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Alain Couprie (Éditeur scientifique)
EAN : 9782253047605
192 pages
Le Livre de Poche (28/09/1988)
3.67/5   264 notes
Résumé :
Polyeucte vivait en l'année 250, sous l'empereur Décius. Il était arménien, ami de Néarque, et gendre de Félix, qui avait la commission de l'empereur pour faire exécuter ses édits contre les chrétiens. Cet ami l'ayant résolu à se faire chrétien, il déchira ces édits qu'on publiait, arracha les idoles des mains de ceux qui les portaient sur les autels pour les adorer, les brisa contre terre, résista aux larmes de sa femme Pauline, que Félix employa auprès de lui pour... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (20) Voir plus Ajouter une critique
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Voilà une pièce riche en séductions diverses.

L'intrigue que l'écheveau de sentiments rend complexe, d'abord. Corneille place l'action en 250 en Arménie, sous le règne de l'Empereur Decius – un persécuteur de Chrétiens. Félix, gouverneur romain d'Arménie, a donné sa fille Pauline à Polyeucte, seigneur arménien de premier plan. Pour Félix et sa fille, il s'agit d'un mariage de raison, plus exactement d'un « second choix » politique dépourvu d'amour. L'amour de la vie de Pauline s'appelait Sévère et est mort à la guerre. Polyeucte, lui, éprouve de vrais sentiments pour Pauline. Deux évènements se produisent : Polyeucte se convertit au christianisme militant et s'en prend immédiatement aux païennes cérémonies romaines, risquant du coup la mort. Et Sévère n'est pas décédé ; il a même l'oreille de l'empereur et arrive dans la cité en tant que son représentant.
Pauline se retrouve déchirée entre son ancien amour pour lequel elle éprouve encore une grande force d'amour, et son époux qu'elle entend soutenir par devoir (Pauline a le devoir chevillé au corps). Sévère espérait reprendre les choses où il les avait laissées avec Pauline, mais la situation de celle-ci le brise. Honnête, il peut la supporter mais comment gérer le comportement de lèse-majesté de Polyeucte ? Félix a peur que Sévère ne cherche à se venger de ne plus voir Pauline disponible. Il va hésiter entre un jugement dur sur Polyeucte afin de ne pas être taxé de tolérance envers les Chrétiens et l'envie de sauver son gendre qu'il apprécie.
Evidemment les personnages feront un noeud à leurs sentiments, s'accrocheront à leurs principes et l'inévitable et dramatique conclusion s'ensuivra. Corneille excelle à pousser ses personnages au bout de leur logique. J'ai retrouvé ici la même notion de devoir si puissante qu'elle annihile la liberté de choix et de bonheur que dans Horace.

Le contexte historique de l'époque de création, ensuite. Polyeucte est une tragédie chrétienne qui permet à Corneille de faire l'apologie de la religion catholique sans sombrer dans l'extrémisme du parti Dévot (parti qui froisse la reine régente Anne d'Autriche et son nouveau premier ministre Mazarin) et en prônant la tolérance religieuse (en référence aux Protestants).
Sur la tolérance, toutefois, seule la fin qui tombe un peu comme un cheveu dans la soupe l'exprime clairement à travers le personnage de Sévère. Pour le reste, comme homme de mon temps j'interprète le comportement « martyr » du chrétien Néarque et du tout juste converti Polyeucte comme du fanatisme religieux et de l'intolérance. Si, dans la France du 17ème siècle, il est concevable de louer de cette manière la ferveur religieuse chrétienne face au paganisme, c'est beaucoup moins acceptable de nos jours alors que nous subissons à nouveau le fanatisme religieux de plein fouet. L'attitude jusqu'au-boutiste de Polyeucte m'a mis mal à l'aise je l'admets.
Corneille use aussi beaucoup de la grâce divine afin de justifier le comportement de Polyeucte. Pourquoi est-ce lui, tout juste baptisé, qui prend l'initiative de l'action fanatique alors que son mentor chrétien Néarque hésite ? Pourquoi Polyeucte va-t-il jusqu'au bout, souhaite-t-il le martyr ? Parce qu'il a été frappé par la Grâce, lui seul. Dieu choisit à qui il l'a donne. C'est donc une idée très augustine, très janséniste qui est portée ici. Cependant, le débat théologique autour du jansénisme n'a pas encore eu lieu. Il faudra attendre une grosse dizaine d'années pour qu'il culmine avec la lutte entre Paris et l'abbaye de Port Royal.

