè siècle sous la plume de Racine et Corneille ?
C'est un bonheur que de lire une telle écriture, une telle cadence magique, un grand moment, qui justifie presque de le lire à voix haute tellement c'est beau, tellement ça sonne bien et tellement cet homme-là maniait grand l'alexandrin.
Pour finir, comme Sabine, comme Camille, faites un choix cornélien, d'Horace, lire ou ne pas lire, et lui trouver sa place, au risque d'à jamais en porter les stigmates et les traces. En outre, d'un verbe sans pareil, vous n'en pouvez pâtir, mais c'est là mon avis, bien peu, à vrai dire.
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Rome et Albe, les soeurs ennemies, sont en guerre pour décider laquelle est supérieure et maîtresse de l'autre. Alors qu'elles s'apprêtent pour la bataille finale qui engendrera morts et désespoir des deux côtés, le roi d'Albe propose de résoudre la question tout en limitant les dégâts : un affrontement de champions. Mais le tragique du carnage annoncé se métamorphose en tragique familial, car les champions choisis – les trois Horace pour Rome et les trois Curiace pour Albe – sont liés par des liens d'amour et de mariage : Horace est marié à Sabine, soeur de Curiace, et Curiace est fiancé à Camille, soeur d'Horace. Les règles de l'honneur et l'amour de la Patrie l'emporte chez les hommes au grand désespoir des femmes ; l'affrontement est sans pitié, indécis, avec rebondissement. Au final Horace, mari de Sabine, demeure seul en vie et Rome est vainqueur. Dominée par le chagrin et l'envie de vengeance, Camille rejette Rome qui la prive de son bonheur. Horace n'accepte pas cette trahison et la tue. le dernier acte conte le procès de cet homme qui apporte gloire à sa cité mais est aussi criminel. Son premier geste prévaut-il sur le second ? Tulle, le roi de Rome, décide que oui, car la raison de l'État ne peut que prévaloir devant l'injustice d'un crime de sang.
Il s'agit de la première vraie tragédie de Corneille, décrivant une situation qui justifie magnifiquement la création de l'adjectif « cornélien ». Les personnages sont déchirés entre amour et honneur, entre loyauté envers leur moitié et loyauté envers leur patrie. Chacun se détermine différemment devant ce choix. Horace est un bloc de gloire guerrière et de patriotisme à l'état brut, Curiace accepte aussi la primauté de l'honneur mais contraint et forcé, regrettant de devoir affronter son beau-frère. Camille n'a de cesse d'essayer de les dissuader et, quand son amour est détruit, rejette entièrement sa patrie. Sabine geint, dépassée par les évènements et la force de caractère des trois autres, elle tente à plusieurs reprises et sans succès d'élever son héroïsme au niveau de celui des autres.
L'édition du Livre de Poche est riche d'un commentaire détaillé sur la pièce. On apprend les diverses interprétations du comportement des acteurs qui ont dominé au cours des temps. Mais il ne faut pas le considérer comme un jugement définitivement cristallisé. L'apport majeur de cette pièce est en effet la réflexion qu'elle induit chez la personne qui la lit. Et cette réflexion ne peut être, ne doit être que multiforme. le meurtre de Camille par son frère Horace est probablement le sujet de réflexion le plus riche. Corneille n'a pas inventé cet acte, il s'est inspiré de l'histoire racontée par Tite-Live. Dès la sortie de la pièce les critiques ont désapprouvé ce geste qui tâche la gloire naissante du héros. Longtemps il a imposé Horace comme une simple brute. Alain Couprie, le commentateur de l'édition Livre de Poche, s'oppose à cette interprétation, note nombre d'interventions d'Horace qui traduisent sa douleur profonde de la situation mais aussi son comportement de samouraï qui efface tout hormis la gloire et le service à la patrie dans l'apparence qu'il présente aux autres. Pour Couprie, le meurtre de Camille n'est que le prolongement raisonné de l'élimination de toutes les menaces envers Rome, au nom de la Raison d'État (vision qui soit dit en passant a dû plaire au Cardinal de Richelieu à qui la pièce est dédiée). Je ne le suis pas entièrement sur ce terrain. Horace m'est apparu effectivement comme un samouraï soumis à l'honneur, mais je vois le meurtre de Camille comme un geste inspiré par l'émotion de l'instant. Il vient de faire triompher Rome, la gloire éternelle lui est acquise, il est dévoré par ce sentiment jouissif et il est certain d'incarner en cet instant la justice divine. En cet instant il est au-dessus du Roi, il n'est plus soumis aux lois des hommes. Camille a alors le malheur de menacer Rome. Dans son état d'esprit Horace ne voit plus sa soeur mais seulement un autre Curiace, un autre obstacle à Rome qu'il incarne et qu'en tant qu'incarnation de la Justice il élimine d'un geste.
Je m'arrête là. On pourrait écrire un livre avec les impressions et les réflexions que peuvent inspirer la pièce et ses commentaires mais vous devez déjà être lassés de mes élucubrations.
Lisez-là. Faites-vous votre propre opinion.
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L'héroïsme cornélien apparaît dans cette tragédie d'inspiration romaine sous sa meilleure représentation. Il faut avouer qu'autrefois, on aimait cette manière si héroïque de mener une guerre, en choisissant un ou trois guerriers de chaque clan. Ces braves s'entretuent avec altruisme et abnégation pour la gloire de la patrie faisant preuve de courage et de patriotisme.