Enfin, il y a la musique des mots de Corneille. C'est toujours un plaisir de lire ses alexandrins.
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C'est un véritable chef-d'oeuvre de dramaturgie classique que nous offre le grand Pierre Corneille; un plaisir de poésie aussi. Si Racine était un perfectionniste de l'art théâtral, Corneille était un innovateur, un explorateur que les règles de la dramaturgie classique n'ont jamais effrayé. Rappelons-nous la fameuse querelle du Cid.

Dans Polyeucte, il a de nouveau effleuré la transgression de ces règles illustres : surtout celle de l'unité de l'action ; mêlant dans un affrontement d'intérêts divergents plusieurs personnages avec impétuosité. Mais l'ingéniosité de Corneille apparaît surtout dans ce choix audacieux de mettre sur scène, à un temps où le théâtre était un art profane (pour ne pas dire immoral), ce combat entre la grandeur romaine et la religion chrétienne. Dès le premier acte, qui est supposé être une exposition statique, on assiste à plusieurs rebondissements qui impliquent tous les personnages importants de la pièce : Polyeucte, Pauline, Félix et Sévère. Ces changements inattendus entraînent ces personnages dans des situations de dilemme où l'amour conjugal, l'amour filial, la dévotion, les intérêts politiques et la passion se croisent. On constate d'ailleurs qu'il n'y a pas de véritable héros unique ni même de méchant dans cette tragédie religieuse, politique et romaine ! ce qui ajoute plus de tension.

Personnellement, j'étais plutôt du côté de ce Sévère, héros de guerre, amoureux fidèle, personnage clément et honnête, qui a su contrôler son courroux et pardonner, et qui était très compréhensif. Par contre, Polyeucte représentait l'image de ce zélateur qui préfère la mort pour défendre sa cause, préférant le martyre aux plaisirs terrestres, délaissant toute obligation familiale pour sa religion. Cette position touchait au fanatisme. de l'autre côté, Pauline et son père subissent ces changements et essaient de trouver un compromis, mais se retrouvent débordés par les événements. Et l'on s'étonne parfois devant leurs réactions surtout Félix.
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Sans doute créée en 1643 par la troupe du Marais, la pièce sera publié en octobre de cette année. Elle appartient au théâtre religieux, évoque la vie et surtout le martyre d'un saint reconnu par l'église catholique. La thématique religieuse est relativement rare chez les catholiques. Il faut se souvenir de l'opposition virulente d'une partie de l'église au théâtre, et ce type de thématique était particulièrement sensible. N'oublions pas l'interdiction des Mystères en 1548 par le Parlement de Paris, critiqués pour leur impiété, ce qui va signer l'arrêt de mort du théâtre médiéval. Un théâtre scolaire, essentiellement celui des Jésuites, avait plus souvent recours à ce type de thématique, mais sa diffusion était forcément plus limitée.

Corneille, élève des Jésuites, était d'après des nombreux témoignages, dont celui de son frère Thomas, un homme très pieux et très attaché à la religion catholique orthodoxe, il a d'ailleurs passé plusieurs années à établir une traduction en vers de l'Imitation de Jésus-Christ, une oeuvre de piété en latin, écrite au XVe siècle et attribuée communément à Thomas de Kempis. de nombreuses interprétations de la pièce se basent sur la foi de Corneille, et placent en quelque sorte à part cette pièce, considérée souvent comme la pièce la plus accomplie parmi les pièces à thématique religieuse du théâtre classique français. Corneille n'échappera toutefois pas aux reproches sur le terrain religieux, par exemple le cardinal de Richelieu aurait été choqué par les propos de Stratonice critiquant la religion chrétienne. Il est à noter que Corneille écrira une deuxième pièce basée cette fois sur le martyre d'une sainte, « Théodore, vierge et martyre », qui n'aura pas la même notoriété que Polyeucte.

L'action de la pièce se déroule au IIIe siècle en Arménie, pendant les persécutions des Chrétiens par l'empereur Decius. Pauline, la femme de Polyeucte a eu un songe funeste, évidemment prémonitoire. Son mari pense à se convertir au christianisme, et passe à l'acte. Mais cela ne lui suffit pas, pendant une cérémonie religieuse, il met en cause les dieux romains, et renverse les statues. Il est arrêté, mais Félix, gouverneur d'Arménie, père de Pauline, hésite à faire exécuter son gendre, défendu par sa fille. La situation est encore plus compliquée par la présence de Sévère, ancien soupirant de Pauline, aimé d'elle, mais pauvre à l'époque, à qui Félix a préféré le noble arménien Polyeucte. Depuis Sévère est devenu le favori de l'empereur, et Félix craint une envie de revanche, et peut être l'envie de récupérer Pauline, ce que la mort de Polyeucte permettrait. Il essaie de faire revenir Polyeucte sur sa conversion, par la menace, et en faisant intervenir Pauline. Évidemment Polyeucte reste inébranlable. Sa mort va provoquer la conversion de Pauline et de Félix, et peut être plus tard celle de Sévère, qui s'engage en tous les cas à faire cesser les persécutions.