Je ne sais pas, mais on aime toujours voir ce genre de combat ou de duel. Rappelez-vous ceux dans le film de "Troie" avec Brad Pitt par exemple. Ici, on les décrit puisqu'on ne peut les présenter sur scène suivant les règles de bienséance. Il est vrai aussi que ces règles classiques limitaient beaucoup la liberté des dramaturges de l'époque. Mais pour Corneille, c'était un défi qu'il devait absolument affronter et réussir après la célèbre querelle du "Cid".

L'intrigue romaine renvoie aussi à ce conflit franco-espagnole où la reine de France affronte son frère le roi d'Espagne et où le roi de la France et frère de la reine d'Espagne ! Curiace et Sabine ; Horace et Camille ! Mais bref, laissons de côté cette page d'Histoire, et concentrons-nous sur cette tragédie.

En plus de cette histoire de duel décisif pour la victoire d'un clan, dont j'ai parlé au début, il y a dans cette tragédie cette affaire d'amours conflictuelles où deux personnes originaires de deux familles ennemies s'aiment. le sujet même de "Romeo et Juliette" de notre cher Shakespeare. Sujet, d'ailleurs, qui a inspiré tant de romans et de films.

Finalement, j'aimerai attirer l'attention sur un point, que je vois important, concernant le dernier acte qui paraît un peu étrange. Rappelons que lors du quatrième acte, on est devant un sommet du tragique et un exemple extraordinaire de coup de théâtre grâce aux exploits du brave Horace. Ce dernier a mené jusqu'au bout son abnégation en sacrifiant tout pour sa patrie, même sa soeur ! Ce surhomme qui se croit tout permis pour la réalisation d'un projet si grand ! Alors, après ce grand spectacle, on doit assister au cinquième acte où on recommande le jugement de ce criminel, c'est d'ailleurs ce que demande un soupirant de la soeur d'Horace. Mais voilà que le roi doit intervenir pour donner sa grâce et montrer sa générosité. Mais est-ce là un message de Corneille que malgré les prouesses des héros, on se rappelle toujours du dernier mot ; celui du roi ? Peut-être !
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Toujours autant de plaisir à suivre la mélodie des mots de Pierre Corneille !

Rome et Albe sont sur le point de s'affronter, mais pour éviter une boucherie qui affaiblirait à coup sûr les deux villes quel qu'en soit l'issue, les rois décident d'un commun accord de désigner chacun leurs trois champions qui s'affronteraient au nom de leur ville. Les victorieux au combat rendront leur ville maîtresse de l'autre.

« Dis-lui que l'amitié, l'alliance et l'amour
Ne pourront empêcher que les trois Curiaces
Ne servent leur pays contre les trois Horaces. »
(Curiace, Acte II, scène II)

Ce sont hélas les fils de deux familles proches qui vont devoir s'affronter, les Horaces pour Rome, les Curiaces pour Albe.

Cruel dilemme où l'on doit choisir entre l'amour de sa famille et celle de sa patrie. En effet, Horace est mariée à Sabine, soeur de Curiace qui lui-même doit s'unir à Camille, soeur d'Horace. D'une guerre entre deux villes, on bascule alors dans une confrontation familiale dont l'issue sera forcément dramatique.

Situation certes tragique mais, pour les hommes, l'amour et l'amitié doivent s'effacer pour laisser place à l'honneur envers leur ville. Ils combattront, leur devoir l'impose. Décision qui désespère évidemment Sabine et Camille. Elles savent bien que, quoi qu'il arrive à la fin du combat, elles perdront un mari, un amant ou trois frères… ce qui va arriver, fatalement.
Camille périra de la main de son frère, glorieux vainqueur, ayant reproché à ce dernier la mort de son amant.

Avec sa plume toujours aussi lyrique, Corneille a une fois de plus su dépeindre avec talent les divers sentiments engendrés par une telle situation : incompréhension, colère, résignation, tristesse et désespoir face à la détermination, l'honneur et la fierté.
Pour ma part, j'ai été particulièrement sensible aux tirades de Camille et Sabine, qui se trouvaient évidemment portées par les élans de leur coeur.