La présentation de Georges Couton dans la Bibliothèque de la Pléiade insiste sur le comportement de Polyeucte, ce qu'il appelle le « zèle téméraire ». Les théologiens chrétiens prônaient la fuite devant la persécution, le chrétien ne doit pas s'exposer de lui-même. Quelqu'un qui brise « les idoles » n'est pas inscrit au nombre des martyrs (concile d'Elvire). Mais c'est en réalité plus subtile, l'action est justifiée si elle provient d'une inspiration spéciale de Saint-Esprit, mais c'est quelque chose de rare, d'exceptionnel.

Mais justement le côté rare, exceptionnel, c'est ce que Corneille recherche habituellement, et ce qui lui a souvent été reproché chez ses personnages, qui ont des comportements qui sortent des normes, qui ne sont pas vraisemblables pour les théoriciens du théâtre de l'époque. Quelque part, quel que soit le sujet, il choisit, le surprenant. L'extraordinaire est le ressort de ses pièces. Même si le personnage est un saint, c'est un saint qui fait quelque peu craquer le cadre.

J'emprunte à Georges Forestier la notion du « coupable innocent » qui permet de caractériser certains de personnages cornéliens après Horace, qui sont une réponse au problème que posait ce personnage assassin à Corneille, et qu'il voudra éviter par la suite. Polyeucte est coupable, il a brisé des statues, provoqué un scandale, son beau-père ne peut éviter de le condamner, même l'église n'approuve pas son action. Mais il est en même temps innocent, car c'est sa foi, une inspiration, qui ont provoqué ses agissements. Et au final, la pièce provoque la frayeur, la pitié et l'admiration chez le spectateur, comme se doit toute tragédie. Nous sommes bien dans les même schémas que dans les drames profanes.

Étrangement, le personnage de Polyeucte évoque pour moi le personnage d'Alidor, de la place royale. Ce dernier, par goût de liberté, refusait de se lier à la femme qu'il aimait et finissait par la perdre. Ici le personnage de Polyeucte, par foi, se précipite vers la mort. Ils provoquent tous les deux leur propre malheur, comme pour échapper aux liens, aux normes, aux contraintes, comme par bravade. Cela a quelque chose de masochiste, mais aussi de sadique, ils rendent malheureux ceux qui les aiment, c'est incontestablement une façon d'affirmer une emprise. Les deux pièces baignent aussi dans une sorte de sensualité diffuse.

C'est une très belle pièce, bien plus complexe que le sujet pourrait le faire croire (le martyr d'un saint), et qui trouve tout naturellement sa place dans l'oeuvre de Corneille, dans l'évolution de ses héros.
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5 étoiles. Oui. À Corneille. de la part de Darkcook. Vous ne rêvez pas. Je vais devoir tenir une conférence de presse et un mea culpa digne de Bill Clinton en son temps. J'ai conchié Corneille pendant des années sur la base du Cid, puis plus récemment de Cinna, me rangeant derrière mes idoles du XIXème qui exécraient le demi-ton permanent du XVIIème, n'épargnant que le grand La Fontaine. Force est de constater que je ne pouvais me baser sur une ou deux pièces. Polyeucte est mille fois mieux écrite que ce que j'ai eu l'habitude d'avaler de la part de Corneille, et repose sur des bases dramatiques bien plus fortes et intenses, avec le rêve prophétique dès le départ, ressort antique annonçant la catastrophe plus que bienvenu, nous évitant donc la traditionnelle fin où, après cinq actes de dilemme, tout s'arrange. Rien à voir avec le Cid ou Cinna, on sait que ça va mal finir, l'enjeu est bien plus important, et les alexandrins de Corneille semblent portés par une inspiration divine qui s'accorde avec le sujet religieux de la pièce. Chapeau pour ces vers sur ce coup-ci!!

À ce propos, avec une telle intrigue (le martyr chrétien immolé au milieu de la persécution païenne), la pièce était déjà bien partie pour fonctionner auprès de moi. Je ne sais pas pourquoi, alors que je ne suis pas croyant, le poids de la chrétienté dans la fiction marche toujours! Faut croire qu'elle est tellement imbriquée dans notre culture occidentale qu'elle sera toujours efficace, que ce soit au théâtre, dans un polar ou au cinéma...

Et Corneille marche sur des oeufs. Sa pièce est irreprésentable devant Richelieu, et l'on décèle cette fois une véritable insolence subtile et un propos (notamment de la part de Sévère) pour le moins avant-gardiste de tolérance religieuse dans un pays où l'intégrisme règne.

Tel un païen converti au christianisme face à Polyeucte, mes préjugés anti-Corneille et Racine sont désormais gommés, et j'ouvre grand les bras aux tragédies du XVIIème lorsqu'elles se montrent aussi ambitieuses et proches de l'antiquité ou du XIXème. J'ai hâte d'en lire davantage, ma curiosité est désormais bel et bien suscitée. Ceci dit, dès que ça finira comme le Cid ou Cinna, dans l'embrassade totale comme un vaudeville, avec tout le monde qui retourne sa veste et cède à la raison plutôt qu'à la passion, je continuerai à mitrailler, hein, qu'on ne me fasse pas dire ce que j'ai pas dit!! Attention, XVIIème!!
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Cette pièce – un des chefs-d'oeuvre de l'auteur avec « le Cid », « Horace » et « Cinna » – est connue bien évidemment pour ses qualités dramatiques, mais les amateurs l'aiment bien aussi pour quelques jolies perles qui ont traversé les siècles et ont fait le bonheur de plusieurs générations de potaches (et pas seulement !) : voici les deux les plus connues :
« Quittez cette chimère et m'aimez » (on se demande ce que mémé vient faire là-dedans)
Et surtout ce vers immortel :
« Et le désir s'accroît quand l'effet se recule »
Dans une pièce à la fois tragique et chrétienne, avouez que ça faisait un peu tache ! Au bout de quelques représentations, l'auteur changea un peu le vers, histoire d'éloigner un peu le risque d'hilarités non contrôlées :
« Et le désir s'accroît lorsque l'effet recule »
Ceci toutefois n'enlève rien à la qualité de la pièce.
En 1642, Corneille vient de signer une série éblouissante de succès : « le Cid » (1637), « Horace » (1640), « Cinna » (1641), il s'est marié en 1641 et (y a-t-il un rapport ?) a mis en chantier une pièce à connotation religieuse. Ce sera « Polyeucte »
« Polyeucte » qui suit « Horace » et « Cinna », ce n'est peut-être pas tout à fait un hasard : c'est une trilogie « romaine » : la Rome des origines (Horace), celle de l'Empire triomphant (Cinna) et celle des persécutions et du début de la décadence (Polyeucte). Ou suivant une autre classification : une évolution de l'ordre initial vers l'ordre absolu et vers l'ordre confronté au christianisme.
On retrouve les grands thèmes habituels : l'honneur, le devoir, la passion avec toutes les oppositions traditionnelles. S'y ajoute la foi. Et ce n'est pas rien. La pièce raconte l'évolution de Polyeucte vers le martyre. D'abord héros, il se transforme peu à peu en saint, à force de renoncements : il sacrifie sa vie temporelle à sa vie spirituelle. Face à cette évolution (qui n'est pas unique, puisque Pauline et Félix, in extremis, seront aussi touchés par la grâce) un autre débat se déroule avec le personnage de Sévère, qui lui, pour le coup, est un « saint laïc », une sorte de Sénèque qui comprend qu'une nouvelle hiérarchie est en train de se mettre en place, et qu'un ordre spirituel va désormais aller de pair avec l'ordre temporel.
« Polyeucte » avec plus tard « Esther » et « Athalie » représentent un type assez rare dans le théâtre à cette époque, la pièce à sujet religieux. Il faudra attendre le XXème siècle pour renouer avec ces interrogations sur la foi, la sainteté, la pureté des sentiments, la difficile adaptation de la vie spirituelle à la vie temporelle…
Une pièce forte, à l'intrigue complexe, que l'on comprend peut-être mieux en la lisant qu'en la voyant en spectacle. Et la preuve, encore une fois de l'excellence de l'auteur, aussi à l'aise dans les états d'âme passionnels que spirituels, et toujours efficace dans son style particulier, tout en oppositions, en dilemmes, chacun des héros pouvant être bourreau et victime, de lui-même ou des autres, avec toujours un choix à faire… un débat véritablement cornélien !
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Citations et extraits (35) Voir plus Ajouter une citation
NÉARQUE : Après certains moments que perdent nos longueurs,
Elle quitte ces traits qui pénètrent les cœurs ;
Le nôtre s’endurcit, la repousse, l’égare :
Le bras qui la versait en devient plus avare,
Et cette sainte ardeur qui doit porter au bien
Tombe plus rarement, ou n’opère plus rien.
Celle qui vous pressait de courir au baptême,
Languissante déjà, cesse d’être la même,
Et, pour quelques soupirs qu’on vous a fait ouïr,
Sa flamme se dissipe, et va s’évanouir.
POLYEUCTE : Vous me connaissez mal : la même ardeur me brûle,
Et le désir s’accroît quand l’effet se recule.
[…]
NÉARQUE : Jaloux des bons desseins qu’il tâche d’ébranler,
Quand il ne les peut rompre, il pousse à reculer.