« Vous ne connaissez point ni l'amour ni ses traits :
On peut lui résister quand il commence à naître,
Mais non pas le bannir quand il s'est rendu maître. »
(Camille, Acte III, scène IV)

Magnifique pièce de théâtre qui fut dédiée à Richelieu (mon édition introduit en préface une lettre de l'écrivain à Mgr le Cardinal) et qui s'inspire d'une histoire rapportée par l'historien Tite-Live, "Les Horaces et les Curiaces » (alors mon édition m'a également mis quelques passages du texte de Tite-Live, mais comme c'est en latin, lol, je suis incapable d'en lire le contenu !)
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C'est mon ado qui a attiré mon attention sur cette pièce que je lui ai emprunté pour l'occasion. C'est le premier texte que je lis de Corneille et franchement, j'ai adoré.

J'avoue que je ne connaissais pas l'histoire des Horaces et des Curiaces ni même entendu parler du roi Tulle (3ème roi légendaire de Rome selon Wikipédia). Qu'importe.

Un duel est organisé entre les Horaces (Romains) et les Curiaces (Albiens) pour déterminer laquelle des deux villes se soumettra à l'autre. le problème est que Horace est l'époux de Sabine qui est la soeur des Curiaces. Camille, la soeur d'Horace, est fiancée à un Curiace.

Les hommes prennent le parti de défendre leur honneur et leur patrie. Les femmes sont déchirées entre l'amour qu'elles portent à leurs frères et à leur (futur) époux. Cela ne peut que mal finir.

Un texte fort et émouvant. J'aimerais beaucoup voir cette pièce au théâtre un de ces jours.




Challenge temps modernes 2023
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Citations et extraits (74) Voir plus Ajouter une citation
CAMILLE :
Donne-moi donc, barbare, un cœur comme le tien ;
Et si tu veux enfin que je t’ouvre mon âme,
Rends-moi mon Curiace, ou laisse agir ma flamme :
Ma joie et mes douleurs dépendaient de son sort ;
Je l’adorais vivant, et je le pleure mort.
Ne cherche plus ta sœur où tu l’avais laissée ;
Tu ne revois en moi qu’une amante offensée,
Qui comme une furie attachée à tes pas,
Te veut incessamment reprocher son trépas.
Tigre altéré de sang, qui me défends les larmes,
Qui veux que dans sa mort je trouve encor des charmes,
Et que jusques au ciel élevant tes exploits,
Moi-même je le tue une seconde fois !
Puissent tant de malheurs accompagner ta vie,
Que tu tombes au point de me porter envie ;
Et toi, bientôt souiller par quelque lâcheté
Cette gloire si chère à ta brutalité !
HORACE :
Ô ciel ! Qui vit jamais une pareille rage !
Crois-tu donc que je sois insensible à l’outrage,
Que je souffre en mon sang ce mortel déshonneur ?
Aime, aime cette mort qui fait notre bonheur,
Et préfère du moins au souvenir d’un homme
Ce que doit ta naissance aux intérêts de Rome.
CAMILLE :
Rome, l’unique objet de mon ressentiment !
Rome, à qui vient ton bras d’immoler mon amant !
Rome qui t’a vu naître, et que ton cœur adore !
Rome enfin que je hais parce qu’elle t’honore !
Puissent tous ses voisins ensemble conjurés
Saper ses fondements encor mal assurés !
Et si ce n’est assez de toute l’Italie,
Que l’orient contre elle à l’occident s’allie ;
Que cent peuples unis des bouts de l’univers
Passent pour la détruire et les monts et les mers !
Qu’elle-même sur soi renverse ses murailles,
Et de ses propres mains déchire ses entrailles !
Que le courroux du ciel allumé par mes vœux
Fasse pleuvoir sur elle un déluge de feux !
Puissé-je de mes yeux y voir tomber ce foudre,
Voir ses maisons en cendre, et tes lauriers en poudre
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HORACE
Loin de trembler pour Albe, il vous faut plaindre Rome,
Voyant ceux qu'elle oublie, et les trois qu'elle nomme.
C'est un aveuglement pour elle bien fatal,
D'avoir tant à choisir, et de choisir si mal.
Mille de ses enfants beaucoup plus dignes d'elle
Pouvaient bien mieux que nous soutenir sa querelle ;
Mais quoique ce combat me promette un cercueil,
La gloire de ce choix m'enfle d'un juste orgueil ;
Mon esprit en conçoit une mâle assurance :
J'ose espérer beaucoup de mon peu de vaillance ;
Et du sort envieux quels que soient les projets,
Je ne me compte point pour un de vos sujets.
Rome a trop cru de moi ; mais mon âme ravie
Remplira son attente, ou quittera la vie.
Qui veut mourir, ou vaincre, est vaincu rarement :
Ce noble désespoir périt malaisément.
Rome, quoi qu'il en soit, ne sera point sujette,
Que mes derniers soupirs n'assurent ma défaite.
CURIACE
Hélas ! C'est bien ici que je dois être plaint.
Ce que veut mon pays, mon amitié le craint.
Dures extrémités, de voir Albe asservie,
Ou sa victoire au prix d'une si chère vie,
Et que l'unique bien où tendent ses désirs
S'achète seulement par vos derniers soupirs !
Quels voeux puis-je former, et quel bonheur attendre ?
De tous les deux côtés j'ai des pleurs à répandre ;
De tous les deux côtés mes désirs sont trahis.
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Le peuple, qui voit tout seulement par l'écorce,
S'attache à son effet pour juger de sa force ;
Il veut que ses dehors gardent un même cours,
Qu'ayant fait un miracle, elle en fasse toujours.
Après une action pleine, haute, éclatante,
Tout ce qui brille moins remplit mal son attente ;
Il veut qu'on soit égal en tout temps, en tous lieux ;
Il n'examine point si lors on pouvait mieux,
Ni que, s'il ne voit pas sans cesse une merveille,
L'occasion est moindre et la vertu pareille.
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CURIACE

Il est vrai que nos noms ne sauraient plus périr.
L'occasion est belle, il nous la faut chérir.
Nous serons les miroirs d'une vertu bien rare ;
Mais votre fermeté tient un peu du barbare :
Peu, même des grands coeurs, tireraient vanité
D'aller par ce chemin à l'immortalité.
À quelque prix qu'on mette une telle fumée,
L'obscurité vaut mieux que tant de renommée.
Pour moi, je l'ose dire, et vous l'avez pu voir,
Je n'ai point consulté pour suivre mon devoir ;
Notre longue amitié, l'amour, ni l'alliance,
N'ont pu mettre un moment mon esprit en balance ;
Et puisque par ce choix Albe montre en effet
Qu'elle m'estime autant que Rome vous a fait,
Je crois faire pour elle autant que vous pour Rome ;
J'ai le coeur aussi bon, mais enfin je suis homme :
Je vois que votre honneur demande tout mon sang,
Que tout le mien consiste à vous percer le flanc,
Près d'épouser la soeur, qu'il faut tuer le frère,
Et que pour mon pays j'ai le sort si contraire.
Encore qu'à mon devoir je coure sans terreur,
Mon coeur s'en effarouche, et j'en frémis d'horreur ;
J'ai pitié de moi-même, et jette un oeil d'envie
Sur ceux dont notre guerre a consumé la vie,
Sans souhait toutefois de pouvoir reculer.
Ce triste et fier honneur m'émeut sans m'ébranler :
J'aime ce qu'il me donne, et je plains ce qu'il m'ôte ;
Et si Rome demande une vertu plus haute,
Je rends grâces aux dieux de n'être pas romain,
Pour conserver encore quelque chose d'humain.
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[Sabine] - Enfin je veux vous faire ennemis légitimes.
Du saint noeud qui vous joint je suis le seul lien :
Quand je ne serai plus, vous ne serez rien.
Brisez votre alliance, et rompez-en la chaîne ;
Et puisque votre honneur veut des effets de haine,
Achetez par ma mort le droit de vous haïr :
Albe le veut, et Rome ; il faut leur obéir.
Qu'un de vous deux me tue, et que l'autre me venge :
Alors votre combat n'aura rien d'étrange :
Et du moins l'un des deux sera le juste agresseur,
Ou pour venger sa femme ou pour venger sa soeur.
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Vidéo de Pierre Corneille
Lecture par l'auteur
Rencontre animée par Marie-Madeleine Rigopoulos
« Ce livre est un ensemble de nouvelles autobiographiques, classées par âge de la vie, de la petite enfance à aujourd'hui. Ces nouvelles sont souvent, pas toujours, des mésaventures dans lesquelles j'éprouve peur et honte, qui me sont assez naturelles et me donnent paradoxalement l'énergie d'écrire. Scènes de gêne ou de honte, scènes de culpabilité, scènes chargées de remords et de ridicule, mais aussi scènes, plus rares forcément, de pur bonheur, comme celle qui donne son nom au livre, Célidan disparu : personnage à la fois pusillanime et enflammé d'une pièce de Corneille que j'ai jouée à mes débuts d'acteur, dont je découvris lors de l'audition pour l'obtenir, qu'il me révélait à moi-même, et faisait de moi un acteur heureux. »
Denis Podalydès
À lire – Denis Podalydès, Célidan disparu, Mercure de France, 2022.
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