Acte I, Scène 1.
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[Néarque]
Rompez ses premiers coups ; laissez pleurer Pauline,
Dieu ne veut point d'un coeur où le monde domine,
Qui regarde en arrière, et, douteux en son choix,
Lorsque sa vois l'appelle, écoute une autre voix.
[Polyeucte]
Pour se donner à lui, faut-il n'aimer personne ?
[Néarque]
Nous pouvons tout aimer, il le souffre, il l'ordonne ;
Mais, à vous dire tout, ce Seigneur des seigneurs
Veut le premier amour et les premiers honneurs.
(Acte I, scène 1)
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Néarque


Quoi ! Vous vous arrêtez aux songes d’une femme !

De si faibles sujets troublent cette grande âme !

Et ce cœur tant de fois dans la guerre éprouvé

S’alarme d’un péril qu’une femme a rêvé !


Polyeucte


Je sais ce qu’est un songe, et le peu de croyance

Qu’un homme doit donner à son extravagance,

Qui d’un amas confus des vapeurs de la nuit

Forme de vains objets que le réveil détruit ;

Mais vous ne savez pas ce que c’est qu’une femme ;

Vous ignorez quels droits elle a sur toute l’âme

Quand, après un long temps qu’elle a su nous charmer,

Les flambeaux de l’hymen viennent de s’allumer.

Pauline, sans raison dans la douleur plongée,

Craint et croit déjà voir ma mort qu’elle a songée ;

Elle oppose ses pleurs au dessein que je fais,
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[Sévère]
Qu'est ceci, Fabian ? quel nouveau coup de foudre
Tombe sur mon bonheur et le réduit en poudre ?
Plus je l'estime près, plus il est éloigné ;
Je trouve tout perdu quand je crois tout gagné ;
Et toujours la fortune, à me nuire obstinée,
Tranche mon espérance aussitôt qu'elle est née.
(Acte IV, scène 6)
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On ne sait pas les maux dont mon coeur est atteint :
De pensers sur pensers mon âme est agitée,
De soucis sur soucis elle est inquiétée ;
Je sens l'amour, la haine, et la crainte, et l'espoir,
La joie et la douleur tour à tour l'émouvoir ;
J'entre en des sentiments qui ne sont pas croyables :
J'en ai de violents, j'en ai de pitoyables,
J'en ai de généreux qui n'oseraient agir,
J'en ai même de bas, et qui me font rougir.
J'aime ce malheureux que j'ai choisi pour gendre,
Je hais l'aveugle erreur qui le vient de surprendre ;
Je déplore sa perte, et le voulant sauver,
J'ai la gloire des dieux ensemble à conserver ;
Je redoute leur foudre et celui de Décie ;
Il y va de ma charge, il y va de ma vie :
Ainsi tantôt pour lui je m'expose au trépas,
Et tantôt je le perds pour ne me perdre pas.
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Vidéo de Pierre Corneille
Lecture par l'auteur
Rencontre animée par Marie-Madeleine Rigopoulos
« Ce livre est un ensemble de nouvelles autobiographiques, classées par âge de la vie, de la petite enfance à aujourd'hui. Ces nouvelles sont souvent, pas toujours, des mésaventures dans lesquelles j'éprouve peur et honte, qui me sont assez naturelles et me donnent paradoxalement l'énergie d'écrire. Scènes de gêne ou de honte, scènes de culpabilité, scènes chargées de remords et de ridicule, mais aussi scènes, plus rares forcément, de pur bonheur, comme celle qui donne son nom au livre, Célidan disparu : personnage à la fois pusillanime et enflammé d'une pièce de Corneille que j'ai jouée à mes débuts d'acteur, dont je découvris lors de l'audition pour l'obtenir, qu'il me révélait à moi-même, et faisait de moi un acteur heureux. »
Denis Podalydès
À lire – Denis Podalydès, Célidan disparu, Mercure de France, 2022.
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